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Il connaît tout des prix par cœur, mais cherche toujours l’astuce pour les baisser

Omar El Béhi est ministre du Commerce. Mais il est aussi un agriculteur dans le domaine des grandes cultures, le blé notamment, où il vend toute sa production à l’Etat. Il se défend d’être un proche du chef du gouvernement. « On n’a jamais travaillé ensemble, mais je l’ai connu dans le secteur de l’agriculture », dit-il dans cette interview avec Africanmanager. Et lorsqu’on lui demande comment il a pu sauver sa tête lors du dernier remaniement ministériel, il n’est pas peu fier d’affirmer que «je suis resté parce que j’ai travaillé». Et de décocher une pique à ceux qui s’attendaient à son départ, que « les ministres du Commerce ne restent pas longtemps, parce qu’il y a beaucoup de convoitises, de tentations et qu’il y a trop de gens qui aiment travailler dans le département du commerce». Plus tard, il ajoutera que « si je suis resté, c’est parce que je travaille sereinement et avec toute mon énergie». Comprendra qui voudra !

En tout cas, Omar El Béhi (Traduisez Omar Le Bon) a la réplique assez facile et répond par une citation qu’il adore, certainement parce qu’elle est sienne. «Tout homme qui dirige, qui fait quelque chose, a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font le contraire et surtout la grande armée de gens, d’autant plus sévères qu’ils ne font rien du tout ». Interview :

Qu’est-ce que vous faites pour améliorer le pouvoir d’achat ?

Depuis les années 90, on est entré dans le système de la concurrence libre. C’est un choix qui n’a pas été fait seulement pas la Tunisie, mais aussi par plusieurs autres pays, parce que ce type de système permet une vérité des prix, des prix abordables et où l’offre et la demande font cette vérité des prix.

Les modèles soviétiques ou communistes ont démontré leur échec. On ne peut plus maintenant faire une économie dirigiste, avec l’Etat qui importe, qui exporte et qui fixe les marges. Ce type d’économie est désormais dépassé et on ne va pas remettre ce choix économique en cause.

Maintenant, il y a des problèmes au niveau de l’approvisionnement qui ont généré des tensions sur les prix. Notre objectif principal est d’assurer le bon approvisionnement du marché. Nous avons eu des problèmes ces deux dernières années, au niveau des prix des volailles, des légumes, des viandes et des fruits, car il n’y a pas eu un bon approvisionnement du marché.

Nous avons cependant lancé un programme pour maîtriser les prix de vente de ces produits. A titre d’exemple, actuellement le prix de la viande de volaille a baissé de 1% par rapport à l’année dernière.

Pour les autres produits, ils sont impactés par les inondations, de 2016, 2017 et 2018, des années qui ont été extrêmement sèches, avec un manque d’eau dans les barrages et donc une baisse de la production, ce qui a automatiquement créé une pénurie. Actuellement, on n’importe que les pommes de terre. Pour les autres légumes, on a une autosuffisance.  En 2018, on enregistre un bon niveau de stocks au niveau des pommes de terre, ce qui a généré une baisse de prix de ce produit de -30%, de 50 % pour les tomates, mais les prix du piment ont augmenté un peu, mais on va essayer de maîtriser le prix au niveau des points de vente. Fruit de saison par excellence, les prix des clémentines sont abordables avec un prix moyen 1600 millimes. Nous avons une programmation et nous allons maîtriser les prix des produits de consommation de base.

Est-ce que vous contrôlez les circuits des chambres frigorifiques ?

Oui, mais je pense plutôt qu’il y a des problèmes de spéculation. On a environ 800 chambres frigorifiques, réparties sur toute la République. Heureusement qu’il y a des frigos qui préservent les produits comme les dattes et nous assurons le contrôle de ces chambres.

