AccueilLa UNEEscargotières en péril cherchent un noble sauveur

Escargotières en péril cherchent un noble sauveur

Des  zones de pâturages pour les bergers du coin quand ils ne sont pas des lieux de beuveries pour les bandes d’ivrognes, beaucoup de sites archéologiques et historiques tunisiens le sont malheureusement devenus, faute de sauvegarde, au moment où ils auraient pu être de véritables mines d’or entre des mains plus expertes.

C’est le cas, entre autres, des vestiges préhistoriques dont regorgent les délégations de Talapet et Foussana, à Kasserine, parmi lesquels  de grandes escargotières (ramadia), remontant à l’époque capsienne, il y a plus de 8000 ans, transformées, dans l’indifférence générale, en terrains de parcours et en zones d’habitation, tels le site localement appelé Khanguet  Esslougui (le passage du chien) et l’escargotière nommée pour cette raison « Kouds erramad » (le tas de cendres). A la faveur d’identifications scientifiques avérées, des fouilles récentes effectuées par l’Institut national du patrimoine ont permis d’y découvrir, en effet, des restes d’escargotières d’une grande importance historique, témoins de l’expansion, en Tunisie, et en Afrique du Nord , de  la grande civilisation préhistorique de la pierre polie connue sous le nom de « civilisation capsienne », d’après le nom de la ville de Gafsa au Sud tunisien , son lieu d’origine.

Pourtant, dix ans à peine après son indépendance, la Tunisie a officiellement demandé à l’UNESCO, en 1967, de « l’aider à mettre en valeur son patrimoine archéologique et historique au service de son développement économique ».

Mais les bonnes intentions ne suffisent pas. Suivant l’adage disant « l’occasion fait le larron », la négligence qui serait voulue selon certains, a favorisé le développement d’un pillage en règle des sites et monuments archéologiques et historiques en Tunisie, soit pour voler directement les objets antiques qu’ils recèlent et les vendre aux collectionneurs, soit pour rechercher sur place des trésors présumés de pièces d’or que leurs anciens habitants y auraient laissés.

Une enquête bien fournie, publiée par le journal Assabah du jeudi 23 février 2023, sur deux pages, concernant ce pillage systématique du patrimoine archéologique et historique en Tunisie, met en évidence l’ampleur du fléau et les multiples facettes qu’il a prises et dont certaines dignes de servir de scénarios à des films de fiction.

Ainsi, en décembre 2009, les ouvriers d’un chantier de construction à la localité de Béni Nafâa, à Bizerte, en creusant le sol, ont mis au jour un cimetière et des poteries antiques de l’époque punique, déclenchant de véritables raids organisés de la part des riverains contre le site à la recherche de trésors qui y seraient enfouis. Des bandes rivales s’étaient constituées, s’affrontant à coup de fusils de chasse pour défendre ce que chaque bande appelle son propre terrain de chasse,  de sorte qu’il a fallu l’intervention de la Garde nationale pour mettre fin à ces destructions  et fourrer les raiders trafiquants en prison.

Bijoux beylicaux

Toujours dans la région de Bizerte, les mêmes agents de la Garde nationale ont arrêté le 24 avril 2018 deux jeunes hommes à la localité de Ghazala, en possession d’une pièce antique en métal qu’ils s’apprêtaient à vendre à un collectionneur étranger au prix de 17 mille dinars.

 Les biens dits historiques, c’est-à-dire appartenant aux époques de l’histoire moderne récente, sont aussi exposés à ce trafic illicite. Le 24 mars dernier 2022, des agents de la Garde nationale de la ville d’Utique, à Bizerte, également, ont appréhendé un homme adulte, originaire de la région, après avoir saisi dans sa ferme des poignards sertis d’or, de vieux révolvers, des cornes d’ivoire, et des statuettes d’animaux dorées.

Les bijoux des anciens beys de Tunis, un véritable trésor national, dont une émeraude inestimable, ont été détournés et exportés illégalement à l’étranger avec l’intention de les vendre au plus offrant, à la criée, mais des démarches tous azimuts ont permis jusqu’à présent d’arrêter ces ventes.

Au total, selon les sources officielles, quelque 37 mille objets et pièces antiques et historiques ont été saisis chez des trafiquants de tout bord en Tunisie, depuis la révolution entre 2012 et 2022, dont la fameuse statue de Ganymède volée au musée de Bardo et détournée vers l’Algérie avant d’être restituée aux autorités tunisiennes. Pour la seule année précédente de 2022, les saisies se sont élevées à 3035 objets.

Or, la Tunisie dispose de quelque 40 mille sites et monuments archéologiques et historiques parmi lesquels un petit nombre seulement ont été inscrit sur la liste du patrimoine universel de l’humanité de l’UNESCO (quelques dizaines), tels le site de Carthage et la Médina de la ville de Tunis, en 1976.

Le pire dans ce trafic est que les gardiens haut placés de ces richesses patrimoniales ont participé à leur pillage en déclassant de grands terrains situés sur le site archéologique de Carthage pour les donner gratuitement à des proches afin d’y bâtir des villas de luxe.

Mohamed Béji Ben Mami, ancien directeur de l’Institut national du patrimoine avait été condamné, en 2012, avec le gendre de Ben Ali, Sakhr Matéri, à cinq ans de prison pour trafic d’antiquités.

Rien d’étonnant, du reste. Un ancien directeur du grand musée français du Louvre a été aussi condamné, ces dernières années, pour trafic de pièces antiques, en acceptant de faux certificats d’origine à des pièces antiques venues enrichir les collections de son établissement.

Aussi, en octobre dernier, sous l’égide de l’UNESCO, s’est tenu dans la ville française de Marseille un grand colloque international autour du thème « agir ensemble pour lutter contre le trafic illicite des biens culturels ».

Selon les spécialistes, l’enjeu est autant identitaire inhérent à la préservation de l’identité nationale qu’économique.

Le secteur privé à la rescousse

A cet égard, dans des déclarations au journal Assabah, dans le cadre de son enquête citée plus haut, la directrice de la sauvegarde du patrimoine au ministère des affaires culturelles, Samia Hammami, a déploré la négligence observée à l’égard du patrimoine archéologique et historique en Tunisie de la part tant des responsables que des citoyens,  face à la convoitise des étrangers, Etats et individus, cherchant a s’en accaparer.

Elle a noté que le trafic illicite des antiquités et biens culturels vient en troisième position dans l’activité des organisations criminelles transfrontalières après le trafic de drogue et celui des armes, en tant que sources de revenus considérables et moyens de financement du terrorisme.

Samia Hammami a confirmé, à cette occasion, que des mesures ont été prises permettant aux opérateurs économiques  privés d’investir dans la sauvegarde et l’exploitation des sites et monuments archéologiques et historiques en Tunisie dans le cadre du Partenariat Public Privé, sous forme de concessions et selon un cahier de charges en cours de finition.

S.B.H

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