On peut bien sûr dire que Kais Saïed ne faisait encore que son « Omar Al Farouk », ou qu’il s’adonnait simplement à son bain de foule indispensable pour sa popularité et son populisme. Il n’en demeure pas moins vrai que les visites, dites inopinées, d’un chef de tout l’Etat et d’un Exécutif unitaire, qui est loin d’être lent à la détente lorsqu’il s’agit de renvoyer des responsables, sont nécessaires dans un pays comme la Tunisie où l’autorité de l’Etat commence à reprendre après deux décennies de laisser-aller à tous les niveaux de responsabilités. 

        Al Farouk ou César ?

Hier encore, Kais Saïed revenait à son ancien quartier de l’Ariana. Tout aussi laconique que César, il aurait pu reprendre son célèbre « veni, vidi, vici » qui peut être traduit par « je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu ». On ne sait cependant pas si Saïed vaincra le phénomène des étals anarchiques, répandu dans toutes les villes du pays et presque toutes les grandes artères de la capitale et des grandes agglomérations environnantes. Une campagne nationale pour les éradiquer avait été lancée par son ministre de l’Intérieur, et le chef de l’Exécutif unitaire était certainement venu prendre  connaissance de  l’état des lieux et vérifier si Kamel Feki avait fait correctement son travail. D’autres ministres de l’Intérieur, et même d’autres présidents avant lui, s’y étaient essayés. Chassez le naturel de l’après dite révolution, il revenait cependant toujours au galop.Hier mercredi, en effet, Kais Saïed essayait de raisonner les marchands ambulants qui ont été dégagés de la principale rue marchande de l’Ariana, en leur promettant de les regrouper dans un autre endroit. Il s’était baladé dans certains commerces de la ville, pour se rendre compte, de visu, que les pénuries de pain, de café, de riz et de sucre persistaient malgré les mesures prises par sa ministre du Commerce. Droit dans ses bottes, il mettait encore ces pénuries sur le dos des autres, alors que des informations sur des céréaliers en rade à Radès attendaient encore paiement n’étaient pas démenties, et qu’un seul céréalier russe déchargeait hier à Sfax.  Des dits, comploteurs en café, sucres et autres denrées, avaient été mis en détention et le sont encore, et les pénuries persistent. 

        « مناش قطاع أرزاق », nous répondait en aparté un de ses ministres

Le même jour, et toujours à l’Ariana que l’actuelle DG de la Wataniya et la nouvelle DG des radios qui est absorbée par des efforts de mise en place d’une nouvelle stratégie par des têtes d’anciens régimes, avaient oublié de mettre en lumière, le chef de tout l’Etat voyait de ses yeux l’état des ordures dans les rues et près des écoles. Aurait-il  poussé un peu plus loin, il aurait pu voir plus. S’il était  venu, inopinément et de jour, il aurait pu constater la calamiteuse gestion du stationnement dans les rues de tous les arrondissements municipaux de l’Ariana, l’absence de tous genres de policiers, l’état plus que délabré de certaines ruelles, comme celle amenant à la recette des finances qui fait fi de sa politique de decashing en refusant tout paiement par chèque ou par carte bancaire, et aurait remarqué l’inexistence de tous préparatifs de la municipalité de l’Ariana au laisser-aller exemplaire, pour la saison des pluies en relation avec le curage des égouts qui aurait été confié aux privés. A l’Ariana, Kais Saïed n’a presque rien vu des tares de la municipalité et du gouvernorat. Il lui faudrait plus qu’une visite inopinée. Et des Ariana, il y en a des dizaines en Tunisie, où le laisser-dire laissez-faire sont la loi. Il aurait été à Sousse, il aurait vu ce qu’étalage anarchique dans des rues défigurées des Souks de l’ancienne ville voulait dire. Il aurait été à Msaken et son Souk anarchique appelé « Firr-Tirr » voulait dire, ou à encore El Jem où les brigades de la Garde Nationale arrêtent les citoyens qui font emplettes dans son hypermarché anarchique, sans toucher les marchands. Et les exemples sont légion dans une Tunisie où un ministre  dont  on attirait l’attention sur ce phénomène, et sur ce nouveau kiosque installé, avec eau et électricité, sous un pont à peine inauguré aux dits Jardins d’El Menzah et ailleurs dans un pays sans trottoirs, nous répondait, compatissant, que « nous ne sommes pas des coupes-gagne-pain (مناش قطاع أرزاق) »