Sihem Boughdiri avait remplacé, au pied levé le 2 août 2021, Ali Kooli, ancien banquier devenu super-ministre, de l’Economie, des finances et de l’investissement. Elle était passée entre les mailles des filets des différents remaniements ministériels des gouvernements de Najla Bouden, d’Ahmed Hachani et de Kamel Madouri, et aura ainsi cumulé 3 années et 6 mois à la tête du ministère des Finances. Le glas de la carrière politique de l’ancienne DG des études et législations fiscale et ancienne négociatrice avec le FMI et la BM, a finalement sonné le 5 février 2025 en cours d’aprè-midi
Saïed d’attaque, depuis la « Tour de l’Etat »
Ce jour-là, son patron, le président tunisien Kais Saïed, avait commencé un périple pédestre, qui avait démarré du siège du ministère des Affaires foncières, où siège aussi la Commission de réconciliation financière dont on sait peu de choses en termes de travaux et de résultats. On ne sait pas ce que le président de cette Commission, qui se limitait à acquiescer à la colère présidentielle par un répétitif « Oui Monsieur le Président », avait dit à Saïed. Toujours est-il qu’après un passage chez le chef du gouvernement Kamel Madouri, Kais Saïed l’embarque dans une visite surprise, directement au bureau de la ministre des Finances qu’elle quittera définitivement le soir même.
Manifestement très remonté contre sa ministre, Kais Saïed interpelle même le DG de la Douane Mohamed Hédi Safer sur le perron du bureau pour lui dire au passage de « faire son travail comme il se doit », et se dirige directement vers Sihem Nemsia.
– Nemsia cueillie à froid par Saïed
« Où est la Commission de gestion des biens confisqués », demande d’attaque Kais Saïed à sa ministre. Interloquée, cette dernière appelle Kamel Madouri au secours avec un regard et répond « le secrétariat permanent se trouve au siège », en triturant nerveusement son châle devant un chef de l’Etat qui la laisse à peine respirer et demande « que fait-elle ? Elle est au local depuis 2011 », puis lui tourne le dos vers la sortie du bureau la laissant interloquée et abasourdie.
Ministre des Finances, et excellente dans la mobilisation des ressources fiscales nécessaires pour le budget, la « banquière de l’Etat » tunisien, Nemsia avait manifestement oublié qu’elle assurait aussi le secrétariat permanent de la Commission de gestion des biens confisqués, présidé par le chef du gouvernement, dernier décideur de tout ce qui doit être confisqué ou cédé au profit de l’Etat par le biais de la Holding El Karama. Et de fait, le Secrétariat permanent est directement géré par un autre haut cadre du ministère des Finances, ce qui expliquerait que la ministre a été surprise par la question du chef de l’Etat et n’a pas su y répondre, au grand dam de Kais Saïed.
– Un renvoi sine die, et un choix pas anodin
A ce moment, Kais Saïed semble en avoir fini avec sa désormais ministre des Finances. Et c’est manifestement au cours de son entretien avec le chef du gouvernement sur l’autre rive de la place de La Kasbah, que la décision aurait été prise de débarquer Sihem Nemsia de son siège de ministre des Finances.
Et dès son retour, le soir-même au palais de Carthage, le chef de l’Etat tunisien convoque une juge ancienne membre de la Commission de réconciliation financière, pour prêter serment et reprendre le ministère des Finances d’entre les mains d’une spécialiste fiscale, qui n’aura laissé aucun moyen de racketter le contribuable tunisien et de le lesterr en tous genres d’impôts et de taxes.
Et même si le bref et concis communiqué en deux lignes qui ne citait pas Nemsia, ne rendait pas justice au haut cadre de l’Etat qu’elle a été haut la main, le choix de Mme Michket Bouslama Khaldi était loin d’être anodin. Juge, elle ne semble pas avoir les compétences du nouvel emploi, et elle aura certainement le temps d’apprendre les fils du métier, bien entourée dans un ministère qui regorge de compétences. Il est cependant clair que, par cette nouvelle nomination, le chef de l’Etat tunisien qui pourrait être conscient des limites fiscales du contribuable tunisien, tient à mettre la pression sur la mobilisation des ressources financières pour le budget, cette fois à travers la réconciliation financière judiciaire !