Le président de la République, Kais Saïed, a reçu, jeudi 26 septembre 2024 après-midi, au bureau présidentiel à Carthage, le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Fethi Zouhair Nouri. Au menu officiel de cet entretien, qui intervenait une quinzaine de jours après l’arrestation de la DG de la CTAF et ses effets démobilisateurs sur le personnel de la Commission, « les résultats des travaux de la Commission tunisienne des analyses financières, relatifs au financement extérieur des associations, dont le volume est estimé, au cours des dernières années, à 260 MDT (millions de dinars tunisiens), en plus d’autres sommes colossales obtenues directement par un certain nombre de personnes sans être affiliées à aucune association, sous divers titres au nom du soutien à la démocratie et d’autres noms ».
– Ce ne seraient pas les Associations, mais les paris en ligne
Selon le communiqué présidentiel, qui ne manque pas d’abreuver ceux qu’il ne nomme pas de plus graves accusations, telles que la trahison et d’être des agents à la solde de ceux qui essaient d’attiser la situation, par procuration, estime que ces fonds « ne cachent pas l’étendue de l’ingérence flagrante dans les affaires intérieures tunisiennes ».
Or, selon l’ancien BCT et ancien FMI, Sadok Rouai qui assure, dans un statut fb, avoir lu le rapport de la Ctaf pour l’exercice 2023, « Kais Saïed recevait le Gouverneur de la BCT, pour la deuxième fois en quelques semaines, et ce n’est pas à propos du rapport annuel 2023 qui de toute façon n’a plus aucune utilité. Non c’est la hantise du financement extérieur des associations ». Rouai assure aussi, dans le même statut fb, que « le financement des associations n’a jamais été le premier souci de la CTAF. C’est surtout les paris sportifs online ».
– La BCT, informant direct de Saïed, en lieu et place de la Ctaf ?
Dans le même communiqué de la Présidence à propos du Gouverneur qui lui parle de la Ctaf, c’est le Gouverneur de la BCT qui fait office de DG de la Ctaf, et qui anticipe même les désidératas du chef et « informe le Président de la République que la Commission d’Analyse Financière est en train de préparer une deuxième liste de financements suspects pour un certain nombre de personnes morales et physiques, en plus de finaliser 6.374 dossiers liés, soit au blanchiment d’argent, soit au financement du terrorisme », disait le communiqué.
Après avoir obligé la BCT à financer directement le Budget et fait entrer tout le système bancaire à « la maison de l’obéissance », Kais Saïed qui s’était plusieurs fois plaint du manque de saisine de la Ctaf qu’on dont on disait toujours qu’elle est astreinte aux DS (Déclarations de Soupçons) des institutions financières, des avocats, des commissaires aux comptes notamment qu’elle devait traiter et passer, dans le secret le plus complet, à la justice pour décision finale, semble enfin avoir trouvé la personne qui lui assurerait le raccourci nécessaire pour mettre en place ses propres dossiers.
– La critique par le chiffre d’un ancien BCT
« Voyons les chiffres du communiqué de la Présidence », débute Sadok Rouai. « Il parle de 260 MDT reçus, sans indiquer si ces montants ont fait l’objet de déclarations de soupçons (DS). Les associations sont autorisées et reçoivent des financements extérieurs et alors! On parle de 6.374 dossiers. Or, pour toute l’année 2023, la CTAF n’a reçu que 804 déclarations de soupçons, 582 ont été traitées et 191 dossiers ont donné lieu à des gels (Ndlr : Pour un montant total de 2.228.997 DT). Sachant que l’ensemble des déclarations de soupçons pour les années 2020 à 2023 est de 2.197 cas. C’est quoi alors ces 6.374 cités dans le communiqué présidentiel ? Et il s’agit de tout, pas uniquement les associations. La plupart portent sur le trafic de migrants. Le blanchiment de l’argent, c’est l’argent liquide à 61%, et les virements Swift ne représentent que 8%. Ma conclusion est que Kais Saïed harcèle la BCT pour la pousser à prouver ce qui n’existe pas. La BCT, de son côté, l’inonde de dossiers vides. Les associations n’ont jamais constitué un risque pour la Ctaf ».
– Puiser les informations à la source
Selon nos informations recueillies à la Kasbah, siège de la DG des associations et des partis politiques, qui est depuis quelques mois confiée à une Dame issue du ministère des Finances, les chiffres présentés par Fethi Nouri ne relèveraient pas de la CTAF, qui serait par ailleurs à l’arrêt depuis la descente policière du vendredi 13 septembre et ce qui en avait suivi mais plutôt de la BCT, la DG des Opérations de Change précisément (DGOC) !
De ce fait, la conclusion directe à faire pourrait être que les 6.347 dossiers brandis par Kais Saïed, concerneraient l’ensemble des opérations pêle-mêle avec l’étranger. La BCT pourrait éventuellement émettre des soupçons mais ne décide guère de l’issue d’un dossier s’il relève de la corruption ou du blanchiment. C’est ici principalement le rôle de la justice. Le communiqué de la Présidence ne dit pas si la BCT a aussi remis la liste aux fonctionnaires de la justice, ou uniquement au grand chef !
– Ménager la Ctaf pour ne pas retomber entre les mains du GAFI
Reste à se demander pourquoi le chef de tout l’Etat n’irait-il pas poser toutes les questions concernant les finances des Associations aux deux personnes concernées qui sont la DG et son patron le chef du gouvernement ? Pourquoi aussi vouloir donner un tel coup de pied dans la fourmilière, de la manière tout aussi indiscrète que faite depuis quelques jours, alors que le 1er semestre de l’exercice 2025 la Tunisie, la Ctaf et la BCT devraient se soumettre à une évaluation du Gafi pour éviter de retomber dans la liste noire du GAFI? Pourquoi le président tunisien ne donnerait-il pas carrément autosaisine à la Ctaf qui n’aurait alors qu’à correspondre avec le « Egmont Group » pour lui donner toutes les informations qu’il veut ?