AccueilLa UNERequiem pour une troïka démembrée, place au binôme BCE-Ghannouchi

Requiem pour une troïka démembrée, place au binôme BCE-Ghannouchi

C’est un fait entendu, l’échiquier politique de la Tunisie se recompose suite aux déclarations par bien des côtés coperniciennes de Rached Ghannouchi sur Nessma tv. Des coalitions se dénouent, d’autres sont en train de se nouer, la troïka mise au rebut, Ennahdha divisée et l’opposition désarçonnée. Que faut-il de plus pour se convaincre que les dés sont jetés et que rien ne sera plus comme avant.

En se sabordant de façon si piteuse, la troïka apporte la démonstration qu’elle ne pouvait pas résister longtemps aux ukases du grand frère Rached Ghannouchi qui a décrété sans le dire explicitement que ses deux alliés au pouvoir ne lui sont plus d’aucune utilité et qu’ils feraient mieux d’aller exercer leurs talents ailleurs. La première victime de ce « tir ami » est de toute évidence, le président de la République (vraiment) provisoire, Moncef Marzouki qui a été invité, par le jeu de la non-éligibilité aux hautes fonctions de l’Etat des candidats aux charges électives, à abandonner la magistrature suprême du pays, sans demander son reste. Triste épilogue d’un mandat qui, il est vrai, n’a pas été rempli du mieux que l’on pouvait espérer, tant étaient nombreux et variés les camouflets infligés à son titulaire et les bourdes qu’il lui était arrivé de commettre. Au reste, son parti, le CPR, a été fragilisé par les coups de boutoir qui lui étaient régulièrement assénés, mais plus encore par la vague de dissidences qui a fortement ébranlé ses rangs au point de devenir une coquille presque vide.

Attakatol, l’autre « pilier » de la troïka n’était pas logé à meilleure enseigne. Sa loyauté presque démesurée au mouvement Ennahdha n’a pas été payée de retour, pas plus que le sommeil profond dans lequel son président a pris le parti d’être plongé au point de perdre son crédit auprès d’une large frange de des députés opposants à l’assemblée nationale constituante. Même sa décision d’en suspendre les travaux ne l’a pas aidé à redorer son blason. Bien au contraire, elle lui a attiré les foudres des élus du mouvement islamiste dont plusieurs ont demandé de lui retirer la confiance, estimant que la « récréation » a trop duré et qu’il est capital que l’ANC reprenne ses travaux, comme vient de l’affirmer le député nahdhaoui Ferjani Doghman.

La troïka mise ainsi en état de cessation d’exercice, Rached Ghannouchi ne semble guère à court d’alternative. Son ci-devant principal adversaire politique, le président de Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, a le profil tout désigné, pour officier en tandem avec lui. C’est sans doute là le résultat majeur de la rencontre qui a réuni à Paris, les deux hommes tel qu’il ressort de la grille de lecture de la majorité des observateurs de la scène politique en Tunisie. Et voilà constitué le binôme Béji Caïd Essebsi-Rached Ghannouchi, qui va tirer les ficelles de toute ce qui se décidera, au cours des prochains mois et sans doute au-delà, de toute l’architecture politique du pays. Cela a tout l’air d’un marché dont chacun tirera les dividendes qu’il recherchait par d’autres moyens, Ennahdha, à travers les pressions politiques et législatives quelle exerçait régulièrement sur Nidaa Tounès et son président, notamment la loi sur l’immunisation de la révolution et les « connivences qu’on lui prêtait avec les salafistes et les ligues de protection de la révolution. En retour, le parti de Caïd Essebsi cessera sa guérilla politique contre le parti islamiste, fort de la montée régulière des intentions de vote en sa faveur, à charge pour son président de se préparer d’ores et déjà à prendre ses quartiers au palais de Carthage, l’hypothèque de son inéligibilité étant à moitié levée, alors qu’il il lui restera de congédier le handicap de la limite d’âge, ce qui devrait sembler un détail, alors que le projet de constitution pourrait passer sous silence cette condition.

Voici brossé à grands traits l’avenir politique du pays, du moins à moyen terme. Les observateurs, dans leur majorité, y voient l’expression d’une transaction qui a besoin, certes d’être encore affinée, mais dont les grandes lignes sont irréversiblement convenues. Alexis de Tocqueville n’a-t-il pas dit : « En politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés. »

Quant à l’opposition, désormais amputée de l’apport et du poids de Nidaa Tounès, elle sera si fragilisée, pour ne pas dire dérisoire, qu’elle comptera pour du beurre dans un échiquier politique si bien conçu et en voie d’être mis en œuvre.

Mohamed Lahmar

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