AccueilLa UNELe gouvernement fait ses comptes… et les Tunisiens leurs mécomptes !

Le gouvernement fait ses comptes… et les Tunisiens leurs mécomptes !

De la façon dont les choses s’agrègent actuellement en Tunisie et de l’allure et la cadence qui les rythment, il ne se dégage qu’une seule certitude : il faudra s’armer de beaucoup de patience et faire montre d’infiniment de discipline pour s’accommoder des mécomptes qui se dessinent à l’horizon. A peine est-on parvenu à se doter d’un gouvernement et commencé à échafauder enfin des projets que le coronavirus est venu s’installer sous nos latitudes, bouleversant tout de fond en comble. Le peu d’argent disponible changeait alors de destination pour servir à atténuer les effets non seulement sanitaires, mais aussi économiques et sociaux d’une pandémie d’autant plus foudroyante qu’elle a mis tout le pays d’abord au           ralenti, puis à l’arrêt.

Certes les mesures prises ont été rapides et celles pour soutenir les entreprises ont été saluées par les milieux d’affaires tunisiens, mais on doute que ce dispositif aille assez loin pour éviter des pertes d’emplois massives et des fermetures d’entreprises dans une économie tunisienne déjà stagnante. Le vice-président de l’UTICA, Hichem Elloumi, a déclaré au site à Al-Monitor qu’il considérait que de nombreuses propositions du gouvernement étaient bonnes, comme le moratoire sur le paiement des impôts, et il s’est réjoui que le gouvernement « mette ces mesures en place très rapidement ». Toutefois, il s’est montré très préoccupé par le sort des petites entreprises et des travailleurs indépendants. « En temps de crise, il existe un risque très réel que ces petites entreprises, artisans et travailleurs qualifiés disparaissent », a-t-il déclaré, « il est donc essentiel que le gouvernement mette en place des mesures additionnelles pour protéger les petites entreprises et les travailleurs indépendants ». Elloumi a rappelé que les entreprises tunisiennes en général avaient déjà souffert des arrêts de production en Europe. « Nos entreprises sont touchées, car nous sommes économiquement liés à l’Europe », a-t-il déclaré. « La baisse d’activité a un impact sur les secteurs industriels qui fournissent les constructeurs automobiles en Europe, car nous savons que 90% des constructeurs automobiles en Europe ont cessé leurs activités ».

Il a souligné que le principal problème des entreprises à l’heure actuelle tient à la trésorerie. Il craint que les mesures prises par le gouvernement et la banque centrale, telles que la réduction des taux d’intérêt, n’apportent pas une aide immédiate. « À court terme, cela ne donnera pas de résultats immédiats », a-t-il prévu, exprimant le souhait que le gouvernement aide les entreprises à accéder au crédit à court terme pour soutenir leur trésorerie.

Le tourisme aligne les écueils

Le constat est évident, le secteur du tourisme en Tunisie a été l’un des premiers à se ressentir de la pandémie de COVID-19. Les hôtels ont fermé leurs portes à la mi-mars alors que les touristes étrangers évacuaient le pays. Le tourisme a toujours été une industrie phare et un employeur important pour la Tunisie. Le porte-parole du ministère du tourisme, Naoufel Sahli, a déclaré à Al-Monitor que le secteur emploie environ 500 000 personnes directement et 1,5 million de personnes indirectement, et que la Tunisie compte quelque 600 hôtels.

L’industrie a traversé de nombreuses crises depuis la révolution de 2011, comme les attaques terroristes au Musée national du Bardo et les fusillades sur les plages de Sousse en 2015. L’année 2018 a été celle de la reprise, mais la pandémie intervient dans la foulée de la soudaine faillite du tour opérateur britannique Thomas Cook en septembre 2019. Selon les chiffres du ministère du tourisme, l’effondrement de Thomas Cook a laissé aux hôtels tunisiens des dettes de quelque 60 millions de dinars. Et pour atténuer les pertes dues à la pandémie, le gouvernement a offert des prêts à taux bonifié d’un budget de 500 millions de dinars tunisiens et 300 millions de dinars tunisiens supplémentaires à verser aux entreprises des secteurs les plus touchés, dont le tourisme. Cependant, l’industrie est fortement endettée, selon les chiffres de la banque centrale, avec des dettes atteignant environ 4 428,7 millions de dinars tunisiens.

Cependant, la porte-parole de la Fédération tunisienne des hôteliers, Mouna ben Halima, qui possède également un hôtel de luxe dans la populaire station balnéaire de Hammamet, n’est pas optimiste. « L’impact économique et social sera très sérieux », a-t-elle déclaré. « Nous n’avons pas d’allocations de chômage ici comme en Europe, donc il n’y a pas de soutien pour les travailleurs qui perdent leur emploi ».

Elle a ajouté que la crise COVID-19 est arrivée pendant la basse saison, lorsque les revenus sont faibles, de sorte que les hôtels sont pris dans une grave crise de trésorerie. « Nous avons déjà payé les salaires pour le mois de mars, mais nous ne pourrons pas payer les salaires de notre personnel pour le mois d’avril, ni nos contributions aux fonds de sécurité sociale », a-t-elle déclaré. « L’hôtel devra choisir entre payer des impôts ou payer ses employés ».

Ben Halima a déclaré que les hôteliers n’ont plus la sécurité de trésorerie qu’ils avaient avec Thomas Cook parce que « d’autres opérateurs, comme Tui, refusent de payer des « frais de réservation anticipée » ». Elle a déclaré que les efforts du gouvernement pour le secteur ne vont pas les aider. « Ils nous offrent seulement un délai pour payer les cotisations de la Caisse nationale de sécurité sociale pour le deuxième trimestre, et nous avons demandé un délai pour le premier trimestre », a-t-elle déclaré.

Le taux directeur doit baisser à 2,75%

L’expert bancaire Ezzedine Saidane a déclaré à Al-Monitor que le gouvernement montre déjà « des signes qui donnent à penser qu’il est submergé » par la crise économique.

Selon lui, l’enveloppe de 2,5 milliards de dinars est insuffisante. Il a également été consterné par le prêt de 400 millions de dollars du Fonds monétaire international pour faire face à la crise COVID-19, car le FMI « a déjà refusé de débourser les 1,2 milliard de dollars supplémentaires que la Tunisie a demandés ».

Saidane s’est défendu de critiquer les mesures « en tant que telles, mais l’approche adoptée ». « À mon avis, dans une crise de cette ampleur, il faut être en avance sur la crise. Si vous ne prenez pas de mesures anticipatives, la crise tuera l’économie », a-t-il dit, jugeant une croissance négative de -0,5 % «  réaliste et se proche des perspectives optimistes, étant donné les circonstances désastreuses », ajoutant que des mesures plus audacieuses de la part du gouvernement et de la banque centrale étaient nécessaires pour éviter un effondrement économique total.

« Le taux d’intérêt de la banque centrale devrait être réduit à 3 %, voire 2,75 % », a-t-il suggéré, ajoutant qu’une stratégie plus radicale est nécessaire pour permettre aux entreprises de traverser ce sombre épisode. « Vous devez retarder les paiements en termes de prêts, d’impôts et de factures d’électricité, et vous devez vous assurer que les entreprises peuvent obtenir d’autres prêts pour poursuivre leurs activités. À quoi bon si, à la fin de cette crise, nous nous retrouvons avec 10 % de nos entreprises en faillite totale», s’est-il interrogé.

Traduction & synthèse : LM

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