AccueilLa UNENéjib Mrad, bouffon aléatoire ou électron libre?

Néjib Mrad, bouffon aléatoire ou électron libre?

La première fois où l’opinion publique a vraiment découvert le député nahdhaoui , Néjib Mrad , c’était le 16 janvier 2014 , lorsqu’il est monté sur le toit de l’ANC, arborant le fameux signe Rabiâa, en soutien aux frères musulmans d’Egypte. Des informations avaient fait état d’une tentative de suicide du député, information démentie aussitôt par l’intéressé lui-même . C’est vrai que Néjib Mrad présentait à l’époque des signes inquiétants de troubles de comportement, faisant le même jour une déclaration à une radio régionale où il imputait aux différents gouvernements, depuis la Révolution, la responsabilité de l’émergence des RCDistes , qualifiés de « criminels et de vampires » . N’épargnant même pas Hamadi Jebali , le secrétaire général de son parti, Mrad a , en outre, menacé sur le ton de l’intimidation, d’activer la loi d’immunisation de la Révolution, pour juger ces criminels et vampires.

L’adoption entretemps de la Constitution et la formation dans une euphorie nationale du Gouvernement Jomâa, ont fait oublier ces turpitudes, mais c’était compter sans les coups de tête de ce député toujours prêt à faire parler de lui .

Ces derniers jours, les Tunisiens viennent de le découvrir sous un autre angle, lorsqu’il a redu publique la liste de 126 hommes d’affaires qui auraient obtenu 7 milliards de dinars auprès des banques , attitude qui a suscité un tollé général . Le Président de la commission de la réforme administrative et de la lutte contre la corruption(CRALCC) Slaheddine Zahaf , le Président de l’ANC ,Mustapha Ben Jaafar et l’UTICA ont dénoncé les déclarations de Mrad . Ennahdha s’est purement et simplement désolidarisé de son élu à l’ANC.

Pour sa part , l’homme d’affaires Moncef Sallemi a réfuté les accusations du député selon lesquelles son nom figure sur la liste des 126 hommes d’affaires qui n’ont pas remboursé des crédits bancaires et a annoncé qu’il portera plainte contre Mrad .

Il faut reconnaître que Mrad qui a été apparemment bien conseillé dans son initiative a fait preuve d’un bon doigté et savamment choisi sa cible .

– Premièrement , la liste est bien ancienne et datait de l’été 2003 , du temps où Mohammed Daouas était Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) .La fuite de cette liste , à l’époque , était attribuée aux hommes de Belhassen Trabelsi pour montrer , surtout après l’adoption de la réforme constitutionnelle de mai 2012, qui a consacré la prépondérance de sa sœur Leila , que les hommes d’affaires qui lui étaient proches ne sont pas endettés et n’ont pas bénéficié de facilités bancaires .

Ces données, Mrad ne les connaissait peut-être pas , mais ce qui l’intéressait, c’était de créer le buzz autour du problème de la dette des hommes d’affaires , et pour cela il a bien préparé son coup .

-Deuxièmement , au cours de la séance d’audition du Gouverneur de la BCT , Chedly Ayari par la CRALCC , Mrad a commencé par évoquer la liste , et cité même des noms et des montants y figurant .Il visait apparemment à arracher de la bouche de Ayari un mot accréditant ses assertions mais le Gouverneur n’est pas tombé dans le piège .

– Troisièmement , Mrad laisse entendre que le montant des crédits dans la liste (7 milliards de dinars ) correspond curieusement à l’enveloppe qui manquait pour boucler le budget de 2014 , et qui a été mentionnée par Mehdi Jomaâ .En d’autres termes , au lieu de chercher l’argent auprès des bailleurs de fonds étrangers , allez le prendre chez les hommes d’affaires qui n’ont pas remboursé leurs dettes .

Ce discours, qui reprend les thèses de l’extrême-gauche et du CPR de l’après-révolution, renvoie à une idée simpliste reposant sur la devise anarchiste du 19ème siècle de la reprise individuelle : la propriété, c’est le vol.

– Quatrièmement , dans une déclaration faite, mercredi 12 mars 2014 , Néjib Mrad reconnaît que la liste datait bien de 2003 , mais ne fournit aucun élément prouvant que ces créances n’ont pas été honorées depuis , surtout que plusieurs entreprises sont déjà entrées en bourse , opération qui ne pouvait se faire si elles sont si lourdement endettées .

