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Eureka ! T. Rajhi a trouvé le remède à la hausse des prix du pétrole !

2,7 milliards DT de compensation pour l’hydrocarbure et le gaz, soit 2,8 du PIB et plus que la moitié du déficit budgétaire du pays, dont 1,6 milliard DT pour les produits pétroliers. Tel est le poids financier de la compensation du pétrole en Tunisie. C’est dire la taille du problème du prix des produits pétroliers que doit gérer chaque année le budget de l’Etat. Un problème pour lequel il a un temps cru trouver la solution par la régulation vers le haut ou vers le bas, en lien avec les fluctuations des cours mondiaux.

Une solution, cependant, mal interprétée par le consommateur final qui ne tient pas compte du souci de l’Etat d’alléger ce fardeau dans le budget et du degré de couverture, par cette régulation automatique, du volume de cette compensation.

Eureka ! Il semble pourtant que le gouvernement se soit enfin orienté vers la bonne solution. Cette dernière aura un coût, mais ce dernier resterait, toutefois, en deçà du coût réel de la compensation. Taoufik Rajhi, ministre chargé des Réformes majeures, y travaille. Africanmanager l’a questionné à propos de cette solution, qui s’appelle le «Hedging». Interview :

Tout d’abord, c’est quoi le Hedging ?

C’est une technique financière bien rodée qui permet de se prémunir contre le risque de tout type même des fluctuations des produits de base ou de matières premières. Techniquement, c’est une option ou des futurs qu’on achète sur le marché financier. L’achat des futurs permet au pays d’acheter le pétrole à un prix fixe, ne permet pas de profiter de la baisse mais protège contre la hausse. Les options fixent un prix-plancher qui permet de rembourser le gouvernement dans un environnement de prix défavorables, tout en lui permettant de profiter pleinement d’une évolution favorable du cours ou du prix. Le coût total de la couverture est connu dès le départ dans le cas des options.

Pouvez-vous le dire plus simplement pour les options ?

Plus simplement, c’est une sorte d’assurance qu’on achète contre l’augmentation du prix du baril, par exemple, au-delà d’un certain seuil (Strike-Price). Par exemple, si on veut acheter une assurance que le prix du baril ne dépasse pas 65 $ en moyenne l’année prochaine, on doit payer une police d’assurance qui est la prime de l’option qui se calcule par baril et en fonction de la quantité de barils à assurer.

Comment cela fonctionne concrètement ?

Par exemple, si les besoins sont aux alentours de 10 millions de baril par an, si vous couvrez la totalité avec un «Strike-Price» de 65$/B et que la prime est par hasard de 1$/B, vous payez une prime totale de 10 millions de dollars pour s’assurer que la totalité de vos importations seront payées à un prix inférieur ou égal à 65$/B. Tant que le prix est inférieur à 65$/B, vous achetez et profitez de la baisse, et même lorsque le prix augmente au-delà de 65$, cela ne pose pas de problème, on vous remboursera la différence par un paiement mensuel ou annuel. Par contre, pour les options, il n’y a pas de prime. Vous achetez dès maintenant la quantité demandée en 2019 au prix futur de 2019. Le seul problème des futurs est que vous vous liez les mains et vous ne profitez pas de la baisse. Chacun a un avantage et un inconvénient.

Mais si le prix est toujours inférieur au Strike Price, on perd la prime de 10 millions de dollars !

(En souriant). Vous vous comportez comme celui qui prend une assurance sur sa voiture et ne fait pas d’accident pendant toute l’année. Eh bien oui ! Qui saurait qu’il allait faire un accident ou pas en 2018 ? La même chose pour le pétrole. Qui pourrait nous dire quel en serait le prix moyen l’année prochaine. A part les prix spots dont on dispose, personne ne s’aventure à le dire. On doit accepter de jouer le jeu. Oui je prends l’option pour me prémunir contre tout accident même si je m’apercevrai à la fin de l’année que je n’en ai pas fait. Je me suis protégé. C’est la règle. L’essentiel est de bien calculer le coût de la prime par rapport aux risques encourus.

Cela suppose une stratégie de Hedging ?

Oui on travaille dessus.

Mais quel est l’intérêt du Hedging, alors que le prix du baril est en baisse ?

Au contraire, et contrairement à l’intuition des gens, c’est au moment de la baisse qu’il faut se couvrir. Au moins pour deux raisons. La première, parce que vous pouvez vous couvrir à des prix planchers plus bas. Ensuite, parce que la prime à payer baisse. C’est donc le moment le plus propice, et on a intérêt à le faire.

Pourquoi le Hedging contre le pétrole uniquement ?

