AccueilLa UNELa ruée vers le colza: Ce n'est pas sans risque!

La ruée vers le colza: Ce n’est pas sans risque!

Des investisseurs locaux et étrangers qui promeuvent la culture du colza œuvrent, depuis 2014, à convaincre les autorités agricoles d’accroître les superficies consacrées à cette culture en Tunisie et d’encourager les agriculteurs à l’adopter, sans se référer à des études sur son impact sur la biodiversité et les autres grandes cultures et sans informer sur la nature des semences utilisées qui sont souvent modifiées génétiquement, ou dans les meilleurs des cas, hybrides.

Les superficies consacrées à la culture du colza en Tunisie ont augmenté de 400 hectares en 2014, à 15 000 hectares en 2021. Mais des investisseurs soutenus notamment par l’Institut technique de la filière des huiles et protéines végétales et de la filière chanvre de France « Terres Inovia » et l’Union Européenne, font pression pour que ces superficies soient augmentées davantage, sous prétexte que cela permettra à la Tunisie de réduire ses importations en huiles végétales. Ils occultent le fait que cette culture nécessite des quantités énormes d’intrants chimiques qui pourraient détruire les sols, polluer la nappe phréatique et menacer la biodiversité.

Le président de l’Association pour l’agriculture durable (Apad) Abdelaziz Bouhejba a, paradoxalement à ce que l’appellation de son association laisse entendre, indiqué à la clôture des Rencontres maghrébines des oléagineux, que «pour réduire ses importations d’huiles végétales et atteindre l’autosuffisance en ce produit consommé par ses citoyens, la Tunisie doit porter la superficie du colza à près de 100 000 hectares, d’ici 2030».

Cette culture commerciale s’est propagée, au cours des dernières années, dans les gouvernorats du nord de la Tunisie, principaux producteurs de céréales et d’autres produits stratégiques (légumineuses et fourrages). Pourtant ces gouvernorats abritent de 71% à 83% de l’ensemble des superficies consacrées aux céréales dans le pays.

Contrairement au slogan affiché par les adeptes de la culture du colza, « Le développement des oléagineux : un défi stratégique pour la souveraineté alimentaire », l’expert en agriculture durable, Abdelhamid Amami a estimé que « le colza est utilisé pour la production d’huiles végétales pour l’alimentation humaine et de biocarburant, son tourteau est exploité comme source de protéines, pour l’alimentation animale, mais sa culture repose sur des semences souvent modifiées génétiquement, ou hybrides dans le meilleur des cas ».

Cité par TAP, il a souligné  que « cette culture nécessite également, l’importation de semences, d’intrants chimiques et de polluants, générant ainsi, des produits pollués (huiles destinées à la consommation humaine et aliments pour bétail) qui se commercialisent sur le marché local et qui sont subventionnés par les ressources du fonds de compensation».

Est-ce le meilleur choix ?

« Si la culture du colza se propage d’une manière non étudiée, elle pourrait réduire les superficies consacrées à la culture céréalière, et partant, augmenter le volume des importations et renforcer la dépendance alimentaire, au moment où les prix des céréales flambent sur les marchés internationaux », a t-il souligné.

« Par ailleurs, la culture du colza concurrence, directement, les cultures des légumineuses (fève, féverole, Sulla, lentille, pois chiche, fenugrec) riches en protéines, nécessaires pour l’alimentation humaine et animale et nécessaires pour l’équilibre des sols ».

Face aux changements climatiques qui exigent des stratégies d’adaptation et d’atténuation, Amami s’est interrogé « est-ce que ces cultures commerciales alternatives sont le meilleur choix pour faire face aux changements climatiques et à la flambée des cours des matières de base sur les marchés mondiaux? « .

D’après lui, le recours au colza comme culture en alternance menace trois activités agricoles stratégiques en Tunisie: les légumineuses, les cultures céréalières et les cultures fourragères.

« Nos ancêtres avaient toujours pratiqué les cultures en alternance, en utilisant les légumineuses qui fertilisent le sol, sont respectueuses de l’environnement et n’ont pas besoin de beaucoup d’intrants chimiques », a-t-il rappelé.

Et d’ajouter «le colza est une plante fragile qui nécessite beaucoup d’intrants chimiques afin de faire face aux pathologies. En outre, contrairement aux légumineuses qui s’autonourrissent, la culture de colza nécessite beaucoup d’engrais azotés, entraînant la détérioration de la terre et la pollution de la nappe phréatique, et par conséquent la dégradation de la biodiversité ».

L’expert a tenu à préciser que les parties qui tiennent à introduire de nouveaux produits et services agricoles et alimentaires sur le marché local « peuvent causer la destruction de la filière des grandes cultures et celle des légumineuses et partant porter préjudice à notre souveraineté alimentaire ».

Mohamed Ali Ben Temessek, point focal de la convention des Nations Unies sur la biodiversité, et directeur de l’Ecologie et de milieux naturels au ministère des Affaires locales et de l’environnement, a fait état, dans une déclaration à l’agence TAP, de « l’absence d’études sur les impacts de la culture de colza en Tunisie sur le milieu environnemental et la biodiversité ».

Il a réitéré l’impératif d’étudier cette culture et ses répercussions sur la biodiversité et sur le sol pour que le gain économique ne soit pas réalisé au détriment de l’écologie, du développement durable et de la biodiversité.

Un risque de pollution génétique

Il n’est pas facile de contrôler la propagation des plantations de colza dans la nature. Car, sa pollinisation se fait à travers tous les insectes pollinisateurs. Ses graines pourraient se disperser facilement et conservent leur capacité de germer pour une longue durée.

Selon l’expert, « l’hybridation du colza est aussi très facile et son croisement avec d’autres plantes sauvages dans les milieux de proximité est également, très facile, ce qui facilite sa propagation dans le milieu naturel ».

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