Nous l’écrivions depuis hier soir, c’est par un communiqué de 800 mots qu’a été clôturée la dernière mission du Fonds monétaire international (FMI) du 4 au 18 juillet 2022. Son objet était de discuter d’un « éventuel soutien financier du FMI au programme de politiques et de réformes économiques des autorités », précisait le communiqué qui met l’accent sur « éventuel soutien », comme pour faire durer le supplice d’un gouvernement tunisien aux abois.
Un communiqué qu’on pourrait résumer en deux paragraphes essentiels d’une centaine de mots. D’abord, cette note qui dit tout de la situation dans laquelle les experts du FMI ont trouvé l’économie tunisienne. La photo de l’entretien de la cheffe du gouvernement Nejla Bouden avec la délégation du FMI était tout en sourire, mais le diagnostic posé dans le communiqué n’avait rien de joyeux, car ne présageant de rien de bon, et qui pousse les spécialistes du Fonds monétaire international à certifier que « les perspectives à court terme, [pour la Tunisie] s’annoncent difficiles étant donné que la croissance va probablement se contracter tandis que les prix internationaux plus élevés de l’énergie et des produits alimentaires viendront ajouter à une inflation déjà très forte et accroître les déficits budgétaires et extérieurs, ainsi que la dette. »
On notera aussi cet ostensible appui du FMI à la politique monétaire menée par la BCT. « La Banque Centrale de Tunisie a commencé à resserrer la politique monétaire pour protéger le pouvoir d’achat des Tunisiens face à une inflation forte et qui s’accélère. Nous sommes d’avis, comme les autorités, que cette approche devrait se poursuivre », recommande à cet effet le dernier communiqué du FMI.
- C’est bon, mais le SLA attendra l’après 25 juillet
Le plus important dans ce communiqué est certainement le paragraphe en quelques dizaines de mots. Une sorte de « ni-ni » à la Mitterrand. « Des progrès considérables sont faits par les autorités concernant leurs objectifs économiques et une bonne coordination se dégage entre les ministères et les organismes autour d’une vision commune qui est saine (…). Les discussions sur un nouvel accord au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) destiné à soutenir les politiques et les réformes économiques des autorités ont été fructueuses. Elles se poursuivront au cours des prochaines semaines en vue de parvenir à un accord au niveau des services », précisait ledit communiqué, avant d’ajouter que « comme toujours, tout accord final sur un programme sera soumis à l’approbation du conseil d’administration du FMI ».
Du 4 au 18 juillet 20222, ce n’étaient donc que moins de 15 jours de pourparlers certes plus approfondis que les précédentes discussions techniques. « Beaucoup a été fait, et nous revenons de loin », dit à Africanmanager une source « profonde » à l’intérieur du processus des négociations, en remémorant d’anciennes négociations tunisiennes avec le FMI, où l’Etat s’engage et n’implémente rien, soulevant les moqueries des négociateurs lors des pauses-café au FMI.
Les négociations de juillet 2022 ont en effet surtout concerné le fameux MPEF (Mémorandum de politique économique et financière). Ce dernier est actuellement en Draft autour duquel Tunisie et FMI se seraient entendus à 90 %. Une fois ce document validé, le FMI pourra décerner à la Tunisie ledit « Staff Level Agreement (SLA) » qui n’est que très rarement remis en cause par le Conseil d’administration, et qui est généralement considéré comme une sorte de « billet d’entrée » sur les marchés financiers internationaux, pour lever de l’argent moins cher que sans le fameux SLA.
- Le SLA différé pour cause de référendum, mais ne devrait pas beaucoup tarder
Dans l’état actuel du Draft du MPEF qui devrait constituer le cadrage macroéconomique de l’accord de soutien financier du FMI à la Tunisie, il manquerait essentiellement deux choses, selon notre source. D’abord un document officiel de l’Exécutif tunisien qui concrétiserait la demande du FMI d’une rationalisation de la masse salariale.
Notre source, qui requiert l’anonymat, indique que le Fonds ne demandait pas un arrêt de l’augmentation de la masse salariale publique, mais un engagement en faveur d’un plafonnement raisonnable, et financièrement acceptable par le budget tunisien, de la hausse des salaires. Un document officiel qui trace la trajectoire de la masse salariale tunisienne, et qui engage l’Etat sur au moins trois ans. Le Fonds demandait aussi, un rattrapage de l’augmentation des prix des carburants et qui avait été différée par le gouvernement tunisien.
Une fois le MPEF validé par les deux parties au « cours des prochaines semaines », comme le disait le dernier communiqué du FMI, la Tunisie obtiendra le sésame du SLA. Notre source prévoit que cela sera fait après le 25 juillet, le FMI ne voulant pas donner l’impression de cautionner ou d’appuyer ouvertement les mesures politiques engagées par le chef de tout l’Etat, Kais Saïed, mais le choix fait par le peuple tunisien en son entier, une fois les résultats du référendum officiellement connus.
Sitôt le MPEF validé et le SLA accordé « au plus tard la dernière semaine du mois d’août », le dossier de l’accord du soutien financier sera envoyé au Board du FMI. Ce dernier devant sortir en vacances le 10 août. Et c’est certainement de retour de son congé de vacances, probablement courant septembre, que le Board du FMI finalisera l’accord de soutien financier et l’officialisera. « Taline Koranchelian (Deputy Director-Middle East and Central Asia Department au FMI. La Dame en rouge sur la photo), n’était pas facile à convaincre, mais on y est arrivé », dit fièrement notre source qui était surtout contente de l’issue de ce dernier round des négociations et de son effet de levier sur les prochaines, très probables, sorties de la Tunisie sur les marchés internationaux.