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« Les retombées de la Ghriba entachent l’image de marque de la Tunisie », dixit Skander Ben Ali Kacem

Pour Skander Ben Ali Kacem, premier hôtelier à accueillir les pèlerins de la Ghriba, les Israéliens sont des touristes qui ont l’habitude de visiter la Tunisie depuis des années et la réussite de la nouvelle saison touristique reste tributaire de ce rendez-vous capital.

L’hôtelier qui a dressé le bilan de l’activité hôtelière a, par ailleurs, jugé important de réévaluer le secteur en mettant en place une stratégie globale incluant les différents volets afin de réaliser l’objectif escompté et assurer un meilleur positionnement. Interview :

Un appel a été lancé ces derniers jours par certains députés à l’ANC pour interdire l’entrée des Israéliens en Tunisie. Quelles en seraient les retombées ?

Je pense qu’on en a fait une histoire purement politique. Et ma question est la suivante: Les députés ayant déclenché cette polémique ont-ils commencé à faire leur campagne électorale ? Je n’en sais rien, mais je vous assure qu’on a reçu depuis longtemps des clients israéliens qui sont venus en circuits de manière légale et régulière que ce soit du temps de Bourguiba ou de celui de Ben Ali et même après.

On a toujours reçu ces touristes et ceci n’était jamais posé problème. De point de vue hôtelier, nous n’avons pas de considérations politiques. Nous recevons des touristes qui viennent dans le cadre de la Ghriba et même en dehors de cet événement.

Ces touristes visitent tout au long de l’année la Tunisie et il y en a beaucoup dont les parents sont d’origine tunisienne. C’est pour cette raison qu’ils viennent tous en circuits en passant par Tunis, la Goulette, Monastir et Sfax. Encore, il faut rappeler que certains d’entre eux viennent parce que leurs parents sont décédés ici. C’est certes un voyage de nostalgie, mais quand même, ils sont des touristes qui visitent la Tunisie. Donc, ces sont des touristes et ils ont des formalités auxquelles ils sont soumis au niveau des frontières.

Je saisis cette occasion pour rappeler aussi que nous les recevons depuis des années, alors pourquoi cette question est-elle devenue une polémique?

Nous avons reçu ces clients dans le cadre de séjours ou dans celui du pèlerinage de la Ghriba et ceci n’a jamais fait problème. Mais, je pense que le problème actuel est que la polémique éclate au moment où notre pays a commencé à accueillir des touristes de croisières, étant donné qu’on n’a reçu aucune croisière depuis 2011. C’est énorme puisqu’un bateau de croisière est l’équivalent de mille à trois mille personnes qui dépensent pendant de l’argent pendant leur escale sur le territoire tunisien. En effet, ces croisiéristes qui viennent à la Goulette arrivent à 9H00 du matin et repartent à 17H00 et, au cours de ce laps de temps, des excursions sont organisées leur permettant de visiter la Medina, le musée du bardo, Carthage, Sidi Bou Saïd etc.

Il est utile de préciser dans ce contexte que les agences de voyage qui reçoivent ces croisières sont des sociétés qui possèdent un parc automobile important variant entre 100 et 200 bus. Donc, on peut affirmer qu’il s’agit d’une tranche de clients très intéressante.

Autre détail qu’il faut citer, il y a deux mois, les autorités tunisiennes ont interdit le débarquement de 13 israéliens arrivés en croisière. C’était une décision dure puisque, comme je l’ai mentionné, elle coïncidait avec la reprise des croisières

Les sociétés croisiéristes n’ont pas réagi sur place, mais ont est sûr qu’il faut les indemniser.

Après cet incident, ces sociétés ont informé les parties tunisiennes concernées qu’il est illogique d’obliger 13 parmi 1000 ou 2000 personnes de rester pendant toute une journée retenues dans le bateau. Ces sociétés ont demandé aussi de trouver une solution adéquate, soit d’accepter tous les touristes, soit de changer d’escale. Et là, je peux vous assurer que le refus de les accueillir se traduit par une perte sèche importante.

Autre problème, ces 13 israéliens interdits d’entrer en Tunisie ne peuvent pas demander un visa à Ramallah car les croisières ne partent pas d’Israël, mais d’autres pays comme l’Italie, la France.

Et là, je suis inquiet puisque ces mêmes croisières sont accueillies dans d’autres pays arabes sans aucun problème. Alors quel problème pourrait-il y avoir avec la Tunisie ? Sommes-nous plus Arabes que les autres ? Franchement, j’ai l’impression que ceux qui sont derrière cette polémique ont lancé leur campagne électorale.

Alors quel en serait le coût ?

Les retombées sont nombreuses. Le premier impact toucherait certainement l’affluence des croisières dans notre pays et le flux des touristes. Bien sûr, je ne parle pas du flux des touristes sur la Ghriba où l’impact est direct. Et là, s’il y a une quelconque influence sur ce pèlerinage, je vous assure que la saison va certainement aller droit vers l’échec.

Je suis dans ce domaine depuis 35 ans, et je suis certain que cette polémique aura un impact direct sur notre secteur. Pis, elle pourrait aussi toucher notre image alors qu’on a commencé à espérer cette année une saison favorable.

