La Banque centrale de Tunisie est de plus en plus dans l’obligation d’avoir recours au marché bancaire domestique afin de financer les banques de la place dans cette conjoncture exceptionnelle, selon le professeur d’économie et ex membre du conseil d’administration de la BCT, Fathi Nouri.
Dans une interview accordée à African Manager, il a souligné que l’une des missions principales de la Banque centrale est de protéger l’État et son système financier et bancaire, expliquant que la valeur des prêts internes a augmenté ces dernières années pour atteindre environ 40 milliards de dinars.
Il a, également, précisé que « la planche à billets » ne signifie pas que la banque centrale imprime des billets de banque, mais c’est une technique qui permet à la banque centrale d’injecter des liquidités dans l’économie.
Dans le même contexte, il a expliqué que l’impression des billets se fait par des transferts virtuels au ministère des Finances, qui, à son tour, recourt à des emprunts à court terme auprès des banques tunisiennes avant que la Banque centrale ne rachète les obligations émises.
Le professeur d’économie a souligné que la BCT, eu égard au manque de ressources de l’Etat, a tendance à émettre des bons du trésor et demande aux banques d’y souscrire, expliquant que l’Institut d’émission s’est résigné à cette alternative sous l’effet des grandes difficultés rencontrées pour sortir sur le marché financier international, d’autant que la Tunisie n’a pas conclu, à ce jour, d’accord avec le Fonds monétaire international, les pourparlers étant toujours en cours.
Il a, aussi, indiqué que malgré le volume important des emprunts de l’Etat auprès des banques locales, au cours de la dernière période, ceci ne va pas se faire au détriment des investisseurs ou du citoyen tunisien, en raison de la baisse des investissements, d’une part, et de la faible demande de crédits de consommation, d’autre part.
Le FMI sollicité pour un crédit de 4 milliards $
Par ailleurs, la Tunisie cherche à conclure un nouvel accord avec le Fonds monétaire international dans le but d’obtenir un prêt d’environ 4 milliards de dollars qui sera alloué au financement du budget.
En effet, il est unanimement admis que la mission de la délégation tunisienne avec le Fonds monétaire international est difficile pour obtenir un nouveau prêt, en raison du climat social et politique tendu dans le pays, alors que le Fonds exige des garanties quant à un consensus interne par rapport aux réformes exigées.
Le nouveau prêt, objet de la négociation actuelle, est le troisième du genre depuis la révolution de 2011 et le quatrième dans l’histoire du pays.
Il est prévu que le Trésor public sera financé ce mois par l’emprunt interne , en plus du prêt de 700 millions de dollars que la Tunisie avait obtenu auprès de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) au taux d’intérêt de 5,76 %, à rembourser sur sept ans, avec une période de grâce de deux ans.
Les réformes en 4 axes
Le programme des réformes en matière de politiques budgétaires et fiscales à court et moyen terme pour la période 2022/2024 s’articule autour de 4 axes principaux liés au contrôle de la masse salariale, à la restructuration de la fonction publique et à la réforme du système de compensation, et à la gouvernance des entreprises publiques ainsi qu’à la réforme fiscale.
Il est estimé que la réforme du système de subventions ne peut passer que par la refonte des politiques et des mécanismes de compensation, en migrant principalement des compensations des prix aux subventions directs, ce qui permet l’octroi de crédits supplémentaires destinés à l’investissement public. Plus particulièrement, le programme de réforme relatif aux subventions des carburants vise à atteindre les prix réels d’ici 2026, tout en prenant des mesures parallèles pour protéger les catégories vulnérables.
S’agissant des subventions des denrées de base , elle ont enregistré, à leur tour, une augmentation en relation avec la hausse des prix des céréales et des huiles végétales sur les marchés mondiaux, qui n’ont pas connu des ajustements depuis 2008, ce qui nécessit , selon le document budgétaire à moyen terme du ministère des Finances , l’élaboration, au cours de l’année 2022, d’une étude sur l’étendue de l’efficacité et de la faisabilité du programme de réformes proposé pour une mise en œuvre sur le terrain en faisant évoluer le système actuel de soutien des prix vers un nouveau système basé sur le soutien salarial et les transferts monétaires directs, en plus d’activer progressivement le nouveau système de subvention des denrées de base au cours de la période de 2023 à 2026 avec un mécanisme de ciblage capable de réaliser la justice nécessaire dans l’octroi des aides pécuniaires à ceux qui les méritent.
Par ailleurs, le gouvernement considère que le programme des réformes vise principalement à maîtriser et dans l’urgence les grands équilibres, à relancer la croissance et à débrayer le terrain pour la reprise économique.
Il est à rappeler que la dette publique de la Tunisie, selon la loi de finances, représente 82,57% du PIB en 2022, et la dette extérieure est d’environ 72,9 milliards de dinars (24,8 milliards de dollars), tandis que la dette intérieure est de 41 milliards de dinars.