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Ben Ali était de mèche avec les islamistes la veille du 7 novembre

Les révélations de Hédi Baccouche, ancien premier ministre de Ben Ali de 1987 à 1989, ont créé l’évènement, pendant le week-end. L’apport de ce témoignage, livré dans le cadre des séminaires de la Fondation Témimi sur la mémoire nationale, peut se résumer à deux éléments fondamentaux, le premier a trait aux rapports Baccouche – Ben Ali et le second a un lien direct avec les évènements qui se sont déroulés à partir d’octobre 1987, en passant par le fameux 7 novembre, et qui ont marqué le pays, des décennies entières.

Les rapports Baccouche-Ben Ali ont déjà été évoqués par l’ancien premier ministre en d’autres occasions ( particulièrement l’émission Chahed Wa Chawahid d’Insaf Yahyaoui sur Al Wataniya 1 ) , où ces liens ne paraissent pas aussi solides qu’on pouvait le penser, malgré l’appartenance des deux anciens responsables à la même ville Hammam Sousse. Hédi Baccouche a affirmé, à la surprise générale, qu’il n’avait connu Ben Ali qu’à la nomination de ce dernier, en décembre 1977, comme Directeur Général de la Sûreté Nationale, et ce par le biais du Général Abdelhamid Fehri . Mais les rapports entre les deux penchaient au bénéfice de Hédi Baccouche. C’est qu’il est plus âgé que Ben Ali, lui dispensant des cours de rattrapage (cours particuliers), et le jour où il a adhéré au projet de démettre Bourguiba de ses fonctions de Chef d’Etat, il s’est attelé à résoudre les problèmes les plus épineux du 7 novembre. Il a rédigé le fameux « Bayane » , il a convaincu les médecins de déclarer Bourguiba inapte à l’exercice de la magistrature suprême, il a présenté un scénario conçu, selon lui, pour conduire directement le pays à la démocratie (un directoire de hauts gradés militaires , et un Gouvernement d’Unité Nationale qu’il devait lui-même diriger pendant 6 mois pour préparer de nouvelles élections libres et pluralistes ), et enfin il a parrainé l’idée d’une alliance électorale qui devait réunir toutes les formations politiques et sociales avec un scrutin uninominal, pour les législatives d’avril 1989 , proposition abandonnée après son rejet par Ahmed Mestiri, malgré l’accord de Noureddine Bhiri représentant d’Ennahdha à l’époque .

Les divergences entre les deux hommes étaient nombreuses et portaient sur plusieurs sujets dont les plus importants tenaient à la démocratie et à la légalisation du parti islamiste. Et Hédi Baccouche veut assimiler, sans le dire clairement, sa révocation en septembre 1989 au choix de Ben Ali de verrouiller la vie politique du pays, tendance qui allait s’accentuer de jour en jour.

L’évolution politique depuis 1989 semble conforter le diagnostic posé par Hédi Baccouche, puisque tout le monde s’accorde à dire que la détérioration de la vie politique en Tunisie pendant les deux décennies Ben Ali prenait racine dans le verrouillage de la vie politique et la répression systématique qui a pris pour cible Ennahdha et l’islam politique en général. Pour ce qui des liens directs entre Hédi Baccouche et Ben Ali, les choses semblent plus compliquées et leur impact sur l’évolution de la situation est moins évident.

Quant au deuxième élément se rapportant aux évènements qui ont lieu à partir d’octobre 1987, les observateurs remarquent qu’il y a des lacunes et des non-dits qui ne doivent pas passer sans être relevés .

– Hédi Baccouche déclare que Ben Ali l’a informé de son intention de destituer le président Habib Bourguiba, pour la première fois, le 27 octobre 1987, insinuant que la mécanique de la déposition a été déclenchée à partir de cette date . Or on sait très bien que Hamadi Jébali et Salah Karkar , activement recherchés et condamnés à mort par contumace, ont quitté le territoire la veille , le 26 octobre , ce qui suggère qu’il y a un certain lien entre les deux évènements , surtout que la bataille qui a éclaté dans l’entourage de Bourguiba portait en premier lieu , à l’époque , sur l’ouverture d’un deuxième procès des islamistes pour en condamner les dirigeants à la peine capitale .Or la présence en clandestinité et en territoire tunisien de Jébali et de Karkar peut constituer un lourd fardeau pour ceux parmi l’entourage du Combattant suprême qui s’opposaient à la réouverture de ce second procès, et Ben Ali en était le chef de file. Car ils risquaient d’être arrêtés à tout moment, et leurs liens avec les explosions des hôtels de Sousse et de Monastir, le 2 août 1987, pouvaient être éventés. Les 3 impliqués dans les attentats de Monastir et de Sousse, Fathi Maatoug, Abdelmajid Mili et Mohamed Chemli ont été déjà été convoyés jusqu’à l’Algérie, le 22 octobre 1987.

– Le complot fomenté par le groupe sécuritaire du Mouvement de la Tendance Islamique (MTI) pour le 8 /11/ 1987, a été devancé par Ben Ali par son coup d’Etat médical le 7/11/1987. Ses grandes lignes ont été révélées par les services de sécurité, par son instigateur Moncef Ben Salem , et par Sahbi Amri, un des éléments associés à l’exécution de cette conspiration . Le plan consistait à enlever le président Bourguiba et peut-être le tuer, à faire exploser des ministères de souveraineté à caractère sécuritaire et un grand hôtel du centre de la capitale. Mais un élément n’a pas été divulgué : qui allait être choisi après ce carnage pour devenir le chef d’Etat du pays ? Le nom d’Ahmed Mestiri a été avancé en guise de façade démocratique et modérée à ce coup de force, mais l’information n’a pas été vérifiée, puisqu’il n’y a pas eu de procès dans cette affaire , et Ben Ali , Mestiri lui-même et Ennahdha ont tenu à ne pas piper mot .

– Les islamistes, et malgré leur plans violents qui visent à changer la nature de l’Etat tunisien et le modèle de société, objectifs jamais cachés, étaient sollicités par une large frange de la classe politique. Plusieurs leaders veulent collaborer avec eux, peut-être dans l’intention de les utiliser et de les manipuler, mais toutes ces initiatives se sont avérées infructueuses, et l’islam politique a fini par manipuler tout le monde, l’expérience de la troïka en était la dernière illustration . Ce qui donne la preuve que les contradictions entre islamisme et modernisme, sur le plan politique ne sont pas si vives et Ben Ali n’a pas échappé à cette règle.

Aboussaoud Hmidi

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