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Sortie de crise politique : l’opposition doit voir loin, patienter et surtout rassurer

Est-ce que la réaction explicitement positive d’Ennahdha à l’Initiative de l’UGTT devrait suffire pour restaurer la stabilité dans le pays ? Qu’est-ce qui amené Rached Ghannouchi à adhérer à une initiative qui part du constat d’une crise politique profonde, alors que, lui, a martelé, jeudi , lors de sa conférence de presse, qu’il n’y a pas de crise politique , et que le parachèvement de la constitution et l’élection du dernier membre de l’ISIE permettront de mener la période transitoire à bon port et de la manière la plus aboutie ?

Dans ce même ordre d’idées, l’opinion publique a assisté, ébahie, au verrouillage politique de la semaine dernière , illustré doublement par la reprise du conseil de la Choura , pendant le week-end , de la fameuse analyse idyllique ,avancée jeudi, par Rached Ghannouchi , et d’entacher l’éclat de la symbolique des pourparlers menés à Paris avec Béji Caïd Essebsi et à Tunis avec le secrétaire général de l’UGTT , théoriquement pour décrisper l’atmosphère politique , par la présence aux côtés du chef d’Ennahdha de figures illustres de la ligne dure : Abdellatif Mekki et Ameur Laârayedh .

En fait, l’analyse politique ne parvient pas, à elle seule, à expliquer la portée de ces initiatives et le sens des réactions des différents partis à leur endroit .Il faut recourir à une approche stratégique qui met tous ces faits et gestes dans le cadre des efforts, consentis pour sortir le pays de sa crise.

L’apport de la pensée stratégique se distingue par l’intérêt qu’elle porte, comme genre de pensée à part, aux grands équilibres, aux tendances lourdes des évolutions et aux issues des crises. De ce fait , les stratèges concentrent leurs efforts , même au paroxysme des crises aux schémas de sortie , qui se présentent généralement sous forme de scénarios distincts , donnant lieu à des alternatives que les politiciens et les acteurs politiques et sociaux peuvent adopter selon leurs visions et intérêts .

Les concepteurs de la stratégie ne désarment pas. A l’opposé des politiciens et des acteurs sociaux qui ont souvent le dos au mur, et sont tenus par les obligations de résultats, et se soumettent aux contraintes du moment, les stratèges, eux, sont toujours portés sur les horizons ouverts et les schémas théoriques libérateurs .

Cependant, dégagement des contraintes immédiates ne vaut pas, pour eux, détachement de la réalité . Ils sont tenus, eux aussi, par une obligation de résultats . Mais leur apport spécifique s’inscrit sur un tableau bien différent : celui d’ouvrir un horizon à l’action immédiate, de générer les idées et les modalités fédératrices, et de permettre la fusion des approches à l’origine éloignées pour échafauder projets communs et démarches convergentes. C’est vrai que la réflexion stratégique évolue dans une sphère à part, mais ses résultats sont attendus pour être traduits en langage et codes politiques répondant aux soucis des acteurs politiques.

La réflexion stratégique s’accroche, de par sa nature, à ce qui est pertinent, déterminant, et qui fait la singularité d’une conjoncture politique, pour en analyser la substance , la portée , et les issues possibles . Appliquée à la situation actuelle dans le pays, elle doit répondre à la question suivante : Quel est l’élément qui est derrière la crise actuelle en Tunisie, qui provoque sa prolongation, et une fois neutralisé, garantira la sortie de crise ?

La réponse doit être recherchée dans l’irruption de l’islam politique sur la scène politique, et sa tendance à confisquer la révolution tunisienne, avec la bénédiction des puissances étrangères. Le poids acquis par Ennahdha, depuis les élections d’octobre 2011, l’hégémonie qu’elle a affichée sur la scène politique, et sa volonté d’infiltrer les rouages de l’Etat , ont été doublés par une incompétence , et une incapacité à gérer les affaires publiques .

Cet état de choses a amené de larges franges de la population, et même ceux qui ont opté pour l’islam politique comme solution aux problèmes du pays, à se détourner du projet islamiste et de son représentant politique, Ennahdha .

La large coalition qui s’est formée pour contester le leadership de l’islam politique , et le consensus qu’elle a trouvé autour du programme commun ( dissolution de l’ANC , désignation d’un gouvernement de compétences , révision des nominations faites sur la base de l’allégeance et dissolution des LPR ), semblent résoudre un problème pour la pensée stratégique pour en créer un autre de taille . Car la facilité avec laquelle s’est formée cette large coalition a montré le chemin de sortie de la crise , mais a placé la pensée stratégique dans l’obligation d’esquisser les contours de l’enjeu s’y rapportant , à savoir , comment réaliser ce projet qui fera avancer la Tunisie sur la voie n de la stabilité ,de la concorde , de la démocratie et du développement , avec le moins de dégâts et de dommages collatéraux , en d’autres termes, avec le coût le moins élevé possible .

La condition nécessaire pour réaliser cet objectif est que la direction d’Ennahdha renonce , de plein gré , à son projet hégémonique et admet l’idée de redevenir une force politique de taille moyenne ( avec une base électorale entre 20 et 30% ) qui sera partie prenante dans le jeu politique des alliances , mais qui ne peut en aucun cas prétendre au statut de première force politique ayant un programme en poche à mettre en œuvre, en faisant fi des spécificités du pays et des acquis de la société , comme on l’a vu depuis le 23 octobre 2011 .

Telle est la condition qui doit épargner au pays un redressement à coût très élevé . Mais il faut reconnaître que l’argumentaire des tenants de la ligne dominante chez Ennahdha ne vont pas dans cette direction. Ils ne cessent de parler de légitimité électorale qui les a mis sur le devant de la scène, de concordance entre l’orientation culturelle et idéologique de leur parti et la vocation arabo-musulmane de la société tunisienne, laissant entendre qu’ils ne vont pas lâcher prise. Leur approche, dangereusement négative, des mouvements de contestation qui s’élargissent et se radicalisent dans le pays , et le discours quasi belliciste qu’ils distillent à leur base militante , et à leurs alliés djihadistes à travers lequel ils énoncent qu’alternance ou renoncement au pouvoir veulent dire retour en prison , sont des indices qui révèlent que cette ligne dure ne reculera devant rien pour se maintenir au pouvoir .

Evidemment, le corps politique de l’islam politique est constitué également de militants qui tiennent compte de l’intérêt supérieur du pays, et savent lire la conjoncture de manière judicieuse. Pour aider à l’émergence d’une autre ligne au sein d’Ennahdha, il faut voir loin, patienter et rassurer. Et cette tâche incombe à l’opposition qui doit laisser à l’islam politique la place qui lui revient sur la scène publique, mais qui doit être vigilante à tout discours ou acte qui fait revivre le syndrome de l’après 23 octobre 2011.

Aboussaoud Hmidi

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