Au cours de la dernière décennie, le déficit énergétique n’a cessé de s’accentuer avec des répercussions négatives sur le bon fonctionnement de l’économie mais également sur l’indépendance – voire sur la souveraineté – énergétique du pays, et ce dans un environnement en bouleversement à l’échelle nationale, régionale et internationale.
Deux annonces importantes ont été faites, au cours de ces derniers mois, concernant l’avenir du secteur de l’énergie en Tunisie. D’abord, « la stratégie du secteur de l’énergie à l’horizon 2035 », adoptée par le Conseil des Ministres du 11 avril 2023, et, ensuite, celle faite par la présidence de la République au sujet du mémorandum d’entente sur un partenariat stratégique et global entre la Tunisie et l’Union Européenne signé le 16 juillet dernier.
La « Stratégie 2035 » adoptée par le gouvernement vise principalement à doter la Tunisie d’un approvisionnement énergétique sûr, accessible et abordable. La vision de cette stratégie s’inscrit dans une perspective à long terme orientée vers un modèle durable. Elle vise à atteindre quatre objectifs : la sécurité d’approvisionnement énergétique, la « décarbonation » de l’économie, le développement économique et la garantie d’une transition socialement juste, inclusive, créatrice d’emplois et de richesses et garantissant l’égalité des genres.
Dans l’immédiat, la priorité est de restaurer la capacité de l’Etat, de ses Institutions et des opérateurs du secteur à garantir la continuité de fourniture du marché intérieur en énergie, affirme l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES).
Le secteur se dirigerait inévitablement à sa perte si des utilisateurs de l’énergie continuent de ne pas payer les services rendus et si les monopoles publics du secteur continuent de vendre leurs produits à des prix inférieurs au coût de leur production et/ou de leur achat sans recevoir dans les temps impartis la compensation à servir par le Trésor public. L’étude propose quatre ensembles de mesures d’urgence afin d’éviter un effondrement à court terme du système énergétique du pays.
En tour premier lieu, rétablir l’Etat de droit en affirmant l’autorité de l’Etat. Les mesures d’urgence proposées ont pour objectif immédiat et en premier lieu de rétablir l’Etat de droit en affirmant l’autorité de l’Etat en vue de restaurer la capacité des opérateurs publics du secteur à honorer leurs engagements financiers à l’égard de leurs fournisseurs d’hydrocarbures, notamment de gaz naturel. Cinq ensembles de mesures sont proposées à cet effet: récupérer les créances impayées à la Steg, à la Stir, à l’Etap et à la Sndp par le Trésor et par les clients indélicats, (b) mettre un terme aux vols de l’électricité, mettre un terme à la contrebande des carburants, faire appliquer la règlementation en vigueur concernant l’obligation de constituer et de maintenir un stock de sécurité de 60 jours de consommation de carburants, faire appliquer la règlementation en vigueur relative à la protection des infrastructures d’importance vitale, et adopter un plan spécifique d’intervention d’urgence et de gestion de crise.
Des opérateurs publics aptes à mener leurs missions
Une nécessité tout aussi prioritaire commande de Restaurer la capacité financière des opérateurs publics afin qu’ils puissent réaliser la mission qui leur est assignée. Toute chose étant égale par ailleurs, la Tunisie n’étant plus un pays rentier en matière de pétrole, les mesures ci-dessus proposées ne permettront pas d’assainir durablement les comptes de la Steg, de la Stir et de l’Etap, tant que l’énergie électrique, le gaz et les carburants seront commercialisés à des prix bien en deçà de leur coût de revient. Dans la durée, une subvention généralisée et conséquente de l’énergie n’incite ni à la sobriété, ni à la performance et freine la mise en valeur des ressources alternatives. Pour être efficace, la subvention de l’énergie se doit d’être sélective, ciblée et judicieusement pilotée dans le temps. La suppression brutale des subventions a un coût social certain, mais leur maintien, sans procéder aux ajustements appropriés, entrainerait de graves dérèglements du service public de l’énergie, et par suite une situation pire pour les populations vulnérables. La réforme de la politique des prix de l’énergie est une opération délicate qui nécessite une concertation permanente et pendant plusieurs années entre différentes parties prenantes. La réduction progressive, sélective et ciblée de la subvention de l’énergie doit nécessairement être accompagnée de mesures compensatoires de soutien aux catégories sociales les plus vulnérables.
Le gaz algérien
Le gaz consommé dépend en grande partie des importations et d’un seul fournisseur étranger, rappelle l’ITES. De plus, la production nationale de l’énergie électrique dépend quasi exclusivement du gaz. Afin d’assurer la continuité de fourniture de l’énergie électrique à court et moyen termes, quatre ensembles de mesures sont proposées : engager dans les meilleurs délais des négociations avec la partie algérienne afin de fixer les conditions d’achat du gaz au-delà de 2027; donner une forte impulsion au « plan solaire » qui a pris beaucoup de retard ; mettre rapidement en œuvre un projet spécifique d’équipement des bâtiments publics de panneaux photovoltaïques, et inciter les propriétaires de logement et d’immeuble dont la consommation d’électricité est élevée à s’équiper en panneaux photovoltaïques.
Toutefois, en cas de menace de rupture de la continuité de fourniture de l’énergie, après avoir utilisé le stock de sécurité, les Autorités pourraient être contraintes de rationner la distribution des carburants ou de l’électricité afin de préserver le pays d’une rupture totale.
Une mise en œuvre rapide et efficace de ces mesures nécessiterait la constitution d’un corps multidisciplinaire ad-hoc ayant de larges pouvoirs et directement rattaché à la présidence du Gouvernement, et un accompagnement en toute transparence par des campagnes d’informations et de communication à l’attention des citoyens et des parties prenantes et impliquant les premiers responsables des Autorités concernées.