AccueilLa UNEL’islam politique a-t-il vraiment échoué en Tunisie ?

L’islam politique a-t-il vraiment échoué en Tunisie ?

La Tunisie vient de commémorer l’An III de la révolution alors que le pays demeure miné par la pauvreté et le chômage, facteur-clé de la révolte. Mohammed Bouazizi en a donné le premier signal en s’immolant par le feu dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, berceau de la Révolution. Un acte de désespoir d’un marchand ambulant, vivant dans la misère et harcelé par les forces de l’ordre, qui a précipité la chute du dictateur Ben Ali. Trois ans après, où en est la Révolution? Qu’est- ce qui a été réalisé à ce jour ? L’islam politique que le mouvement Ennahdha a voulu instaurer en Tunisie a-t-il vraiment réussi en Tunisie ? Le mouvement Ennahdha a-t-il vraiment failli à son devoir ? Ces questions ont fait l’objet d’un débat télévisé diffusé, mardi, 17 décembre 2013, sur la chaîne française « France 24 ». Une grande polémique a éclaté entre les intervenants à ce débat.

Martine Goslan, rédactrice en chef à Marianne, a reconnu que l’islam politique a totalement échoué en Tunisie : « L’islam politique a gouverné mais il a mené à la catastrophe alors qu’il avait tous les instruments en main pour gouverner. Il avait une partie de la légitimité populaire. Il suscitait de l’espérance, mais il a absolument failli à son devoir de protection du peuple tunisien et du développement économique, a-t-elle dit. Et de souligner que l’islam politique n’a pas su assurer la sécurité dans le pays : « Il ya eu un échec patent. Il n’a pas su respecter les attentes des Tunisiens et c’est pour cela qu’il est, aujourd’hui, remis en cause d’une manière si spectaculaire », a-t-elle ajouté.

Le discours de Martine Goslan n’a pas trouvé grâce aux yeux de Béchir Labidi, conférencier et spécialiste des questions interculturelles qui l’a interrompue en qualifiant son discours de très dangereux : « Votre discours, madame, consiste à diaboliser une large frange de la société arabe. De quel pays vous parlez, madame? Vous parlez de gens qui n’existent pas ! Comment, sondage après sondage, les Tunisiens placent-ils le mouvement Ennahdha à la tête des votes ? », s’est-il demandé, expliquant que les mouvements qui font référence à l’islam passent aujourd’hui par une étape de maturité et de réajustement nécessaire : « Nous sommes dans des pays arabes depuis ce qu’on appelle l’Indépendance, mais nous n’avons jamais eu l’occasion de vivre dans une pluralité politique. Nous sommes en train de nous entraîner à cette démarche et c’est ce que beaucoup de laïques, malheureusement, n’ont pas compris », a-t-il déclaré.

Il a ajouté qu’il faut du temps pour la société arabe pour se réajuster et s’accepter : « Je pense que vous avez une responsabilité particulière », a indiqué Béchir Labidi en s’adressant à Martine Goslan : « Vous êtes en train de compliquer la vie aux sociétés arabes parce que vous soutenez l’armée et les gens qui sont des contre-révolutionnaires », a-t-il dit.

Quant à lui, Mezri Haddad, ex-ambassadeur de la Tunisie à l’UNESCO, il a estimé que l’islam politique a échoué déjà avant même de naître, soulignant que l’islam politique est une imposture théologique. La Tunisie a été façonnée par le génie politique de Bourguiba et de l’élite indépendantiste. La religion de ce pays n’était pas le paganisme, mais bel et bien l’islam, mais celui que vous êtes en train de défendre est un islam d’importation, exogène, C’est un islamo fasciste et wahabiste. C’est un islam qui a été rejeté non pas à partir de 1956 mais plutôt de 1814 avec « Hammouba Bey », a-t-il affirmé dans une réponse à Béchir Labidi.

Et d’ajouter : « je suis très à l’aise de rappeler que j’étais l’un des rares à défendre les islamistes à cette époque. Je n’ai jamais été avec la violence et c’est pour cela que je me suis tapé 12 ans d’exil à l’époque de Ben Ali avant de terminer ma courte carrière en ambassadeur », a-t-il rappelé.

De son côté, Nadia Tarhouni, doctorante à l’EHESS et vice- présidente de l’association UNI-T, a rappelé qu’aujourd’hui, en Egypte, les salafistes sont positionnés contre les frères musulmans, appelant, cependant, à ne pas faire des raccourcis en termes d’islam politique, mais plutôt réinscrire les partis de l’islam politique dans leur histoire nationale. Et d’expliquer que l’islam politique tunisien n’est pas celui algérien ou marocain : « Aujourd’hui, on découvre l’altérité en Tunisie. Il ya la notion de tolérance qui doit revenir et la culture de dialogue est jusque là inconnue. Il faut nous laisser le temps en Tunisie de réinstaurer la culture de dialogue », a-t-elle appelé.

Nadia Tarhouni a fait remarquer, en outre, qu’en tant que chercheur et travaillant dans le cosmopolitisme de la jeunesse tunisienne, elle s’aperçoit à quel point notre jeunesse est individuelle : « Néanmoins, je soulève beaucoup plus de tolérance par rapport aux convictions personnelles. Le fait qu’un tel ou tel vote quelque chose, ne m’empêche pas de vivre avec lui dans la même société, et personne ne changera de passeport », a-t-elle déclaré.

Evoquant la relation entre les salafistes et le leader du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, Béchir Labidi a déclaré que ceux qui attendent de créer en Tunisie une situation explosive là où tout le monde est contre tout le monde, je pense qu’ils vont rater une bonne occasion au niveau politique. Demain, nous aurons un pays arabe dans lequel il y aura tous les courants qui s’acceptent dans le respect de la loi. Quant au discours qui émane des prisons cognitives il va disparaître petit à petit. Il faut juste un petit peu de temps », a-t-il dit.

Khadija Taboubi

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -