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Tunisie : Un air d’été 2016 flotte sur La Kasbah. Chahed paierait-il le prix de sa guerre ?

Il aura beau avoir fait l’objet d’un consensus national pour accéder à la Primature et avoir jusque-là fait plutôt bonne impression auprès du public, Youssef Chahed reste la bête noire de toute l’opposition et son homme à abattre. Il est vrai aussi que son propre parti, Nida Tounes, est loin d’être le premier de ses soutiens et a presque toujours remis en cause ses ministres dont il veut les fauteuils pour ses adhérents.

Il est tout aussi vrai que même l’appui du chef de l’Etat ne lui est pas définitivement acquis. Rappelons à cet égard, que Béji Caïed Essebssi (BCE) avait aussi «soutenu» l’ancien chef de gouvernement Habib Essid. C‘était pourtant bien le Palais, dirigée par BCE qui l’avait invité à démissionner pour ne pas qu’on ne «te traîne dans la boue». L’autre partie de la coalition qui le dirige, Ennahdha, reste à distance de tout le monde, mettant la main, sans jamais trop en faire, dans le cambouis de ceux qui complotent contre Youssef Chahed en le soutenant, avec juste ce qu’il faut de voix, à l’ARP.

  • Chahed ou l’homme qui ne devait pas réussir

Moins d’une année après sa désignation en tant que chef du gouvernement (le 27 août 2016), Chahed semble avoir déjà atteint la limite de ce qui est permis de faire à un chef de gouvernement tunisien depuis 2011, dans un pays où le consensus n’est que de façade et où tout le monde tient à l’œil le pouvoir et fait tout pour que son détenteur tombe, de préférence de lassitude de ne plus pouvoir rien faire.

Il avait pourtant pu corriger les erreurs du gouvernement Habib Essid et terminé les travaux herculéens demandés par le FMI (Fonds Monétaire International). Il avait aussi réussi à débloquer la seconde tranche de son aide et celles de ses «Followers» que sont la BM, la BAD et l’UE, mobilisant les ressources qui ont sauvé le pays de la banqueroute et même mobilisé des ressources sur le marché financier intérieurs. Il avait aussi, avouons-le, remis l’économie sur le tortueux chemin de la reprise, malgré la situation financière intenable. Le FMI atteste de tout cela, en affirmant dans son dernier rapport d’août 2017 que ««les perspectives de l’économie tunisienne s’améliorent lentement, mais les défis subsistent. La croissance est en voie d’atteindre les 2.3 pour cent en 2017, soutenue par la reprise dans les phosphates, l’agriculture et le tourisme».

Il ne fait par ailleurs aucun doute que ce début de réussite n’est pas uniquement celui de Youssef Chahed, mais aussi de toute une équipe, bien que minée par les «œil de Moscou» qui jonchent les cabinets, notamment au ministère des Finances où les forces de rétention sont importantes, car touchant l’argent qui est le nerf de la guerre.

Les pieds et les poings liés par l’UGTT et les différents lobbies économiques et financiers, le chef du GUN (Gouvernement d’Union Nationale) ne devait pas dépasser le seuil de réussite qui mettrait à mal la capacité de tolérance de ceux qui l’avaient mis à ce poste. Il ne devait surtout changer le statu quo qui arrange toutes les forces, politiques et économiques d’une Tunisie où beaucoup estiment que la «révolution» est loin d’être terminée et où chacun a sa propre vision de la meilleure manière de la terminer.

  • Corruption, la guerre de trop ?

Mais Youssef Chahed aura surtout entamé la guerre que tous ses prédécesseurs avaient évitée et que toute la scène politique tunisienne craignait, celle contre la corruption, le népotisme, les passe-droits et la prévarication. Et c’est cette manifestement dernière action, dont la vague et les écumes pourraient bien l’emporter.

Dès les premiers actes de cette guerre, on lui brandit de vieilles affaires, contre lui-même et certains membres de son cabinet, comme pour l’effaroucher. Chahed n’entendra pas les «warnings». Pire, il n’y répondra pas avec la vigueur qu’il faut et n’hérissera pas le poil pour montrer sa détermination et mettre un terme aux attaques. De fait, il se laissait ainsi devenir l’ânon des députés, impolis et mégères, qui assèneront les premiers coups. Ils l’accusent et l’insultent, jusqu’à lui demander de regarder derrière lui [Ndlr : Le banc des ministres dans l’hémicycle de l’ARP] pour reconnaître les corrompus. On se serait ce jour-là, au moins attendu à ce le chef du gouvernement réagît et quittât la salle en signe de protestation. Il n’en a rien fait et on se demande toujours pourquoi Chahed se laisse-t-il ainsi faire et s’il était conscient de l’état de faiblesse dans laquelle il se met devant les députés et s’il est bon pour la 2ème République que le Législatif phagocyte l’Exécutif ?

Rached Ghannouchi assène le coup de semonce, en l’accusant indirectement de profiter de son statut de chef de gouvernement et l’éclat médiatique apporté par la guerre contre la corruption, pour préparer une possible candidature à la magistrature suprême et le somme de ne pas se présenter aux prochaines présidentielles. Quelques jours plus tard, la machine s’emballe et la cabale commence. Le dirigeant au sein de Nida Tounes, Khaled Chawket déclarait ainsi, jeudi 3 août sur la chaîne TV Nessma, que «si le chef du gouvernement a des ambitions politiques aux dépens de l’intérêt du pays ou s’il n’a pas suffisamment d’audace, qu’il laisse sa place». Les deux piliers du GUN (Gouvernement d’Union Nationale) sont désormais contre le chef du GUN.

  • Un air d’été 2016 flotte sur La Kasbah

Cela rappelle l’été 2016, date de la campagne anti-Habib Essid et son départ sur la pointe des pieds. Mais cette fois, ce n’est pas pour impuissance, mais pour «trop de puissance» malgré une émasculation précoce. Il faut dire que la guerre contre la corruption, que tous soutiennent mais tous craignent, a surtout touché des appuis financiers des partis au pouvoir. Grosses fortunes, plus ou moins mal acquises, et contrebandiers ont toujours flirté avec les cercles du pouvoir pour s’en assurer sinon l’appui, du moins l’impunité.

Logiquement, cette guerre commençait à pointer ses flèches vers l’ARP et vers LE parti du pouvoir. Des noms fusent ou sont fuités. Les noms, notamment, de deux hommes d’affaires. Le premier originaire de Monastir et l’autre d’Hammam Lif. Les deux, proches du parti Ennahdha et qui pourraient être touchés par d’éventuelles actions dans le cadre de la lutte contre la corruption. Des hommes à propos desquels le parti islamiste a déjà fait une levée de boucliers auprès du chef du gouvernement. Manifestement donc, Youssef Chahed serait allé un peu trop loin et il serait désormais temps pour Ennahdha de mettre le holà à l’hallali de Youssef Chahed.

Reste à se poser la question de savoir si la nouvelle cabale contre le fauteuil de chef de gouvernement va s’arrêter et à qui profiterait le crime d’une éventuelle période d’instabilité politique ?

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