Les hommes d’affaires de Tunisie et d’Algérie sont maintenant en droit de pousser un soupir de soulagement. Ce qu’ils demandaient avec une remarquable obstination depuis des lustres est désormais de l’ordre du réalisable. Tous les produits industriels algériens entrant sur le marché tunisien seront exonérés des droits de douane et des taxes d’effet équivalent, en vertu d’un accord préférentiel de commerce bilatéral qui fait bénéficier, une liste de produits tunisiens des mêmes avantages à leur entrée sur le territoire algérien.
Dès lors, plus besoin d’avoir recours à des accords, conventions et autres mécanismes, de surcroît rarement appliqués, pour pouvoir exporter vers l’un comme l’autre pays, nouer des partenariats solides, et ce faisant, créer une dynamique économique dont les opérateurs tunisiens et algériens ont un cruel besoin pour éviter de placer leurs produits et services chez leurs partenaires classiques de toujours, à savoir les pays de l’Union européenne frappés d’une crise économique qui rejaillit avec les conséquences que l’on sait sur leurs voisins du Sud.
L’accord préférentiel de commerce bilatéral, adopté par le conseil des ministres tunisien, le 6 novembre 2013, est prévu pour entrer en vigueur le 1er janvier 2014. Il s’y loge l’essentiel des attributs d’un mécanisme de nature à hâter la réalisation de l’intégration économique, et , plus important encore, à aller de l’avant sur la voie de la mise en place d’une zone de libre échange entre les deux pays voisins, à travers le renforcement du partenariat, l’accroissement des échanges commerciaux et l’incitation aux investissements mixtes.
Concrètement, cela veut dire qu’une deuxième liste de produits tunisiens bénéficiera de réductions de 40% des droits de douane et des taxes d’effet équivalent à l’entrée sur le territoire algérien. Les Algériens s’engagent, conformément aux dispositions de l’accord, à faire bénéficier cette liste de produits tunisiens de réductions supplémentaires après une année de l’entrée en vigueur de l’accord. Il s’agit des mêmes avantages accordés par les deux pays aux produits provenant de l’Union européenne.
L’accord prévoit, en outre, l’ouverture de négociations sur la possibilité de faire bénéficier le reste des marchandises tunisiennes de réductions des tarifs douaniers après une année de l’entrée en application du dit accord.
En ce qui concerne les produits agricoles, les deux parties, tunisienne et algérienne, ont convenu de reporter les discussions sur la libéralisation du commerce de ces produits et d’autres produits agricoles industrialisés à 5 ans plus tard, à partir de l’entrée en vigueur de l’actuel accord. Cependant deux listes de marchandises tunisiennes bénéficieront d’exonération totale dans le cadre de quotas annuels
L’accord du 6 novembre met l’accent sur la nécessité d’accompagner les produits d’origine et de sources locales, échangés entre les deux pays d’un « certificat d’origine », émis de l’autorité spécialisée de chaque Etat lequel certificat sera autorisé et contrôlé par les autorités de même tutelle de l’Etat d’accueil.
Il a été convenu également, de créer une commission mixte tuniso-algérienne de coopération commerciale regroupant des représentants des secteurs concernés. Cette commission aura pour mission de mettre en œuvre les engagements des parties contractantes concernant l’échange des produits.
Elle se penchera également sur l’examen des demandes d’extension des avantages douaniers à d’autres produits avec la possibilité d’élargir les domaines de coopération au rythme de l’évolution des économies des deux pays.
Mais, de toute évidence, c’est sous un angle stratégiquement maghrébin qu’il faut considérer cet accord, car, avec une population de 90 millions d’habitants, autrement dit, autant de consommateurs, les trois pays majeurs du Maghreb, nommément la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, ne sont pas en droit de ne pas fédérer leurs économies sous une même bannière, celle de la complémentarité, de l’intégration et du libre-échange. Et il est tout à fait atypique que ces trois pays ne se soient pas avisés à s’y engager, depuis des décennies, sans doute à cause de contentieux politiques et territoriaux dont l’expression la plus funeste et paralysante est le problème du Sahara. C’est à ce point économiquement insensé que le non-Maghreb coûte, selon toutes les estimations qui sont faites, 2% de croissance à chacun et que cela représente des dizaines de milliers d’emplois annuels, dont les uns et les autres ont tous besoin.
Mohamed Lahmar