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Les mosquées, citadelles livrées pieds et poings liés aux djihadistes

Les mosquées ont changé de vocation, depuis la Révolution.

Avant 14 janvier 2011, elles ne remplissaient pas leur rôle comme il se devait. Les directives du ministère des Affaires religieuses concernant le contenu des prêches, le tri opéré pour filtrer fidèles et prédicateurs, les horaires d’ouverture et de fermeture rigoureusement controlés, étaient des indices qui révélaient les contraintes qui empêchaient les mosquées de jouer leur rôle social, religieux et éducationnel .

Depuis la Révolution, les courants islamistes ,Ennahdha en tête , sont partis du fait que l’Islam a été longuement marginalisé , et ont vu qu’il était temps de le réhabiliter en levant les obstructions devant son essor . Cette approche a été inaugurée par Rached Ghannouchi, le vendredi 4 février 2011, à la mosquée Zitouna , lorsqu’il a reçu les félicitations devant les caméras de télévision pour le limogeage de l’imam en place et son remplacement, séance tenante , par un autre, labellisé « révolutionnaire » sous les vivats d’Allah Akbar . Un jeune bloggeur, grisé par l’évènement, a parlé de « Prière Historique dans une Mosquée Historique. »

Rached Ghannouchi a évoqué, en cette journée mémorable, le rôle avant-gardiste de la Tunisie , voulu par Dieu ,dans la diffusion des valeurs de l’Islam en Afrique et en Andalousie, remis au goût via la propagation des Révolutions contre l’oppression et pour les libertés . C’est comme s’il lisait dans un livre.

Les observateurs y ont vu une prophétie, car la Révolution égyptienne avait à peine une semaine , et les Libyens n’étaient pas encore pris dans le tourbillon de la Révolution .

Ce geste a donné libre cours aux extrémistes de tout bord pour s’emparer des mosquées tunisiennes et les exploiter à leur guise. Ennahdha n’y a vu aucun inconvénient, tant que les cibles des prêches sont leurs ennemis : la gauche, les syndicalistes, les démocrates, les libéraux, et les modernistes, hommes et femmes, bien sûr .

Seulement, les aléas de la vie publique ne sont pas toujours prévisibles. L’attaque de l’Ambassade des Etats-Unis, le 14 septembre 2012, a mis Ennahdha et le Gouvernement de la troïka , au pied du mur , et les a obligés à procéder à des arrestations dans les rangs salafistes . Quelques jours après, les imams extrémistes commencent à vilipender et insulter les responsables nahdhaouis et gouvernementaux .

Pris dans son propre piège , le ministère des Affaires Religieuses publie un communiqué officiel , le mercredi 19 septembre2012, dans lequel il demande aux citoyens de boycotter les mosquées sous emprise salafiste , qui attentent , par leur discours ,au caractère sacré des mosquées . On est là en face d’une véritable révolution culturelle qui pousse le ministre des Affaires Religieuses, Noureddine Khadmi, à stigmatiser le discours salafiste , dont il commence à découvrir le caractère haineux et rétrograde .

Ennahdha a bouclé, ce faisant, le cycle d’exploitation des mosquées. Avant les élections d’octobre 2011 , elles servaient de tribune pour s’en prendre aux gens modérés qui ne partageaient pas les menées extrémistes du parti Islamistes . Bon nombre d’imams qui n’avaient rien à voir avec l’ancien régime ont été évincés parce que leur prêche n’était pas enflammé. Les remplaçants dans ces cas étaient un peu n’importe qui, pourvu que le ton monte et que les fidèles soient embobinés .Une grande partie de la campagne électorale d’Ennahdha est passée par les mosquées , dont l’apanage lui revenait .

D’octobre 2011 à septembre 2012, période du Grand Deal entre Ennahdha et Salafistes , les mosquées étaient consacrées à la vulgarisation et à la défense des thèses du parti islamiste ,du gouvernement et jusqu’à un certain point de la troïka , et aux attaques contre les démocrates et modernistes . C’était le temps d’El-Ebdelliah , des assauts contre les foires du livre , du saccage des expositions des arts plastiques , et le fameux sit-in devant la Télévision Tunisienne , ainsi que le grande prolifération des réseaux de recrutement des djihadistes vers la Syrie .

A ce moment-là , on entendait parler de tiraillements entre imams dans toutes les villes du pays et surtout à Sfax , Kairouan ,Béja , Grand Tunis , Ghardimaou , Jendouba . Pendant le Ramadan 2012, beaucoup de citoyens ont dû boycotter les veillées religieuses et les prières surérogatoires (Taraouih) , du fait du rigorisme Salafiste en la matière .Mais le ministère des Affaires Religieuses nous disait toujours que la majorité des mosquées était sous contrôle , l’infime nombre qui restait entrera le sera, sous peu .

A partir de septembre 2012 , le ministère des Affaires Religieuses , bien que toujours discret sur le chiffre exact des mosquées « insoumises » , commence à déplorer des excès , mais ne prend pas de mesures pour rétablir l’ordre .C’était toujours la langue de bois , qui entretenait le flou .

Il a fallu suivre des reportages de journalistes étrangers qui ont accès aux chiffres du ministère, notamment celui de Neil MacFarquhar, journaliste au New York Times qui a publié un article repris par Asharq Al-Awsat, en novembre 2012. Le journaliste, qui parle couramment l’arabe , a pu recueillir des témoignages poignants qui donnent une idée désolante de la situation , caractérisée par la mainmise des Salafistes sur les mosquées tunisiennes . Il en ressort que, sur les 5000 mosquées que compte la Tunisie , 500 étaient toujours entre les mains des Salafistes . Dans la ville emblématique de Kairouan, les Salafistes ont jeté leur dévolu sur 5 mosquées des 35 que compte la ville. Le journaliste a relevé que les extrémistes expulsent les touristes de la Grande Mosquée , ont tenté de détruire le mausolée de Sidi Sahbi , s’en sont pris aux imams avec qui ils n’étaient pas d’accord , les ont même menacés parfois de mort , et ont procédé au changement des serrures des portes des mosquées , pour empêcher les imams « indésirables » d’y mettre les pieds . Le ministère des Affaires Religieuses a pu reprendre 70 des 500 mosquées, à la date de l’élaboration de l’article.

Vue sous cet angle, la déclaration faite par le ministre des Affaires Religieuses, aujourd’hui , lundi, à Mosaïque FM, dans laquelle il a indiqué que la plupart des mosquées du pays sont sous le contrôle du ministère et que le nombre des mosquées qui lui échappent ne dépasse pas quelques dizaines ,est une déclaration qui vise à induire en erreur l’opinion publique .En fait, Ennahdha et le ministère des Affaires Religieuses veulent escamoter la réalité des choses , pour montrer que la « transition religieuse » s’est bien passée en Tunisie , sous l’égide du parti Islamiste .Or les mosquées tunisiennes ont été , avant les élections d’octobre 2011 ,comme après ,un lieu pour distiller la haine et la misogynie , justifier la violence , et ont servi de cadre pour les réseaux de recrutement des djihadistes pour la Syrie , et le Nord-Mali . On a vu même des mosquées se transformer en caches d’armes, comme c’était le cas à la cité Khaled Ibn El-Walid, à Douar Hicher , à la mosquée Bilel, à Jendouba .D’autres mosquées sont devenus des lieux d’où partent les criminels pour tuer : le groupe qui a assassiné Chokri Belaid n’est-il pas parti de la mosquée de la Cité El-Khadra ?

Aboussaoud Hmidi

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