Néjib Mrad , originaire du Gouvernorat Monastir , était , jusqu’à juillet 2013 , un député sans problèmes , et très peu connu , mais il se fait remarquer à partir de cette date , à la faveur d’un concours de circonstances . Le retrait des députés de l’opposition après l’assassinat du martyr Mohammed Brahmi, a bouleversé le fonctionnement de la CRALCC qui était présidée , jusque-là , par le député indépendant Slaheddine Zahaf . Après son retrait , la présidence est revenue à Abderraouf Ayadi le vice-président de la commission ; et depuis, on assiste à une croisade contre la corruption , et des dizaines de ministres , PDG et hauts fonctionnaires , commencent à défiler devant la commission à la recherche du moindre indice de corruption dans l’administration , les entreprises , les banques et dans la gestion de la dette publique . C’est à ce moment qu’émerge Néjib Mrad qui est rapporteur de la dite commission.

C’est vrai qu’avant cette date, on avait entendu parler de lui , lorsqu’il s’est attaqué aux journalistes du téléjournal d’Al Wataniah dans les locaux mêmes de la Télévision publique , les accusant de produire encore une information « novembriste » comme ce fut le cas sous le régime déchu , mais c’était le 12/4/2012 ,du temps du sit-in I3lam Al3ar , organisé par Ennahdha .

Il a également attaqué verbalement et même bousculé sa collègue, Samia Abbou, le 19 juin 2013 , selon des rapports de médias , lui reprochant d’avoir utilisé le mot  » Khouenjia « , en parlant des islamistes d’Ennahdha, lors d’une émission télévisée sur Ettounsia tv , diffusée deux jours avant .Et le jeudi 16 janvier 2014 , Néjib Mrad s’est attaqué, à l’ensemble des magistrats, les accusant de vouloir dominer la Justice.

Ces écarts, qui n’ont été ni dénoncés, ni punis par son parti , reflétaient, grosso modo , les positions d’Ennahdha , mais l’apport essentiel de Néjib Mrad , se situe au niveau de l’ANC , et particulièrement dans le processus constituant et la lutte contre la corruption .

Le 17 juillet 2013 , il propose , en accord avec Abderraouf Ayadi, une loi à l’ANC , sur l’accès aux documents de l’administration relatifs à la privatisation des entreprises publiques, aux terres domaniales objets de bail ou de cession, aux marchés publics ainsi qu’aux dossiers de la fiscalité et ceux de l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), qui volait au secours des médias sous Ben Ali .

Et à partir d’octobre 2013, on remarque une véritable transformation de Néjib Mrad. Le 20 novembre , exprimant son indignation face aux multiples critiques adressées à l’ANC , il a clamé à voix haute qu’il n’est pas question de revenir sur les amendements du règlement intérieur de la Constituante . S’en prenant directement au président de son groupe parlementaire Sahbi Atig qui voulait revenir sur ces amendements, il affirme à l’adresse du Quartet et des participants au Dialogue national : « Nous sommes le pouvoir de base et nous ne reviendrons pas sur les amendements. Ceux qui osent s’attaquer à nous finiront à la poubelle de l’Histoire. Qu’ils aillent boire l’eau de la mer Morte « .

Le 10 octobre , il s’en prend à Mustapha Ben Jaâfar qui a suspendu la séance plénière , et voit dans cette initiative un lien avec la visite qui lui était rendue la veille par le Quartet . Nejib Mrad a assuré que les députés légalistes rejettent toute mise sous tutelle de l’Assemblée et confirmé que des voix appellent à la révocation de Mustapha Ben Jaafar.

Les discussions des articles de la Constitution révèlent une autre facette de Mrad , qui affichait jusque-là, mis à part quelques écarts , une discipline envers son parti et donnait l’impression qu’il était en train de le servir en développant , en sa faveur, des thèses radicales qui consacraient sa prédominance dans le processus de la révolution .

On l’a vu appeler , le 9/1/2014, à soumettre la Constitution à un référendum après la ratification de l’amendement de l’article 45 relatif à la parité, entre hommes et femmes , et dans une intervention radiophonique ,faite le 22 janvier 2014, il affirme avoir voté par conviction contre l’article 6 de la Constitution qui bannit le takfir, et juge que cet article est contraire à l’islam et à ce qui a été dit dans le Saint Coran, et le 26 janvier 2014 , il était le seul nahdhaoui à voter contre la Constitution .

Aboussaoud Hmidi

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