Je tiens par ailleurs à signaler que nous avons 12 mille marchands de légumes, 8 mille boucheries, 6 mille vendeurs de volaille, 3 mille poissonniers. Vu le grand nombre de ces différents intervenants dans les circuits de distribution, il est difficile de les contrôler. Tout ce qu’on peut faire s’il y a un manque, c’est d’importer. A titre d’exemple, nous avons importé 5 mille tonnes de pommes de terre pour réguler le marché. En janvier et en février 2018, on a remarqué une baisse de la production au niveau des volailles  et on a importé un million d’œufs à couver pour faire augmenter la production et maîtriser les prix.

Il faut cependant continuer le contrôle et pour ceux qui ne respectent pas, on ferme les locaux. D’’ailleurs, on a fermé environ 280 locaux en l’espace de deux mois, et plusieurs autres seront fermés d’ici la fin l’année en cours. Le chef du gouvernement et le ministre de l’Intérieur sont préoccupés par cette affaire et feront tout pour appliquer la loi. Je lance d’ailleurs un appel aux médias afin qu’ils signalent des affaires de dépassements commis par les marchands.

Malgré ça, l’inflation est toujours en hausse !

Nous devons comprendre pourquoi l’inflation a augmenté. Tout d’abord, on a une inflation qui a deux origines : une inflation par le coût et une inflation importée. Nous avons une inflation provoquée par la loi de finances et nous subissons une hausse du prix du baril de pétrole, sans oublier que les prix de l’énergie n’ont pas encore baissé.

L’inflation s’est stabilisée. En 2019, il y aura une baisse. On a préféré réduire les déficits budgétaires. C’est le choix du gouvernement, nous avons programmé une baisse du déficit, en 2018, à moins 4.9% et nous y sommes parvenus.

Pour y arriver, on se devait d’améliorer les recettes, et ce à travers le droit de consommation, les droits de douane et l’augmentation d’un point de la TVA. Pour stabiliser l’inflation, il faut améliorer la productivité. Notre PIB n’augmente pas d’une façon notable. Et si, en plus, on a un taux de couverture énergétique qui est en baisse, actuellement à 26 % contre 105% en 2007, on a un grand problème.

Et la solution ?

Nous avons une grande programmation pour maîtriser les prix sur tous les plans. D’ailleurs, on a pu maîtriser l’inflation qui est à 7,4% et on devrait terminer 2018 au même niveau. En Egypte, juste pour l’exemple, le taux d’inflation est à environ 14% contre 33% en juillet 2017.

Vous faisiez partie de l’Utap. Est-ce que vous défendez les agriculteurs ou le consommateur ?

Il me faut toujours essayer de trouver un équilibre entre le ministère de l’Agriculture et celui du Commerce. Notre objectif à tous est de défendre le citoyen. C’est pour cela que la programmation va permettre de trouver un équilibre pour le marché. Avec le gouvernement et au niveau de l’agriculture, on a lancé plusieurs réformes intéressantes, à l’instar du code d’investissement pour l’agriculture.

La Tunisie a acheté dernièrement massivement du blé. N’y aura-t-il pas craintes pour la baisse des prix ?

La Tunisie achète des quantités de blé de manière à garantir un stock stratégique de deux mois de consommation. Il faut faire la distinction tout d’abord en ce qui concerne le blé tendre. On importe 95 % de nos besoins en blé tendre et entre 30% et 70 %, selon les saisons, en blé dur. Le gouvernement a fait le choix de miser sur le blé tendre, parce qu’il s’agit d’une petite production. C’est ce qui fait qu’on achète beaucoup de blé dur.

Et pour le secteur du lait qui est en péril ?

Le secteur est en difficulté, à cause de sécheresse et de la flambée des prix. Mais les difficultés sont exagérées. Les industriels des laits veulent libéraliser les prix et on ne peut pas le faire. Il faut que les industriels s’impliquent plus dans la filière du lait, surtout au niveau de la production. Les industriels devront encourager les agriculteurs et les aider à acheter les cheptels. Maintenant, on a 12,5 millions de litres de lait.

Est-ce que vous avez proposé cette démarche au plus grand groupe en Tunisie ?

Oui on a proposé cette démarche et ils sont intéressés. J’en ai parlé personnellement avec Si Hamdi Meddeb qui a réitéré son accord.

