AccueilLa UNESaïed crucifie un ministre et un député

Saïed crucifie un ministre et un député

Recevant lundi après-midi à Carthage les nouveaux ministres nommés le même jour, le chef de l’Etat a laissé filtrer quelques informations sur les raisons qui pourraient avoir motivé ces changements.

En présence, par exemple, de  Mme Sihem Nemsia née Boughdiri, un haut cadre du ministre des Finances où elle était en charge de la législation fiscale, avant que l’ancien « super » ministre ne la congédie il y a quelques mois, Kais Saïed a surtout insisté sur le recouvrement des dettes fiscales, et la nécessité d’instaurer une justice fiscale équitable, citant ceux qui auraient des centaines de milliards à l’étranger.

–          Où était passé Ali Kooli ?

Mais il a surtout, avec une colère visible, manifestement contre le ministre Ali Kooli qu’il ne nommera pas, indiqué que « le ministre ne donne plus signe de vie, et son téléphone est fermé. On l’appelle au téléphone, et il répond qu’il préparerait la visite du chef du gouvernement à Rome », comme s’il ne reconnaissait plus l’autorité du chef de l’Etat. Et le chef de l’Etat qui dérapait, de comparer le « super » ministre à Mustapha Khaznadar ministre du Bey Ahmed 1er et à Mahmoud Ben Ayed qui avait dévalisé le trésor et s’était enfui. Un comparatif qui pousse, à notre sens, un peu trop le bouchon, surtout sans preuves.

« Je ne sais pas s’il a fait comme lui, mais on ne lui trouve plus trace », dit encore le chef de l’Etat de l’ancien « super » ministre de l’Economie Ali Kooli, toujours sans le nommer. Des paroles cependant lourdes d’accusations indirectes, peut-être infondées, mais certainement blessantes pour tout être humain, et surtout ceux qui se sont mis au service de l’Etat.

Kais Saïed a aussi dit que « on l’a appelé au téléphone pour signer [Ndlr : des documents], mais il reste introuvable. Ça, c’est un comportement bâti sur la fidélité et les alliances ». Tout cela démontre, en tout cas, que le limogeage de Kooli ressemble plus à une lubie de chef qu’à une mesure adossée à une évaluation sereine du bilan du ministre.

–          Haro sur le baudet

Par ailleurs, il reste un fait, vérifié de sources contradictoires, que le ministre était parti le 19 ou le 20 juillet pour une visite de travail en Italie, dont une partie aurait été privée. Au vu de ce qui se passait en Tunisie le 25 juillet, il aurait été plus normal qu’il interrompe sa visite et rentre au pays, ce que Ali Kooli n’aurait fait que le 29 juillet comme si de rien n’était, d’où peut-être la colère du chef de l’Etat.

Nous l’avons beaucoup critiqué, mais on ne sait pas ce que le chef de l’Etat voulait dire par ce déballage public, même si les supporters de Saïed l’applaudiront, et s’il ne finit pas en réalité par donner l’image d’un chef qui, s’il a le droit de congédier le ministre et le responsable qu’il estime nécessaire, se doit de le faire avec l’art et la manière, et surtout dans le respect de la dignité de l’homme, des sentiments de son cercle familial , et surtout dans la retenue de ne pas laver le linge sale de l’Etat en public. Deux petites vidéos, manifestement tournées en Italie et qui circulent depuis quelques jours sur les réseaux, l’auront finalement fait sortir par la petite porte, et jeté en définitive l’opprobre sur la manière dont a été remercié le ministre.

–          Le cas du CNI

Le chef de l’Etat avec les deux nouveaux ministres, Sihem Nemsia pour les finances à gauche et Nizar ben Néji pour les TICs à droite

Avec Nizar Ben Néji, un expert en cyber-sécurité chargé de la gestion du ministère des TICs, le chef de l’Etat a évoqué le cas de ceux qui profiteraient de leurs postes, « pour être au service de certaines personnes ». Et Kais Saïed d’être un peu plus précis dans ses accusations, en parlant des « instruments d’écoute, et l’utilisation des données personnelles, mises à la disposition des partis et non de l’Etat qui est impartial, pour définir une carte électorale, comme cela s’est passé au cours des dernières années ». Les accusations sont graves, mais le chef de l’Etat n’a pas précisé à quel période du ministère cela s’était-il passé.

Sans le dire, le chef de l’Etat parlait certainement du cas CNI (Centre National Informatique), dont les employés s’étaient beaucoup plaints, notamment lorsque le ministère des TICs était entre les mains de l’ancien ministre nahdhaoui Anouar Maarouf qui avait essayé de mettre la main sur cet important outil informatique qui collectait beaucoup de données sensibles et déploie les applications développées pour le compte de l’administration. Des applications comme « Insaf » pour la gestion des RH et de la paie du personnel de l’Etat, « Madania » pour la gestion de l’état civil, ou encore- et la liste est plus longue- « Sygec » pour la gestion du courrier.

Ces accusations sont-elles avérées ? On est toujours tenté de croire qu’un chef de l’Etat ne parlerait pas dans le vide. Ce qui est sûr, c’est que, interrogé en décembre 2018 sur la question de la mise du CNI au service du mouvement Ennahdha, Anouar Maarouf avait botté en touche et n’avait pas répondu à la question des députés.

–          Le député Lotfi Ali dans le collimateur ?

Plus connue est la question du transport du phosphate, « réservé » à une société du député Lotfi Ali. Ce dernier a toujours démenti exercer dans cette activité. Le chef de l’Etat y avait fait un détour, en recevant lundi une activiste de la société civile à Gafsa. « On était 2ème producteur mondial de phosphate, et nous sommes devenus importateur de phosphate (…). Son transport par voie ferroviaire coûtait 12 DT la tonne, et par camion à 27 DT. Les contestations [Ndlr : Pour imposer le transport terrestre] étaient payées (…). Après la ligne 13 [Ndlr : Numéro de la ligne SNCFT pour le transport du phosphate], d’autres ouvriront, pour que tout le monde en bénéficie, et non les voleurs. Et celui qui se cache derrière l’immunité parlementaire imaginaire, pour fuir la prison, ne le pourra pas, et il faudra qu’il rembourse l’argent du peuple au peuple. Vous vous rappelez les camions. Je ne veux pas citer le nom qui est par ailleurs connu de tous. On connaît tous sa société fictive et son frère ». Ainsi résumait lundi le chef de l’Etat tunisien, par indices succincts et saccadés, le problème du transport du phosphate qui serait monopolisé, directement ou indirectement, par le député Lotfi Ali à des prix qui sont le double de ceux de la SNCFT (Société publique des chemins de fer). Le député homme d’affaires semble ainsi désormais dans le collimateur de Kais Saïed. « Tout cela est fini » martelait, ce jour-là, le chef de l’Etat tunisien, et on pourrait s’attendre à une suite judiciaire.

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