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4 juges et un Président: Du bon, du moins bon, et du grand n’importe quoi!

C’était hier devant un quatuor de juges, des fois éberlués, médusés sous leurs masques anti-Covid, et qui s’interrogeaient du regard sur l’objet d’une réunion avec le chef de l’Exécutif en colère jusqu’à en oublier son propre masque, en temps de séparation des pouvoirs. Une rencontre sous forme d’un véritable réquisitoire, tout en accusations et tout en questionnements d’un Kais Saïed qui sent, jour après jour, que la « justice n’est pas garantie » à sa cause et à son projet, et qui s’interrogeait qu’elle est la valeur d’un jugement, prononcé  20 ans  après la commission des faits ? Pourquoi la justice n’a-t-elle pas encore tranché et pris les décisions qui s’imposent, dans des dossiers tout prêts ? Qu’attend la justice, et pourquoi ?

  • Des anecdotes qui sonnaient comme des preuves à charge

« Il y a quelques jours à peine, dit-il avec une mimique de dédain, une affaire relative à la vente d’un bien confisqué, alors qu’il n’y avait rien de confisqué. Une personne avait été jetée en prison, alors qu’il n’y avait aucune confiscation. Et on se demande donc, pourquoi juger à l’aune d’une accusation dont l’objet n’existait même pas. Et ce n’est qu’après des contacts avec un des contrebandiers pour une audience et ensuite la libération de la personne accusée ». On n’y comprend que peu de choses dans ce récit du chef de l’Etat et dans le rôle joué par le … contrebandier qu’il citait, mais on suppose qu’il y a eu erreur judiciaire grave de la part de l’un des juges.

« Avant-hier encore, à l’occasion d’un inventaire des affaires en justice en cours depuis 10 ans devant le pôle financier, on découvre celle contre l’ancien président, encore considéré en fuite alors qu’il est décédé depuis. Est-ce normal de parler  encore d’état de fuite ? » racontait encore le chef de l’Etat tunisien à propos de ce qui se passe dans la justice tunisienne. Une autre malheureuse anecdote réelle qui rappellerait presque cette déclaration d’un ancien ministre d’Ennahdha, faisant état d’un cadavre en état de décès !

« Une autre encore, traînait toujours pour manque de quorum au sein du  tribunal du pôle financier. Et cela dure depuis 10 ans. Cela ne peut pas continuer », disait encore, écœuré, Kais Saïed de ce qui semble être une pratique courante pour reporter la décision dans une affaire embarrassante, ou qui aurait enregistré des interventions, comme y faisait d’ailleurs allusion le chef de l’Etat tunisien qui rappelait aussi cette triste réalité judiciaire de ladite révolution, que « il y a beaucoup d’affaires soulevées par l’Inspection, mais sans aucun effet judiciaire. Mais le chef de l’Etat pouvait en citer davantage, comme cette pratique d’envoyer la convocation au tribunal de première instance à une adresse non vérifiée, ou encore de convoquer la personne objet d’instruction un vendredi après-midi ce qui reviendrait à un week-end derrière les barreaux.

Saïed a aussi parlé du silence des juges dans une affaire d’équipements d’espionnage importés de l’étranger (Ndlr : Il ne dira cependant pas comment ces instruments étaient entrés sur le territoire tunisien), en partie confisqués à Sousse, et sans que le Parquet ne bouge, tout comme contre une autre personnalité qui aurait menacé de faire descendre ans la rue les milices sous ses ordres.

Une partie de son discours, monté comme toujours, de 20 minutes, certes offensive, mais qui dénudait des pratiques courantes, et c’était bon.

  • Tentative maladroite de dépouiller la justice de sa souveraineté ?

On l’avait déjà dit ici, Kais Saïed n’a plus que l’option de dégager Ennahdha du raout politique par les sanctions comprises dans le code électoral, et le rapport de la Cour des Comptes, pour sauver son mandat.

Et c’est son impatience, alors que l’opinion publique change,  qui le rendrait presque plus « violent » et frontal, face à une justice qui ne lui emboîte pas le pas aussi vite qu’il le voudrait. « Vous le savez plus que d’autres, la justice est d’abord une fonction et un service public, et non un pouvoir. L’autorité et la souveraineté sont pour le peuple au nom duquel sont prises les décisions et les sanctions, et tout le reste n’est que fonctions et la séparation est entre les fonctions seulement, qui ne peuvent se transformer en autorité indépendante des autres pouvoirs, et non de l’Etat et ne peut donc se transformer en un pouvoir à l’intérieur de l’Etat », menaçait presque hier Kais Saïed, qui se hasarde à rabaisser, sans préambule, la justice à un corps de simples fonctionnaires.

Une rencontre qui, si elle devait avoir lieu, devait à notre sens se dérouler entre dix yeux, pour éviter que les représentants d’une justice qu’il prenait vertement et ouvertement à partie, ne ruent dans les brancards, comme ils n’ont d’ailleurs pas tardé à le faire le soir même, rappelant dans un communiqué de presse, « sa position constante contre toute tentative de porter atteinte, par décrets, aux dispositions constitutionnelles du pouvoir judiciaire ». Une sorte de « réponse du berger à la bergère », moins bonne, tant pour l’un que pour l’autre.

  • Jalousie politique ou ignorance ?

Tout aussi gauchement que lorsqu’il tentait la semaine dernière de politiser l’armée, Kais Saïed tentait hier encore de remonter la justice contre un président de parti politique, dont l’expertise avérée, tant dans les affaires de l’Etat que dans les siennes propres, semblait faire de l’ombre au politicien dénué de toute fibre économique, que donne la nette impression le chef de tout l’Etat tunisien. Et quand bien même en aurait-il, c’est son silence et celui de sa cheffe du gouvernement sur leurs possibles programmes et stratégie de reprise, qui étouffe l’essentiel dans le superflu de sa mégalomanie et de son complotisme.

Aller cependant jusqu’à en vouloir à cette justice qu’il exhortait à être juste d’avoir rendu justice dans l’affaire d’un homme d’affaires qu’il traite de voleur, dans  une ingérence flagrante dans les affaires de la justice. « La presse le présente comme le sauveur de la Nation. Il aurait dû sauver sa propre personne », pour avoir osé présenté des solutions à la crise économique que Saïed n’a pas fait bouger d’un iota.

On sait pourtant, pour avoir suivi cette affaire, qu’elle était définitivement résolue, en sa faveur en  Cassation, sans besoin d’aucun arrangement à l’amiable. Du grand n’importe quoi, de la part d’un juriste, apôtre d’une justice politiquement indépendante, et juste entre tous les justiciables.

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