Meddeb a accepté tandis que son représentant au syndicat refuse encore !

C’est normal, c’est le syndicalisme. Moi je pense qu’il faut que les industriels nous aident à faire la mise à niveau de la production pour faire des investissements. On peut revoir les prix, mais il faut aussi une mise à niveau et un meilleur encadrement pour les agriculteurs. Si on veut vraiment sauver la filière, il faut du travail, ainsi qu’un assainissement sanitaire du cheptel par l’Etat et une mise à jour des abattoirs. Tout cela demande beaucoup d’argent et des années de travail. Vaste chantier !

Les grandes surfaces sont-elles vraiment impliquées dans la baisse des prix ?

Oui, nous avons conclu des accords avec les grandes surfaces pour leur demander d’appliquer les marges fixées. Pour les autres parties, elles ont été appelées à fournir un effort supplémentaire sur l’affichage des prix et la transparence. Elles ne sont pas engagées sur un taux spécifique mais sur une baisse et nous allons encore parler avec eux.

Est-ce que vous avez passé en revue leur participation au consommer tunisien ?

D’après les chiffres que je détiens, les produits étrangers représentent moins de 20% du chiffre d’affaires des grandes surfaces.

Est ce qu’elles se sont engagées à baisser l’importation ?

Oui, nous avons parlé avec eux pour rationnaliser davantage l’importation.

Récemment, le ministère du Commerce a établi une liste de produits qui seront soumis au contrôle technique, pour en maîtriser mieux l’importation. Est-ce régulier ?

Oui, elle est régulière. Nous avons désormais un cahier des charges pour rationaliser les importations, vérifier les produits et le respect des normes. Nous voulons une meilleure importation.

C’est le ministère du Commerce qui donne l’autorisation et vous avez laissé des gens qui ont amené des produits non conformes ?

On donne des autorisations pour les hyper surfaces, les Malls, l’alimentation. Par exemple, pour les franchises en habillement, c’est sans autorisation. Globalement, d’ailleurs, le secteur textile est même un secteur excédentaire et il y a des investissements en Tunisie.

Quelle est l’utilité d’un Mall. Ils prolifèrent et sont supposés vendre des produits importés ?

Nous sommes en train de les encourager à commercialiser les produits tunisiens. Il n’y a pas un accord, mais des pourparlers.

Nous avons remarqué que la lutte contre le commerce parallèle s’est presqu’arrêtée avec Omar Mansour ?

Non, c’est un travail continu. La lutte contre les étals anarchiques est du ressort du ministère des Affaires locales en collaboration avec le département de l’Intérieur. Je tiens à signaler que nous allons créer la zone de libre-échange à Ben Guerdane fin mars 2019.

C’est quoi la zone de libre échange dans cette région-là ?

C’est de l’offshore et tout le secteur informel deviendra ainsi formel. Nous sommes en train de travailler sur ce projet. Nous travaillons à long terme pour diminuer les taxes et les impôts.

Qu’avez-vous fait pour réduire le grand déficit avec les Turcs ?

On a déjà fait appel à l’article 17 de la convention de libre-échange avec la Turquie et on a réussi une réduction des importations de 40% de toute la liste qui englobe 400 produits.

Quelle est l’ambition qui est très importante pour vous, mais qui reste encore irréalisable ?

Des réformes importantes, comme le projet de loi, depuis un an à l’ARP, sur le change et qui devait permettre de ramener les devises, par le biais d’une taxe libératoire. Cette réforme est encore bloquée à l’ARP.

Quelles sont vos ambitions ?

Maîtriser les prix…maîtriser les prix…maîtriser les prix et travailler sur le déficit budgétaire.

Sinon êtes-vous content de votre bilan ?

Non, je ne suis pas content. Je peux mieux faire, mais les conditions dans lesquelles on travaille sont difficiles.

Est-ce que votre patron est content de vous-même ?

Posez-lui la question. Je ne peux pas répondre à la place des gens.

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