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Tunis : L’emprunt national, un pari risqué

La Tunisie s’apprête à lancer un emprunt national et l’opération de souscription à cet effet démarrera fin avril 2014, et les jours suivants, pour mobiliser 1 milliard de dinars. Un emprunt de trois ordres de maturité, à savoir 7 ans, 13 ans et 15 ans. C’est ce qu’on a pu savoir à ce jour alors qu’on ignore encore le taux d’intérêt y afférent et s’il est fixe ou variable. On ne sait pas non plus aussi si cet emprunt est une réponse à l’impasse financière ou une inscription dans une dynamique de croissance et s’il est annoncé dans un temps opportun ou non.

Appel à séduire les souscripteurs

L’universitaire et expert économique Moez Labidi a souligné, dans une note d’analyse, publiée par l’intermédiaire en bourse Mac sa, que le gouvernement aurait dû annoncer cet emprunt au lendemain du 14 janvier où l’espoir était au zénith et les Tunisiens étaient prêts à sacrifier leur quotidien pour bâtir la Tunisie de demain. « C’est à ce moment-là que tout était possible », a-t-il dit, soulignant, cependant, qu’aujourd’hui, la mauvaise gouvernance politique, doublée de la cacophonie institutionnelle qui a régné jusqu’à la fin de l’année 2013, a gangréné les fondamentaux de l’économie tunisienne.

Il a appelé, dans ce cadre, les autorités à séduire les citoyens par une rémunération alléchante et mettre en place des conditions avantageuses destinées à rendre cet emprunt plus attrayant auprès des souscripteurs, expliquant que, dans un tel contexte, les autorités se retrouvent confrontées à un vrai dilemme : soit, elles optent pour une rémunération captivante (taux d’intérêt élevé), pour les souscripteurs et dans ce cas, le gouvernement court le risque de supporter des charges d’intérêts au titre du service de la dette ; soit, elles préfèrent un taux d’intérêt relativement faible, pour alléger le service de la dette et dans ce cas, elles courent le risque de rater l’emprunt obligataire.

Quelles conditions pour la réussite de l’emprunt national

Moez Labidi a expliqué, en outre, que plusieurs éléments pèsent sur les conditions de réussite de l’emprunt national, évoquant, en premier lieu, l’assèchement de la liquidité qui est étroitement liée à la faiblesse du niveau de l’épargne nationale, mais aussi la dérive inflationniste.

Il a expliqué, à ce propos, que le maintien de l’inflation à un niveau élevé et la détérioration du pouvoir d’achat qui en résulte, excluent la classe moyenne des opérations de souscription, soulignant qu’avec la hausse du taux d’inflation, le taux d’intérêt réel (taux nominal moins taux d’inflation) devient négatif et l’épargnant hésite à placer ses économies en obligations ou même dans des produits bancaires. Et d’ajouter que dans un contexte marqué par des pressions inflationnistes, les placements financiers n’ont pas généralement la cote, à cause du risque de dévalorisation des actifs financiers à l’échéance. « C’est plutôt la ruée vers l’immobilier et le foncier qui séduit les investisseurs », a-t-il estimé.

« Incapacité à verser les salaires des fonctionnaires »

L’autre déterminante évoquée par l’expert économique est le discours alarmiste qui reprend la thèse de la faillite de l’Etat tunisien et de son incapacité, très prochainement, à verser les salaires des fonctionnaires ; ceci est de nature à compromettre le succès des opérations de souscription. « Comment peut-on souscrire aux obligations d’un Etat menacé de faillite? Peut-on réussir un emprunt national lorsque le pays verse dans un défaitisme, amplifié par une nostalgie pour un passé proche, malgré ses dérives sécuritaires et ses échecs économiques (chômage des diplômés et déséquilibre régional), et une anxiété devant un avenir incertain, qui domine toutes les conversations ? », s’est-t-il interrogé.

Moez Labidi a souligné, en outre, que le climat des affaires est loin d’être totalement assaini principalement à cause de l’incertitude électorale et le retard pris pour la révision de la loi des finances, pour voter le nouveau code d’investissement, pour préciser les contours de la nouvelle réforme fiscale, continuant ainsi de plomber les décisions d’investissement.

Appel à sanctionner au plus vite les corrompus

Il a indiqué, cependant que « si la détérioration du pouvoir d’achat élimine la classe moyenne de la course vers les souscriptions, peut-on alors espérer l’implication des entrepreneurs tunisiens pour mobiliser les ressources nécessaires », a-t-il dit, précisant que certains d’entre eux croupissent encore aujourd’hui dans l’antichambre de la justice transitionnelle.

« Pourquoi tant d’hésitation pour sanctionner au plus vite les abus et redonner des couleurs à l’environnement des affaires ? ! Une hésitation alimentée par l’incompétence et les calculs politiques, explique le retard pris dans le traitement de ce dossier depuis le 14 janvier 2011 », a estimé Moez Labidi, soulignant que seul un traitement sérieux et équitable où les vrais coupables seront sanctionnés, pourrait nous épargner ce lourd climat de suspicion déplorable, pénalisant pour l’initiative privée, et du coup, décourageant pour la mobilisation de fonds dans le cadre de l’emprunt national, selon ses dires.

Khadija Taboubi

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