Nous sommes sous l’effet de ciseaux du prix du baril et de la dépréciation du dinar qui fait en sorte que le baril nous coûte le prix le plus cher qu’on a payé dans notre histoire en dinar. Presque 200 dinars par baril contre 110 $ le baril en 2013 où le coût en Dinar était de 170 DT le baril. Nous subissons le choc pétrolier le plus fort depuis l’Indépendance en plus du déficit énergétique qui est de plus de 50% alors qu’il était dans les 10% une décennie auparavant.             La facture énergétique est la principale source de tous nos maux économiques : déficit commercial, déficit budgétaire, dépréciation du dinar, érosion de nos réserves, ajustement des prix du carburant et de l’électricité…celui qui réussit à contrebalancer ce choc pétrolier inégalé stoppera la dépréciation du dinar, bien sûr, avec la reprise des exportations et en particulier le phosphate.

Quel est l’intérêt pour l’Etat de faire le Hedging ?

Mettre à l’abri le budget de l’Etat tout d’abord. L’objectif principal de tout programme souverain de couverture est de protéger les finances publiques du pays. Puisque le programme de couverture devrait être conçu pour stabiliser, avec certitude, le budget pour l’exercice à venir, il doit donc être mis en œuvre conjointement avec la procédure budgétaire annuelle.

Séance de travail avec la Banque Mondiale sur la stratégie tunisienne de Hedging
Séance de travail avec la Banque Mondiale sur la stratégie tunisienne de Hedging

Pour le cas spécifique, maîtriser la subvention énergétique et le budget, maîtriser le déficit commercial et éviter la dépréciation de la monnaie locale. Il va stabiliser la règle d’ajustement automatique en réduisant les ajustements sinon les arrêter.

Serait-il possible de se couvrir sur 3 mois, 6 mois ou une année pour 2019 ?

Les instruments de gestion de risque tels que les « Options » peuvent être acquis avec de différentes échéances, comme par exemple des échéances de 3 à 12 mois, en fonction des besoins spécifiques de la Tunisie. Une couverture pour les 3 derniers mois de l’année en cours est aussi possible.

Vous vous êtes rendu récemment à la Banque Mondiale à la tête d’une délégation tunisienne. De quoi il s’agit au juste.

Au fait, j’ai mis en place une Task-Force pour examiner la mise en place de la stratégie de Hedging composée du ministère des Finances, de l’Energie, de la Banque Centrale, de la STIR, de la STEG et de Tunis air qui sont importateurs de pétrole brut, gaz et kérosène. Après une série de réunions et de conférences call, la Banque Mondiale a proposé de nous inviter à la fois à un atelier de formation dans le domaine et à une discussion de haut niveau pour la mise en place de cette stratégie de Hedging.

En quoi est-ce que la BM peut aider si le gouvernement décidait de se couvrir ?

La banque peut appuyer sur deux aspects :

  1. Du côté de la formation, la BM pourra appuyer avec des services d’assistance technique sur mesure, tels que, par exemple, l’évaluation du risque, le développement d’une stratégie de couverture, ou les aspects opérationnels des produits dérivés.
  2. Du côté des marchés, la Banque pourra nous appuyer pour mettre en œuvre notre stratégie de couverture, devenant essentiellement votre « trading floor » pour l’achat des instruments financiers. La BM lancerait un processus d’appel d’offres sur les marchés des spécialistes en produits pétroliers. Par la suite, la BM pourra conclure une transaction avec les marchés sous notre nom, et une transaction en parallèle avec la Tunisie.

Les banques tunisiennes peuvent-elles le faire ?

Non, à cause du manque de législation bancaire dans le domaine. La Banque centrale est en train de travailler sur le sujet et de promulguer une circulaire dans le domaine. On peut par contre le faire par l’intermédiaire des banques d’affaires internationales de la place. Nous étudions toutes les possibilités.

Est ce qu’il y aurait un cadre juridique pour entreprendre ce genre d’opérations de couverture sur les biens en Tunisie

Oui, en 2009, la Tunisie et la Banque mondiale ont signé un accord cadre pour utiliser des produits dérivés tels que les « Swaps » et les « Options » (accord cadre ISDA-International Swap Dealers Association).Cet accord cadre simplifie la documentation d’une transaction entre la Tunisie et la Banque pour des opérations de gestion de risque. Le signataire de cet accord est le ministère du Développement et de la Coopération Internationale.

Est-ce que c’est le gouvernement par le biais du ministère des Finances qui doit se couvrir ou c’est la STIR en ce qui concerne le pétrole ?

En principe, c’est un acte commercial et si j’étais PDG de la STIR je l’aurais fait depuis longtemps même avec des partenaires financiers internationaux. Le ministère des Finances peut aussi et peut- être c’est plus facile dans le cadre de l’accord ISDA. En tout cas, la décision revient au gouvernement.

Ya-t-il d’autres pays qui le font ?

Bien sûr. Le Mexique et l’Uruguay sont les plus connus mais d’autres le font discrètement et sans bruit comme un acte commercial.

Quelles ont les prochaines étapes ?

Je suis en train de préparer le dossier pour un conseil des ministres restreint pour ficeler définitivement le dossier.

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