Pensez-vous qu’on pourrait avoir des résiliations des contrats de la part des Tour-opérateurs ?

On ne peut pas parler d’une résiliation des contrats. Mais, on peut évoquer le motif de non-réservation de la part des clients qui reste plus important que la résiliation des contrats.

C’est une question d’affluence sur le marché, mais aussi une question d’image de marque du pays.

Dans pareille situation, comment agir pour qu’on puisse assurer un bon démarrage de la prochaine saison ?

Mon message est clair particulièrement aux députés de l’ANC: « arrêtez de faire de la polémique qui aurait un effet néfaste sur l’économie déjà en berne et qui ne supporte pas de telles surenchères politiques ». « Arrêtez de faire de la surenchère qui ne mène nulle part car il n’était pas nouveau de recevoir des touristes israéliens. Pour moi, c’est tout simplement une forme de campagne électorale précoce, mais coûteuse pour un pays en crise. Sincèrement, c’est dommage ».

Pouvez-vous nous donner un chiffre exact sur la contribution de la Ghriba dans le secteur touristique ?

On ne peut pas chiffrer la Ghriba. Mais, je peux dire qu’on est arrivé à 10 mille touristes. Pour rappel, on était les premiers à redémarrer cet événement en 1985 ou on a eu dans le temps, 50 israéliens. Nos efforts ont abouti à porter ce flux à 5000 et 10 mille touristes. Raison pour laquelle les agences de voyages suivent chaque année cet événement d’envergure qui constitue également un indice majeur pour le démarrage de la saison touristique d’une manière générale.

Ce sont les mêmes propos que tiennent déjà le chef du gouvernement Mehdi Jomaa et la ministre du Tourisme Amel Karboul.

C’est non seulement un indice encourageant pour le tourisme, mais historiquement, la réussite de toute la saison est tributaire de cet événement. D’ailleurs, ceci est vérifié depuis des années.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que les retombées médiatiques de cet événement se répercutent sur l’image de marque de la Tunisie.

Parlons un peu de la situation actuelle des hôtels, particulièrement dans la zone de Djerba ?

La révolution a eu un impact néfaste et 30 hôtels ont mis la clé sous la porte pendant la basse saison. La situation est catastrophique sachant qu’après 3 années, les hôteliers sont toujours dans l’incapacité de faire face à la crise.

Le secteur hôtelier passe par une période très difficile. Le défi est de taille pour tous les professionnels qui ont accumulé des dettes de trois années.

Malgré la gravité de la situation, il est important de mettre en valeur le rôle joué par les hôteliers pendant l’avènement de la révolution où ils ont fait montre de nationalisme et de patriotisme en tenant le coup et en préservant les emplois. C’est un défi surtout que les salaires représentent le gros des charges de l’établissement.

En tant qu’ex- membre de la FTH, quelles actions proposerez-vous pour en renforcer les interventions ?

Je pense que la fédération a un important rôle à jouer, d’autant qu’en l’absence de solidarité entre les patrons, aucune évolution n’est pas possible.

Djerba était un précurseur dans le domaine de l’hôtellerie et les professionnels étaient plus solidaires que ceux d’autres régions.

A votre avis, quels sont les problèmes actuels du secteur ?

Les problèmes de l’hôtellerie sont de nature structurelle, et cela dure depuis 20 ans. On ne relève cependant nulle disposition à les résoudre.

Pour moi, deux problèmes sont essentiels. D’abord, la fédération n’a jamais joué son rôle parce qu’il n’y a jamais eu une entente à 100% entre les hôteliers. Ensuite, elle n’a rien fait pour soigner l’image de marque de l’hôtelier.

Qu’en est-il de la qualité des prestations offertes par les hôtels ?

La qualité des prestations est un problème épineux et même chronique. Il s’explique par l’inadéquation entre le développement du secteur et l’évolution du système de la formation professionnelle.

En 1990, alors que j’étais responsable au sein de la fédération, 2000 à 3000 lits s’ajoutaient au parc annuellement, un rythme de créations important. Au lieu des 1000 personnes à former par an, seulement 150 l’ont été réellement.

On a créé des centres de formation et on est arrivé à former 400 personnes. Mais, on était largement en deçà des besoins réels du pays. On a requalifié le personnel pendant des années, sans parvenir à réaliser les objectifs escomptés.

Vos propositions ?

Il ne s’agit pas d’une proposition, mais d’une politique globale qui doit inclure tous les volets. En tant qu’hôteliers, nous avons été consultés au sujet de plusieurs études, qui sont demeurées lettre morte.

Aujourd’hui, il est temps de réévaluer le secteur en mettant en place de nouveaux plans puisque les solutions ne peuvent pas être trouvées de sitôt. On ne peut pas, en l’espace de deux ans, par exemple, résoudre le problème de la qualification des prestations hôtelières qui ont connu un recul sans précédant.

Dans ce contexte fragile, comment évaluez-vous le rendement de la nouvelle ministre, qui continue de s’attirer les foudres malgré les efforts déployés ?

Elle a résumé en quelques points les maux du secteur et réussi à mettre le doigt sur quelques problèmes préoccupants, notamment les techniques conventionnelles de promotion du produit touristique ainsi que l’image de marque du pays.

Wiem Thebti

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