A défaut de pénurie comme c e fut le cas l’année dernière, le marché des bouteilles d’eaux minérales en Tunisie a connu pire, cet été 2023, du moins aux yeux des fins connaisseurs du secteur.
Les habitants de la ville de Bargou, au gouvernorat de Siliana, ont empêché un promoteur de lancer une nouvelle usine de conditionnement ou embouteillage d’eau minérale dans leur région. Il en existe déjà trois, en effet, dont une eau vendue justement dans une version éponyme
Dans le site très connu des annonces agroalimentaires Espaceagro.com, nous avons relevé, dernièrement, une annonce disant en substance : « vente d’une unité de mise en bouteille d’eau minérale, plus une source d’eau avec autorisation d’exploitation, sises au gouvernorat de Siliana, en Tunisie » (28/4/2019).
Les sources produisant des eaux minérales sont exploitées par les privées sous le régime de concessions conformément à un cahier de charges et des règlements spécifiques sous la supervision de l’Office du thermalisme. Elles sont la propriété de l’Etat, au nom de la collectivité nationale.
L’Agence Tunis Afrique Presse a rapporté il y a quelques jours que le président du Groupement de développement agricole Sadaka 1,2 et 3 dans la localité de Bhirine, à la délégation de Bargou, gouvernorat de Siliana, Abdelwahab Brahim Bargaoui, a réclamé l’arrêt de construction d’une usine de conditionnement d’eau minérale dans la région parce qu’elle menace la nappe d’eau souterraine et la sécurité en eau des habitants, accusant le promoteur de « faux, usage de faux, d’abus de pouvoir et de corruption » en vue d’obtenir l’autorisation d’exploitation, lors d’un point de presse tenu au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens.
Dans une déclaration exclusive à l’Agence TAP, Abdelwahab Brahim Bargaoui a indiqué que « le ministère de l’Agriculture et le gouvernorat de Siliana avaient refusé d’accorder l’autorisation nécessaire au promoteur, avant de revenir sur leur décision et lui accorder l’autorisation sur la base de l’ancien dossier qu’il avait présenté et qui contenait des données falsifiées montrant des interventions étrangères de la part de Ridha Mekki (Lénine), auprès du ministère, du gouvernorat et du commissariat régional de développement agricole, contre des pots de vin ».
Plainte devant la justice
Brahim Bargaoui a ajouté dans la même déclaration à l’Agence TAP que la réalisation du projet par son promoteur Lakhdhar Arfaoui, renforce le stress hydrique et menace la nappe d’eau souterraine déjà surexploitée par trois usines de mise en bouteille, savoir « Bargou », « Fourat » et « Mélina », outre qu’il menace la zone agricole classée « zone de protection ».
Le président du Groupement de développement agricole Sadaka 1,2 et 3 a mentionné « qu’il a déposé une plainte devant la justice contre le projet et la validité de l’autorisation, émettant l’espoir que le ministre de l’Agriculture ordonne l’arrêt du projet en attendant la décision de la justice. D’autant que les agriculteurs de la région sous la houlette de l’Union régionale de l’agriculture de Silian soutiennent son action ».
Il a indiqué avoir été arrêté durant 4 jours en participant à un rassemblement de protestation aux abords du site du projet et que 20 autres participants à ce mouvement ont été interrogés.
Il a signalé la menace que les forages sauvages des puits d’eau et la surexploitation présentent pour les ressources en eau du pays, menace officiellement reconnue et décriée.
Déjà, ce qui est scientifiquement avéré, c’est que les réserves d’eaux minérales, étant plus profondes, mettent également beaucoup plus de temps à se remplir que les nappes phréatiques ordinaires.
Esprit grégaire
Cependant, les commentateurs indépendants ne se sont pas arrêtés à ce stade, dénonçant la tendance chez beaucoup de promoteurs et investisseurs tunisiens, à rechercher les gains faciles au moindre effort à l’instar de l’activité de mise en bouteilles des eaux minérales qui n’ont de minéral que le nom, mais sont de simples « eaux de source », c’est-à-dire directement buvables sans traitement préalable.
D’ailleurs, ont-ils ajouté, c’est l’Office du thermalisme qui les déclare, ainsi, lorsqu’à l’analyse, à l’occasion de la découverte fortuite de pareilles sources, il est constaté que leur eau se distingue par une teneur assez « prononcée » en sels minéraux (calcium, magnésium) ou oligo-éléments (fer, zinc).
Pourtant, l’eau de robinet de la ville de Tunis, lorsqu’elle venait directement de la montagne de Zaghaouan, était l’une des meilleures eaux au monde, à tous les points de vue, quoique traitée.
Feu Amor Horchani, ancien secrétaire d’Etat aux ressources hydrauliques avant la révolution et expert mondialement reconnu dans ce domaine, avait révélé qu’il ne buvait que l’eau de robinet, et remettait en cause tout ce qui se disait sur la qualité des eaux de bouteille.
Les rapports des experts et des spécialistes partout dans le monde conditionnent la qualité d’eau minérale à une certification en bonne et due forme d’un établissement scientifique public, comme les Académies de médecine, ou reconnu par les autorités.
Puis, il y a maintenant l’usage des filtres qui donnent des eaux de très bonne qualité, et évitent les dépenses occasionnées par les eaux de bouteille, sans parler des déchets de plastique générés par les bouteilles utilisées à cet effet ou encore le coût d’importation de la matière première pour les fabriquer localement.
Mais, un esprit grégaire terrible a fait que la Tunisie se classe actuellement au 4ème rang mondial, en matière de consommation des eaux en bouteille, avec en moyenne 227 litres par habitant et par an. Entre 2000 et nos jours, la consommation des eaux en bouteille en Tunisie a augmenté de 830%, atteignant environ 3 milliards de litres d’eau.
S.B.H