AccueilLa UNELa Tunisie a trouvé son chemin de Damas. Et les autres ?

La Tunisie a trouvé son chemin de Damas. Et les autres ?

Le 30ème Sommet arabe qui se tient le 31 mars à Tunis se déroulera sans la participation de la Syrie, dont l’ombre planera, cependant, sur ces assises dans le sillage de la fin de Daech sur ses terres et de l’opportunité qu’il y aurait de ramener le régime de Damas dans le giron de la Ligue arabe. Le rendez-vous de Tunis, sans le dire explicitement, ne peut pas ne pas se saisir de la question ni ne pas engager une réflexion sur le retour de la Syrie.

Le pays hôte, la Tunisie a cultivé une perspective unique sur la crise syrienne, au point que, des années durant, des positions farouchement opposées y ont été exprimées, les unes appelant au rétablissement total des relations diplomatiques avec Damas, les autres plaidant pour le maintien d’une rupture complète. Mais il existe un consensus grandissant sur le fait que les intérêts de la Tunisie seraient mieux servis par le rétablissement de ses liens avec le gouvernement Assad, qui est sorti « vainqueur » du conflit.

Deux analystes du think-tank Middle East Institute (MEI), nommément Theodore Karasiket Giorgio Cafiero ont replacé l’approche tunisienne dans le cheminement qui a été effectivement le sien depuis l’annonce, en février 2012, de la rupture des relations diplomatiques avec Damas par le gouvernement alors en place pour protester contre « la répression brutale contre les militants et les manifestants du Printemps arabe ». Sa décision avait une symbolique et un poids moral considérables. Largement reconnue comme étant à l’origine des révoltes du Printemps arabe, la Tunisie a représenté, selon le penseur politique Jeffrey Laurenti, «l’avant-garde du changement démocratique contre les despotismes ancrés de la région». Par conséquent, il était naturel pour les Tunisiens de sympathiser avec les manifestants en Syrie et pour que le gouvernement appelle au départ de Bachar al-Assad.

Le revirement de 2013

Mais, dès 2013, le gouvernement tunisien a commencé à revenir sur sa position de principe vis-à-vis de la Syrie. Des facteurs internes et externes étaient en jeu. La difficile expérience post-révolutionnaire de la Tunisie a été façonnée non seulement par les actes de terrorisme locaux, mais également par le fait que des milliers de Tunisiens soient allés en Syrie pour se battre aux côtés de Daech et d’autres groupes extrémistes. Cela a conduit les responsables à Tunis à identifier les acteurs de la crise syrienne constituant la plus grande menace pour la sécurité et les intérêts à long terme de la Tunisie. De plus, les gains réalisés sur le terrain par l’armée syrienne, avec le soutien de l’Iran et de la Russie, ont amoindri les perspectives de succès de la révolution, incitant encore plus la Tunisie à passer d’une position idéaliste à une approche plus réaliste.

Et le Middle East Institute de faire remarquer que « alors que d’autres États arabes, notamment Bahreïn, les Émirats arabes unis, Jordanie et le Soudan, cherchent à normaliser leurs relations avec la Syrie, les cercles d’élite tunisiens demandent à leur gouvernement de faire de même ». À la fin de l’année dernière, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, a déclaré que « le gouvernement syrien a commencé à se ressaisir et à rétablir sa sécurité après l’élimination de plusieurs groupes terroristes. Une fois la poussière retombée, nous prendrons les décisions nécessaires pour rétablir les liens syro-tunisiens profondément enracinés ». Surtout, il critiqué la décision « à courte vue » de rompre les relations avec Damas en 2012, estimant qu’elle avait été prise sans tenir compte de l’impact sur les Tunisiens vivant en Syrie.

Ennahdha lève l’anathème

MEI relève que «  Ennahdha, elle aussi, est en train de comprendre les faits sur le terrain en Syrie et a manifesté son soutien à l’acceptation du retour du gouvernement d’Assad dans le giron diplomatique ». Pourtant, les responsables du parti, contrairement à leurs homologues de Nidaa Tounes, continuent d’affirmer leur opposition morale à Assad. Le chef du mouvement, Rached Ghannouchi, a signé une déclaration appelant à «une réconciliation nationale globale qui redonnerait au peuple syrien son droit à sa terre et à une vie démocratique, qui mettrait fin aux combats et aux tragédies humanitaires qui en résulteraient. La Syrie a retrouvé sa place naturelle dans les organisations internationales et arabes ».

La Tunisie tente de capitaliser sur son développement démocratique actuel après 2011 tout en cherchant à infléchir le cours des événements après le conflit. Dans un proche avenir, prévoient les deux analystes, les monarchies du Golfe arabe vont probablement faire pression sur la Tunisie pour influencer ses relations avec la Syrie. A l’exception notable du Qatar et peut-être de l’Arabie saoudite, elles s’emploieront à faciliter une réincorporation en douceur du régime d’Assad dans l’ordre régional, produisant des résultats conformes à leurs intérêts et préoccupations. « Naturellement, les États européens surveillent également de près ce réengagement, facteur qui pourrait avoir un effet d’équilibre compte tenu du sentiment général anti-Assad en Europe pour ses violations extrêmes des droits de l’homme », souligne MEI. Néanmoins, les forces centrifuges qui ramènent la Syrie dans le giron arabe semblent prêtes à continuer, et la Tunisie jouera probablement un rôle important dans le processus, estime-t-il.

M.L./MEI

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