AccueilCe que je croisChakchouk et la «Chakchouka» du transport

Chakchouk et la «Chakchouka» du transport

La crise économique et sociale qui s’est installée en Tunisie cette dernière décade a conduit le pays après la révolution à une véritable involution dans tous les secteurs. Les ressources traditionnelles de l’Etat qui soutiennent l’économie du pays depuis l’Indépendance, à savoir l’agriculture, l’industrie touristique et énergétique sont en train d’agoniser. Le secteur crucial des transports n’est pas en reste au vu de l’archaïsme et des déboires sans fin de ses institutions et services qui ankylosent l’activité du pays.

Je ne parlerai pas ici de l’insuffisance du secteur routier qui, malgré quelques réalisations qui sont à mettre au crédit de l’ancien régime, reste nettement en deçà des besoins spécifiques  du pays .Les 700 km du réseau  autoroutier ne doivent pas constituer l’arbre qui cache la forêt de l’état de délabrement du reste du réseau routier surtout à l’intérieur du pays .Je ne m’étendrai pas non plus  sur l’état de quasi faillite de la compagnie nationale Tunis Air jadis grande fierté du ministère du Transport, ni sur la désuétude de l’aéroport de la capitale indigne de l’image du pays ,ni encore sur  l’état archaïque du réseau ferroviaire dont les déraillements répétés de ses  trains ne sont plus anecdotiques et constituent une honte  pour le pays .

Je voudrais parler plutôt des anachronismes de ce secteur vital qui ont la peau dure et qui ne semblent pas déranger outre mesure les différents responsables du ministère du Transport aussi technocrates et bardés de diplômes seraient-ils et qui se complaisent dans cette léthargie et cette médiocrité qui ankylosent tous les rouages du secteur.

La Tunisie est le seul pays au monde qui utilise encore des plaques d’immatriculation noires pour les véhicules, nomenclature qui date du XIX siècle, en décalage total avec les standards internationaux actuels appliqués dans tous les pays.

La Tunisie est l’unique pays au monde où les taxis affichent un signal rouge quand ils sont libres et un signal vert quand ils sont occupés, fait tout à fait déroutant surtout pour les étrangers, sans parler de certains taxis qui sont de véritables épaves roulantes mettant en péril la sécurité des citoyens.

Les taxis collectifs, un fléau national, sont les kamikazes des villes qui embarquent le double de leur capacité en passagers, ne s’arrêtent jamais au feu rouge, stoppent n’importe où sans préavis, zigzaguent à tombeau ouvert et roulent à contre sens en provoquant des accidents mortels tous les mois sans aucune réaction des autorités.

La Tunisie est victime d’un fléau pire que le Covid que sont les accidents mortels sur les routes dont notre pays occupe le podium mondial dus à l’indiscipline des conducteurs mais aussi à l’absence totale de campagnes de sensibilisation et de tout contrôle répressif par les autorités. (15 morts ce dernier weekend end sur les routes tunisiennes !)

La Tunisie est le seul pays au monde où les trains roulent à grande vitesse les portières largement ouvertes avec des voyageurs assis sur les marchepieds pour se rafraîchir. Le spectacle hallucinant des bus archibondés qui roulent avec des énergumènes accrochés aux portières ouvertes est une des facettes du folklore national.

Les stations de métro sans entretien rivalisent de laideur, de délabrements, d’amas d’ordures et de broussailles avec des voies de métro qui sont squattées sur certaines lignes à longueur de journée par les marchands ambulants en toute impunité.

Les pistes cyclables dans les villes sont inexistantes et des dizaines de milliers de motocyclistes circulent librement sans contrôle, dépourvus de carte grise et de vignette du fait des tarifs irréalistes imposés par le ministère pour ces moyens de transport causant de ce fait un manque à gagner pour l’Etat de plusieurs milliards par an.

La transition énergétique n’est apparemment pas la tasse de thé du ministère du Transport dont les responsables n’ont apparemment aucune conscience des enjeux énergétiques et écologiques qui sont actuellement le souci majeur de tous les pays de la planète. Dans le monde  entier,  le combat  contre les émissions de carbone est  devenu une priorité absolue de tous les gouvernements, et des moyens colossaux sont mis en œuvre pour minimiser son impact sur l’environnement .En Europe ,en 2024 ,il sera désormais  interdit aux véhicules diesel de circuler dans les métropoles  et en 2030,  les constructeurs n’auront plus le droit  de fabriquer des moteurs diesel si bien qu’ils se sont tous mis dès maintenant à la technologie hybride ( associant moteur thermique couplé  à un moteur  électrique ) ou tout électrique sans aucune émission de carbone ,encouragés par des réductions d’impôts et des primes à l’achat aux acheteurs de tout véhicule électrique .

En Tunisie, on vit sur une autre planète. Le combat écologique ne fait pas partie de nos mœurs. Aucun programme, aucune initiative, aucun encouragement, aucun débat concernant la transition énergétique n’est à l’ordre du jour. Dans quelques années, notre pays sera la poubelle de tous les véhicules déclassés, interdits de circuler en Europe et paradoxalement notre ministère du Transport, pour pallier à l’échec des transports en commun, encourage au maximum l’importation des véhicules thermiques qui constituent la vache à lait des services fiscaux vu les droits et taxes douaniers exorbitants qui leur sont appliqués. Ces tarifs douaniers n’ont jamais dissuadé le Tunisien lambda qui ne rechigne pas à acheter sa voiture en payant en sus deux ou trois fois son prix pour les droits de douane.

Les chiffres sont effrayants pour un pays importateur d’hydrocarbures qui se permet de faire immatriculer par ses services  tous les ans  entre 60.000  et 80.000  véhicules a motorisation  essence ou diesel et qui sont largués dans la circulation urbaine déjà au bord de l’asphyxie ,avec  leur impact négatif sur l’environnement  .Le nombre de grosses cylindrées 4X4 énergivores  et polluantes qui se pavanent dans les avenues est absolument indécent et irréaliste  pour un pays qui se débat  dans une crise économique sans précèdent  .Les  balbutiements actuels de quelques importateurs qui proposent des véhicules hybrides sont voués a l’échec du fait de leurs  tarifs  exorbitants  faute d’incitations fiscales et de l’absence  totale  de toute logistique  de recharge électrique urbaine .

Il serait vraiment fastidieux d’énumérer ici tous les autres travers inhérents aux transports et qui se répercutent sur les autres secteurs touchant l’économie du pays. Une mise à niveau radicale du système des transports est nécessaire en donnant la priorité absolue aux transports en commun et en appliquant les directives de la transition énergétique le plus tôt possible. Il est impératif que Mr Chakchouk ci -devant ministre de tutelle fasse quelques efforts afin de trouver les ingrédients nécessaires pour rendre plus comestible cette « Chakchouka » indigeste des transports, il en va de l’avenir du pays.

Dr Tarak Arfaoui

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1 COMMENTAIRE

  1. Bravo. Tout est dit. Notre pays vit à l ère du non-sens absolu, de l aberration dans tous ses aspects et de l insouciance généralisée. Nous sommes legions dans les querelles mesquines dans cette arène qu est devenue la Tunisie avec des protagonistes qui nous installent dans une faillite implacable.

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