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Nadia Chaâbane à Africanmanager: « Ennahdha et le gouvernement sont les véritables héritiers du RCD… »

« On continue à alimenter la division dans la société, à manipuler l’opinion avec de faux débats……… »

Nadia Chaâbane, élue d’Al Massar a accordé une interview exclusive à Africanmanager dans laquelle elle a révèle les lacunes entravant le bon déroulement des travaux au sein de l’Assemblée nationale constituante (ANC) : incompréhension, malentendus, et improvisation. La députée a condamné, en outre, la violence qui est en train de s’installer continuellement en Tunisie. Elle a appelé également à s’attaquer séance tenante à toutes les urgences auxquelles fait face le pays, notamment l’endettement.

Evoquant le nouveau gouvernement, Nadia Chaâbane a déclaré qu’elle n’attend pas de miracle. Et d’expliquer que plus des 2/3 de l’ancien gouvernement ont été reconduits malgré leurs bilans plutôt contestables.

La députée s’est vivement élevée contre la nomination de Salem Labiedh au poste du ministre de l’Education, soulignant que ce dernier doit faire l’objet d’un consensus. Interview :

Qu’est-ce que vous pensez du fonctionnement de l’ANC ? Êtes-vous vraiment satisfaite?

Depuis le 22 novembre, je me pose cette question tous les jours : Comment fonctionne l’ANC? Tant qu’on n’avait pas de règlement intérieur, je mettais les dysfonctionnements sur le compte de l’absence de RI mais depuis que ce fameux RI a été voté, je n’arrive plus à justifier la chose. Convocation au dernier moment, aucune planification, un bureau qui prend des décisions et qui ne les applique que très rarement, un groupe parlementaire qui se retrouve dépossédé de sa propre décision de choisir ses représentants au sein d’une délégation, par exemple. Parfois, des délégations s’organisent, des élus sont au courant et d’autres pas, les paramètres changent en fonction des groupes, même le courrier ne nous parvient pas toujours à temps, alors que nous avons des casiers, … Aucune communication écrite en interne hormis les convocations aux commissions et au plénières. Tout le reste se fait oralement, avec toutes les déperditions en termes d’information et de communication. Du coup, une démultiplication de malentendus et d’incompréhensions. J’espère qu’avec l’adoption, récemment, du calendrier, les choses vont changer.

Peut-on parler vraiment des élections vers la fin de cette année ?

Oui et non, si on se met d’accord sur les priorités, oui, autrement non, et, pour le moment, les choses sont un peu floues. Un certain nombre d’accords doivent être conclus pour que cela puisse se faire, et, pour le moment, nulles prémices d’accord. La violence s’installe tous les jours un peu plus et toujours aucune fermeté en face pour la contrer et surtout plusieurs sons de cloches pour en parler. Toutes les questions qui fâchent sont minorées, telles que les questions économiques et les urgences à régler, l’endettement du pays, la cherté de la vie ; rien n’est fait pour rassurer les Tunisiens et rien n’est fait réellement pour aller vers un consensus national autour des vrais problèmes du pays. On continue à alimenter la division dans la société, à manipuler l’opinion avec de faux débats…

Dans quelle mesure peut-on donner crédit au dernier remaniement ministériel ?

J’attends de voir si réellement certains ministères de souveraineté confiés à des indépendants, vont disposer de suffisamment de latitude pour faire leur travail. Autrement et pour le reste, je n’attends pas de miracle, car plus des 2/3 ont été reconduits malgré leurs bilans plutôt contestables. Dans ce remaniement, il n’y a eu aucune volonté de la part d’Ennahdha de prioriser l’intérêt du pays et aucune volonté de s’inscrire dans un consensus national attendu et souhaité pour faire face réellement au défi que doit relever le pays. L’intérêt partisan a dominé dans la manière d’aborder la question. Ce parti et ce gouvernement est très loin d’être révolutionnaires, ils reproduisent les schémas que nous avons connus dans un passé pas si lointain, ils ne s’inscrivent nullement dans la rupture. Ils ont les véritables héritiers du RCD. Vouloir mettre la main sur l’ensemble des institutions alors qu’on est dans une phase de transition, c’est exprimer une volonté de s’installer dans la durée et surtout ne pas envisager l’Etat comme « devant être au service de tous » mais le concevoir comme étant à conquérir pour l’inféoder, une totale confusion entre Etat et parti. C’est dans cet esprit que la Tunisie a voulu rompre et c’est à cela que nous assistons. Où se situe réellement le changement ? Nulle part et certainement pas dans la manière de faire et la vitesse à laquelle les choses se font.

Je trouve que les dérapages auxquels on assiste actuellement sont dangereux et le laisser-faire auquel on assiste est encore plus dangereux. L’impunité est en train de s’installer et le prix à payer risque d’être très lourd pour le pays. Il serait plus que temps que les responsables du pays se ressaisissent, car, ce qui se défait en 1 jour met plusieurs années pour se refaire. Ils n’en sont peut-être pas les victimes aujourd’hui, mais ils le seront plus tard. Il en va de l’intérêt du pays et de sa stabilité.

Vous avez critiqué à maintes reprises la nomination de Salem Labiedh, ministre de l’Education, pourquoi ?

Ce ministère doit faire l’objet d’un consensus et la personne qui doit être à sa tête doit être un homme ou une femme de dialogue et d’ouverture. On en est très loin.

Les déclarations sur l’excision d’Habib Ellouz ont suscité votre colère au point que vous avez exigé ses excuses ? Vous pouvez nous expliquez davantage ?

Cet élu a insulté toutes les femmes tunisiennes et j’attends toujours qu’il présente des excuses. Ce dont il parle n’a jamais existé dans notre société et il est considéré dans plusieurs pays comme un crime envers les femmes. Des millions de femmes sont meurtries dans leur chair à cause de cette barbarie et elles se battent tous les jours contre cet asservissement et ces pratiques immondes. J’ai connu des femmes victimes de cette mutilation, et, me taire revient à les trahir dans leur combat pour la survie. Accepter la banalisation de ces propos, c’était me faire complice de ce crime. Me taire, c’est aussi trahir mon serment d’élue. Je suis à l’ANC parce que des Tunisiennes et des Tunisiens m’ont fait confiance et je me dois de porter leurs voix et d’exprimer leur indignation.

Lorsqu’on est élu, on se doit d’être responsable, et faire l’apologie d’un crime est condamnable par la loi. Je m’étonne que l’ANC et, par là, je veux dire la présidence de l’ANC ne se soit pas encore prononcée à ce propos. Il lui revient de faire appliquer la loi et de veiller à son respect, et jusque-là, c’est plutôt le silence. On ne peut accepter qu’une personne qui aura la charge de participer à la rédaction de la constitution puisse parler d’un crime comme si c’était la chose la plus banale. C’est indécent, et c’est surtout répréhensible par la loi. Je n’ai pas tenu à porter plainte moi-même, mais d’autres femmes se sont chargées de le faire, j’attends de voir comment la justice va réagir.

Khadija Taboubi

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