AccueilLa UNELe dilemme tunisien face au syndrome libyen !

Le dilemme tunisien face au syndrome libyen !

Les dirigeants tunisiens ont rarement cherché l’occasion de parler de ce qui se passe chez leur voisin. Et s’ils se sentent contraints de le faire, ils le font avec beaucoup de scrupules et autant de parcimonie. Pourtant, une partie de leurs vicissitudes, et non des moindres, vient du Sud-est, avec des menaces, moins souvent d’actes terroristes, pensés, préparés et fomentés dans les camps libyens. Serait-ce le cas du double attentat suicide de jeudi dernier ? Rien n’incite à l’exclure totalement. D’autant mois que la main de Daech qui conserve des entrées et des marques chez le voisin libyen, est explicite.

Le fait est que l’effondrement d’un appareil centralisé de sécurité et d’application de la loi en Libye a entraîné une prolifération d’acteurs non étatiques s’emparant du contrôle de petites portions du territoire dans l’ouest du pays. Cela se traduit par l’incapacité d’assurer la police du côté libyen de la frontière et a fourni aux groupes militants une zone raisonnablement sûre pour s’entraîner, s’armer et se préparer à mener des attaques en Libye. L’insécurité du côté libyen crée donc les conditions permettant aux militants de surveiller, planifier et infiltrer la Tunisie avec une relative facilité, malgré tous les efforts des forces de sécurité, estime « The Jameston Foundation »,l’institut de recherche et d’analyse basé à Washington dans une note sur les retombées de la situation en Libye sur la Tunisie.

Ce réseau complexe et hétéroclite de contrôle territorial complique également toute tentative de Tunis d’obtenir le soutien de ses homologues libyens. Alors que le territoire change de mains et que les alliances changent, il est particulièrement difficile pour le personnel diplomatique et de renseignement tunisien de maintenir et de mettre à jour les contacts nécessaires, sans parler d’assurer le soutien à la sécurité frontalière. En effet, les postes de contrôle sont des zones stratégiques précieuses, et les groupes qui les contrôlent sont susceptibles de chercher à obtenir autant de recettes financières que possible en extorquant des droits à ceux qui passent, plutôt que de les contrôler ou les contrôler. Cela signifie que la sécurité sera entièrement de la responsabilité de la Tunisie dans un avenir prévisible, car même si la LNA s’empare de Tripoli, il est peu probable qu’elle donne la priorité à la sécurisation des zones frontalières avant d’avoir consolidé sa mainmise sur les infrastructures et les ports pétroliers essentiels, prévoit la Fondation Jameston.

L’exode aussi !

La deuxième conséquence de la violence en Libye est l’afflux de réfugiés en Tunisie. Bien que la grande majorité des réfugiés libyens soient rentrés chez eux après la fin de la guerre civile de 2011, le nombre de personnes fuyant la frontière a récemment augmenté en raison du retour de la violence. Si les forces de la LNA percent les quartiers sud de Tripoli et que des combats intra-urbains éclatent dans la ville même, le nombre de personnes fuyant la frontière connaîtra une nouvelle flambée. Compte tenu des tensions politiques et de la faiblesse de l’économie tunisienne, même une augmentation relativement modeste des flux de réfugiés constituerait un sérieux défi pour le gouvernement, avertissent les auteurs de la note.

Cependant, le risque sécuritaire le plus grave que le conflit libyen fait peser sur la Tunisie n’est pas l’arrivée d’individus, mais l’arrêt du commerce transfrontalier. Le commerce transfrontalier, tant licite qu’illicite, est la principale activité économique dans les zones frontalières méridionales, qui ont toujours été négligées économiquement par le gouvernement. Les fermetures intermittentes des frontières et les déploiements accrus de personnel de sécurité rendent ce commerce impossible à maintenir aux mêmes niveaux. Les manifestations ont un impact régulier sur la Tunisie et commencent souvent par de petits problèmes locaux qui touchent l’ensemble de la population et peuvent paralyser les fonctions normales de l’entreprise. D’autres restrictions aux frontières conduiront probablement à des manifestations à Ben Guardane et dans d’autres villes frontalières importantes, ce qui risque de déclencher des troubles majeurs, ce qui est particulièrement déstabilisant dans le contexte d’élections imminentes.

En outre, le fait de priver la population locale de possibilités économiques pourrait à son tour l’inciter davantage à sympathiser, à coopérer ou même à adhérer directement à des organisations terroristes. Sous le contrôle territorial de Daech il y avait plus de 5 000 Tunisiens dans ses rangs, et malgré de nombreuses opérations antiterroristes, Daech et Al-Qaïda conservent l’infrastructure de recrutement nationale pour profiter de la hausse du chômage et de la pauvreté pour leurs propres besoins, affirme l’institut de recherche et d’analyse.

Exercice d’équilibrisme

La frontière tunisienne a été bien sécurisée ces dernières années. Située dans une zone tampon militaire, la frontière est protégée par des infrastructures physiques – tranchées, postes d’observation, clôtures et tours – et avec l’appui des États-Unis et de l’Allemagne, des mesures de surveillance électronique, y compris des vols réguliers de véhicules aériens sans pilote. Cependant, ils ne sont pas déployés de manière uniforme et il existe de multiples zones dans les zones désertiques du sud de Tataouine où les terroristes peuvent contourner ces points de contrôle. Leur mise à niveau, dans la mesure du possible, est sans aucun doute un bon début, mais elle ne résout pas le dilemme fondamental auquel est confronté l’établissement de sécurité tunisien – le renforcement de la frontière aggrave la situation économique dans les provinces du sud et fait craindre une crise sécuritaire pire que celle qu’elles veulent éviter.

« La solution réside dans l’équilibre entre les deux impulsions concurrentes, assurer la sécurité tout en minimisant les perturbations. Sur le long terme, le gouvernement tunisien doit investir dans les provinces du Sud, en améliorant les possibilités d’éducation et d’affaires et en atténuant la perception locale qu’ils sont oubliés par leurs concitoyens du Nord. Cela changerait fondamentalement le calcul politique. Toutefois, le développement significatif se mesure en années plutôt qu’en mois, et étant donné les problèmes économiques actuels de la Tunisie, il n’est pas réaliste de penser qu’il puisse être réalisé dans un délai significatif pour la crise actuelle. En tant que tel, l’exercice d’équilibrisme doit se poursuivre » pense la Fondation Jameston.

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