AccueilLa UNETunis : Plaidoyer pour un « guide du ministre »

Tunis : Plaidoyer pour un « guide du ministre »

Le nouveau gouvernement formé par Ali Laarayedh et agréé par l’assemblée nationale constituante a moins de 9 mois pour mener à bien son programme dont encore ignore, du reste, l’architecture et le contenu concret. Au vu des quelques éléments disponibles et des déclarations faites par le chef du gouvernement, lors de son investiture, il est difficile de se former une idée précise sur les chantiers auxquels va s’atteler ce gouvernement et du mode sur lequel il exercer son mandat.

Des voix s’élèvent ici et là pour appeler l’équipe gouvernementale à se doter d’un cadre éthique et opérationnel qui lui permette de vaquer aux missions qui sont les siennes, mais surtout pour éviter de la façon la plus comminatoire possible, les travers et les dérives dans lesquels sont tombés maints membres du gouvernement sortant, et qui ont fortement entaché la prestation générale du cabinet.

On sait que les administrateurs des entreprises publics sont régis par un guide édité, voici quelques années, par le Premier ministère de l’époque. Toutefois, la fonction de ministre et du secrétaire d’Etat tarde à s’en doter d’un qui puisse les instruire de ce qu’ils sont habilités à faire et surtout de ce qu’il ne doivent pas faire. C’est un outil essentiel à l’aune duquel devra s’organiser le mandat de ministre et de secrétaire d’Etat et, plus important encore, sont fixées les références éthiques et de fonctionnement dont l’équipe gouvernementale tire les leviers de son exercice. D’autant que le nouveau gouvernement comprend des ministres et secrétaires d’Etat qui ne semblent pas avoir la maîtrise de la chose publique, à l’instar de nombre de leurs collègues qui rempilent sous la férule d’Ali Laarayedh.

Voilà pourquoi il est devenu primordial qu’un « guide du ministre » soit mis en place , le plus tôt possible, pour éclairer tout l’exécutif sur ses attributions et les règles auxquelles il sera tenu de s’astreindre pour gérer avec diligence et à l’abri de toute tentation de dérive et de conflit d’intérêts , les affaires de l’Etat, dans l’intérêt bien compris des administrés.

Certes, il existe des règles non écrites qui relèvent, pour l’essentiel, des valeurs et principes moraux et universels dont le non respect est condamnable et blâmable, mais il importe, dans le même temps, qu’une sorte de code soit élaboré , comprenant des textes pertinents et contraignants aux niveaux politique, administratif et financier qui aient valeur de garde-fous empêchant mauvaise gestion, turpitudes, dérapages , incurie et autres formes de dérives.

Bien plus encore, il est devenu de la toute haute importance que les décisions que les ministres et secrétaires d’Etat seront appelés à prendre, durant leurs mandats, n’aient aucun lien, si ténu soit-il, aves leurs appartenances partisanes, s’agissant surtout des nominations dans l’administration et plus précisément dans les fonctions qui requièrent des compétences avérées et reconnues et qui ne puissent venir en soutien aux desseins électoraux et préélectoraux des partis au pouvoir.

Ne serait-il pas dès lors, temps de convenir d’un guide dont les disposions, injonctions et directives soient la grille de références qui guide l’action du ministre et du secrétaire d’Etat, comme c’est notamment le cas au Canada où le gouvernement a mis en place, en 2011, un opuscule énonçant « les principes de base associés au rôle et aux responsabilités des ministres dans le système de gouvernement parlementaire responsable qui est celui du pays et qui traite du fondement de la responsabilité ministérielle, à la fois individuelle et collective, de même que des relations des ministres avec le Premier ministre et le Cabinet, de leur portefeuille et du Parlement. Il passe en revue les normes de conduite attendues des ministres et toute une série de questions administratives, procédurales et institutionnelles ».

Surtout, l’accent doit être mis sur la question essentielle du comportement éthique. A ce propos, il est instamment recommandé d’élaborer une loi sur les conflits d’intérêts que les ministres doivent connaître à fond, à charge pour les membres du gouvernement d’agir avec honnêteté et de respecter les normes d’éthique les plus élevées qui soient afin de maintenir et de rehausser la confiance du public dans l’intégrité et l’impartialité du gouvernement.

Semblable texte doit obliger les membres du gouvernement ainsi que leurs conjoints ou conjointes, et leurs enfants à charge, à présenter un rapport confidentiel énumérant leurs biens, leurs dettes et leurs activités passées et présentes, et énoncer des règles relatives aux biens pouvant être gérés directement et précise comment, le cas échéant, il faut s’en départir. En outre, il doit établir des limites concernant les activités extérieures, l’acceptation de cadeaux, d’invitations à des activités spéciales et de marques d’hospitalité, et les activités de l’après-mandat, tout en mettant en place un mécanisme de récusation pour aider les ministres à éviter les conflits d’intérêts dans l’exercice de leurs fonctions officielles.

Mohamed Lahmar

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