AccueilLa UNETunisie : Tout gouvernement proposera, l’ARP disposera et s’opposera

Tunisie : Tout gouvernement proposera, l’ARP disposera et s’opposera

La Tunisie a dernièrement donc connu son 10ème remaniement gouvernemental depuis le 14 janvier 2011. C’est aussi le 2ème remaniement du 7ème des gouvernements de la Tunisie de l’après Ben Ali. Cela fait une moyenne de trois remaniements (3 avant les élections du 23 octobre 2011, autant sous la Troïka et encore trois depuis les élections d’octobre 2014) par an. C’est dire le haut degré d’instabilité politique qui a prévalu. Une instabilité qui explique beaucoup d’échecs, dont notamment celui des réformes.

Du prochain gouvernement, on dit qu’il fait la part belle en fauteuils à Nidaâ et Ennahdha. On en dit aussi un gouvernement pléthorique pour un pays en crise, un gouvernement de guerre sans que ne soit précisé l’enjeu de cette guerre et un gouvernement des pressions et des résistances entre Carthage, La Kasbah, Montplaisir et le Lac, sans qu’on dise officiellement pourquoi et quels sont les critères pour y entrer et sortir.

  • Les hommes du Président

En dehors de ce qui a été octroyé, dans cette nouvelle composition gouvernementale, à Nidaâ, Ennahdha et autres partis, il y a lieu de constater qu’au moins 4 nouveaux ministres font office d’outsiders. Personne ne s’attendait en effet au retour d’Abdelkrim Zbidi au ministère de la Défense. Il y était pourtant entre 2011 et 2013 alors que BCE était simple Premier ministre. D’autres noms que celui de Ridha Chalghoum circulaient pour le ministère des Finances, jusqu’à quelques minutes avant l’annonce finale, comme Lassaad Zarrouk et surtout Ridha Saïdi d’Ennahdha. Chalghoum était pourtant chargé des dossiers économiques sous BCE. Très peu s’attendaient encore au départ de Hédi Mejdoub de l’intérieur après qu’Ennahdha a signifié son opposition à son départ. Cela, sans oublier le nouveau ministre de la Santé Slim Chaker, qui était d’abord pressenti au transport, et qui a fait un passage au palais de Carthage. Les 3 nouveaux ministres qui les remplacent ont en commun le fait d’être proches de BCE. On pourrait même y ajouter le nouveau ministre de l’Education qui était, depuis juillet 2015, directeur de l’Institut tunisien des études stratégiques, une structure sous la tutelle de la Présidence de la République.

Beaucoup d’observateurs, locaux et étrangers, ont vu dans cette injection d’hommes du président de la République dans le Cabinet du chef du gouvernement, un retour en force au pouvoir d’un BCE qui se sentait comme un lion dans une cage. D’autres y ont même vu une nouvelle configuration de pouvoir où le chef du gouvernement est réduit au statut de Premier ministre.

D’aucuns y voient, par contre, une couverture présidentielle pour le changement d’un certain nombre de ministres que Youssef Chahed ne pouvait faire sans être l’objet de fortes pressions et peut-être même de chantage. D’autres encore font le lien entre le remaniement et la dernière interview de BCE au journal La Presse, pour expliquer que ces hommes du Président ont été injectés pour éviter que ces ministères ne restent, ne tombent ou ne retombent, entre les mains d’Ennahdha.

  • Les loups du Bardo et l’agneau de La Kasbah

C’est surtout un remaniement qui intervient à quelques semaines de la seconde revue du FMI qui déterminera le sort de la 3ème tranche de son prêt, et à moins de 3 mois de la discussion du budget et de la loi de finances 2018. Un remaniement qui supposerait des responsables, connaisseurs et immédiatement opérationnels.

Cette semaine, le chasseur de têtes qu’a été pendant quelques semaines Youssef Chahed, présentera à l’ARP ses nouvelles recrues, parfois connues mais pas toujours reconnues. Ils seront dénigrés, maltraités, parfois même insultés par certaines langues puantes de l’ARP qui leur diront toutes les insanités, et de tous ceux qui ont fait de l’insulte dans l’enceinte du Parlement où ils sont couverts par l’immunité, un instrument d’ascension sociale.

On leur cherchera des poux, on invoquera contre eux la magie du vaudou et tous les francs-tireurs les cribleront de trous. On traitera Chahed de tous les noms, on fera porter la responsabilité de tous les maux et lui feront porter le chapeau de tous les accros, les bobos et les soubresauts.

La «Abbou» s’est déjà lâchée sur Nessma TV et «Amroussia» menace de le faire et prépare la caméra de son portable pour partager son fiel sur les réseaux sociaux. Et devant cette débauche de médisances, le chef du gouvernement restera placide et stoïque, dirons-nous, pour être politiquement corrects, impotent et ne réagissant pas aux stigmates, pour être plus justes.

  • BCE met le doigt là où ça fait mal, sans donner le remède

Dans l’interview, publiée le même jour que l’annonce du remaniement, le chef de l’Etat Béji Caïed Essebssi avait aussi mis le doigt sur le mal, la cause essentielle de tous les remaniements qu’il a initiés, cautionnés ou validés. «Le système politique issu de la Constitution actuelle souffre de plusieurs insuffisances. C’est un système qui paralyse pratiquement l’action du gouvernement. Son caractère hétérogène n’aide pas le gouvernement, n’importe quel gouvernement, et le pouvoir exécutif en général à accomplir leurs fonctions pour ce qui est de la gestion de l’Etat et de la réalisation du développement dans une société démocratique où sont consacrées la liberté et la dignité», dit à juste titre BCE.

Il est en effet un fait établi que la Tunisie de la Révolution s’est embourbée dans un système politique où personne ne gouverne, où tout le monde détient la minorité de blocage, où la présidence de la République a les ailes coupées par la Constitution, la présidence du gouvernement émasculée par l’ARP et cette dernière divisée entre groupes parlementaires et factions rivales au sein d’un même parti.

De ce fait, tout le monde gouverne, mais personne ne règne. BCE manipule et conseille, Youssef Chahed réfléchit, se démerde et propose et l’ARP dispose et surtout s’oppose. Cela est valable pour les gouvernements Chahed et ceux qui le suivront. Cela s’était déjà vérifié pour les gouvernements qui les ont précédés. Résultat, la Tunisie a connu 9 remaniements qui n’auront été qu’un simple jeu de chaises musicales.

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