AccueilLa UNEAmendement électoral : Pourquoi maintenant, et limité au seuil d’éligibilité ?

Amendement électoral : Pourquoi maintenant, et limité au seuil d’éligibilité ?

A voir la subite envie du mouvement Ennahdha de déposer une proposition de loi portant amendement de la loi électorale, on se prend à être taraudé par moult interrogations plus ou moins anxiogènes mais qui renvoient toutes à une seule et unique fixation : garder le pouvoir, au pire le partager à sa stricte convenance. Telle est, esquissée en quelques mots, l’idée ambiante faite sienne par un large éventail de la classe politique et qui revenait comme un leitmotiv dans de nombreuses interventions à la séance plénière, ce mardi, consacrée à ce texte.

Etait-ce de bonne guerre de le clamer si crûment et de reprocher à l’auteur de la proposition de loi d’enrober son amendement du couvert du relèvement du seuil électoral den 3% à 5% ? Sans doute la ficelle était-elle grosse pour soulever l’ire du député Zouhair Maghzaoui, par ailleurs secrétaire général du mouvement Echaab, membre de la Coalition gouvernementale, qui a affirmé qu’Ennahdha n’a pris cette initiative législative qu’après le rejet par le Parlement du gouvernement Habib Jemli. Et à l’instar d’autres pairs, il a accusé le mouvement islamiste de chercher, à travers cette proposition de loi, à éliminer les petits partis et accentuer son emprise sur la Représentation nationale et la vie politique du pays, de concert avec un ou deux autres partis politiques censément majeurs.

Disposition capitale de l’amendement de la loi électorale, la revue à la hausse du seuil d’éligibilité avait déjà été présentée devant l’ancien parlement en juillet 2019, soit quelques mois seulement avant l’organisation des élections législatives (octobre 2019). Rejetée par une large partie de la société civile et politique, cette proposition a été de nouveau présentée devant l’actuel parlement.

Tout bénéfice pour les vainqueurs

Pour le président de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections, Nabil Baffoun, cité par TAP, l’adoption d’un seuil électoral de 5% va changer de manière significative la composition du parlement. Il explique que  » l’augmentation du seuil électoral va sûrement entraîner le changement du quotient électoral et augmenter le nombre de sièges des 4 premiers partis vainqueurs des législatives. Le seuil de 5% va aussi affecter les compositions au sein du parlement entre blocs partisans, coalitions et indépendants qui représenteront dans ce cas 18% de la composition de l’Assemblée des représentants du peuple « . Surtout, il a estimé qu’avec un seuil de 5 %, le parti vainqueur aux législatives bénéficiera d’une augmentation de 10% du nombre de ses sièges selon une simulation des résultats, contre 7 % pour le deuxième parti vainqueur.

A vrai dire, le mouvement Ennahdha aurait été mieux inspiré et plus acquis à l’intérêt supérieur de la Tunis s’il avait soumis une proposition à vocation holistique, bouleversant, pourquoi pas de fond en comble, cette loi électorale fondée sur l’exécrable représentation proportionnelle au plus fort reste, un système jeté au rebut depuis des décennies pour avoir abîmé bien des régimes démocratiques en les maintenant pour longtemps dans une dévastatrice instabilité politique. En effet, la représentation proportionnelle (RP), fait qu’il n’y a aucun inconvénient pour les partis à se diviser et donc il y a multipartisme. Cependant, cet éclatement des partis politiques est néfaste car aucune majorité politique ne s’en dégage. Et cela, comme l’affirme la littérature y afférente, a vocation à porter atteinte à la volonté des citoyens ainsi qu’à la stabilité gouvernementale.

La « valse des gouvernements »

De plus, le multipartisme en proposant un large panel d’opinions politiques fait que l’élection ne marque plus une manifestation de la volonté nationale. On assiste alors à une sorte de dénombrement d’opinions. Cet ensemble d’opinions n’est pas représentable dans la pratique sauf aux termes de concessions réciproques, disent les experts, et il l faut bien qu’une majorité se dégage pour le vote de loi mais par là même cela dénature en partie la volonté des électeurs.

Enfin, l’élection à la RP rend difficile l’obtention d’une majorité puisqu’elle n’engendre plus une majorité, ni une majorité électorale, ni une majorité parlementaire. Ainsi, la majorité qui se dégagera pour gouverner sera multiple et fonction du poids respectif des partis. Le gouvernement ne sera viable que tant qu’il y aura entente entre les différentes composantes. C’est l’une des raisons de la chute de la 4ème République qui a connu une instabilité gouvernementale chronique avec sa « valse des gouvernements ». Idem en Italie ingouvernable en 93/94 du fait de la RP intégrale.

Si après tout cela, on se retrouve toujours chevillé à un système électoral à ce point destructif, c’est qu’on a rien compris à l’évolution de la démocratie, à ses déclinaisons et ses apports pour la bonne ordonnance de la Res publica.

M.L.

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