AccueilLa UNEPar-delà l'argent dilapidé, c'est le sens de l'Etat qui trinque

Par-delà l’argent dilapidé, c’est le sens de l’Etat qui trinque

Le débat sur le cumul des salaires des ministres et députés, perd de plus en plus de son sens, et devient presque un non-évènement. Les positions sont déjà tracées à l’avance : ceux qui parlent au nom de la troïka, et surtout d’Ennahdha , ont toujours l’argument facile . A chaque donnée nouvelle, ils avancent une nouvelle explication. Au début, on minimise, on parle de simples arriérés, versés au moment où les responsables en question étaient devenus ministres. Ensuite, on parle de plusieurs cas de figure, dont les plus réfractaires, qui n’ont pas restitué le trop perçu, étaient dans la précarité ou avaient déjà de lourds engagements financiers.

Ceux qui ont soulevé la question, et cherché à inscrire le sursaut de l’opinion publique , en réaction à ces révélations , dans les efforts de lutte pour la transparence , étaient même taxés de mauvaise foi.

A mesure que les discussions avancent , on apprend de nouveaux éléments :des députés , qui ne voulaient pas enfreindre la loi , ont rendu leurs salaires d’origine sitôt perçus , alors que d’autres ont préféré se taire , et une fois le sujet évoqué , ils ont cherché à trouver une solution « à l’amiable » , c’est-à-dire corriger une faute par une autre , en transgressant la loi .

D’aucuns plaident pour que le cumul qui constitue, aux yeux de la loi, un délit, soit passible de sanction pénale, alors que d’autres font valoir la situation précaire de quelques députés , (ou peut-être ministres , qui sait?) pour les faire bénéficier d’une forme d’indulgence, et ce selon qu’on appartient à la troïka ou à l’opposition .

Le plateau d’Attasiaa Masaan , dans la soirée de jeudi 25avril , sur la chaîne Ettounsya , donne une idée sur les deux approches : Fattoum Lassoued députée d’Ennahdha , pourtant réputée esprit critique , s’aligne , cette fois , sur la position de l’establishment du parti islamiste : elle s’emploie ,sur le plateau à minimiser le forfait , lui cherche des explications et finit par inscrire la petite concession attendue des députés en infraction ( rendre les sommes dues avec facilité) , dans un processus pédagogique d’apprentissage du respect de la loi . Ils auraient au moins appris ce qu’il ne faut pas faire, et ce que signifie le respect de la loi, dit-elle en substance.

A l’opposé, l’avocate Bochra Bel Haj Hmida , s’en est tenue au caractère universel de la loi , qui doit s’appliquer à tous , et de la manière la plus stricte . Elle a rappelé que des responsables de l’ancien régime , surtout ceux de Tunisair , actuellement en prison , ont commis les mêmes délits que les actuels députés et ministres(emplois fictifs) .Elle a exprimé son étonnement devant l’obstination des pouvoirs actuels à traiter ce dossier avec indulgence, et  à sévir dans le cas des responsables de Tunisair .Et elle a appelé le parquet à se saisir du dossier .

Les observateurs ont relevé que cette manière partisane et subjective d’aborder le dossier, indique que la transparence et la lutte contre la corruption qui étaient des mots d’ordre de la révolution, ne sont pas en voie de concrétisation.

Ce qui est à déplorer dans la discussion de ce sujet, ce ne sont pas les infractions commises, mais la bipolarisation des attitudes qu’elles suscitent. Les actes incriminés, au lieu d’être analysés en référence à la loi , et aux principes de la révolution , sont traités en fonction d’un alignement politique qui finit par dénaturer le sujet et pervertir le référentiel moral auquel il renvoie .

Dans les pays démocratiques, la loi qui a un caractère universel, objectif et impersonnel, devant laquelle tous les citoyens sont égaux fait la force de l’Etat, garantit le bon fonctionnement de ses institutions, et assure l’adhésion du citoyen au projet national que l’Etat incarne. Seulement, lorsque les lois sont adoptées, et appliquées de manière subjective, sélective et au gré des calculs politiques des majorités changeantes, l’Etat y laisse sa crédibilité et de son aura, et le citoyen , sa liberté et sa dignité .

Aboussaoud Hmidi

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