AccueilLa UNETunisie : De la Mafia à la «Guérilla», le «Fassed» continue.

Tunisie : De la Mafia à la «Guérilla», le «Fassed» continue.

Plus d’une année après le 14 janvier 2011, force est de constater que, en Tunisie, la révolution n’a pas enlevé les privilèges, elle en a simplement changé les bénéficiaires. Arrestations, incarcérations, ouvertures d’enquêtes, rapports de différentes commissions, confiscations et interdictions de voyage se sont succédé, depuis la fin du premier acte d’une «Révolution» tunisienne qui ne finit toujours pas. Le «Fassed», terme tunisien qui englobe aussi bien, corruption, vols, détournements de fonds et de marchandises, népotisme, mauvaise gestion et concussion, continue pourtant allègrement dans la Tunisie de l’après Ben Ali. Comme pendant le règne de ce dernier, les autorités gèrent et ne décident pas. Le «Fassed» a simplement changé de camp et a aussi changé de manière et d’outils.

– 1ère phase : La Mafia familiale, «avec la bénédiction du père et l’aide du Saint-Esprit» de l’Administration.

Avec Ben Ali, le «Fassed» était organisé en clan mafieux. C’était les familles qui étaient servies en premier lieu. La redistribution en cercles, séquentiels plus larges, se faisait par les membres de la famille eux-mêmes qui en tiraient ainsi, soit plus de bénéfices supplémentaires, soit d’autres passe-droits pour d’autres affaires.

Le Monde publie une traduction en français d’un télégramme diplomatique américain dévoilé par Wikileaks et décrivant la corruption au plus haut niveau du régime du président Ben Ali. On y lisait notamment que «la famille élargie du président Ben Ali est fréquemment présentée comme le carrefour de la corruption en Tunisie. Souvent qualifiée de quasi mafia, une vague allusion à « la Famille » suffit à indiquer de laquelle vous voulez parler ».

Le câble précise que «ce sont surtout l’épouse de Ben Ali, Leila Ben Ali, et sa famille élargie les Trabelsi, qui provoquent la colère des Tunisiens. Les Trabelsi sont la cible fréquente de piques concernant leur manque d’éducation, leur statut social inférieur et leur frénésie de consommation. Si Les Tunisiens remarquent également que leurs méthodes musclées et leur abus flagrant du système en font facilement des objets de détestation, le frère de Leila, Belhassen Trabelsi, est le membre le plus connu de la famille. La femme de l’ancien président tunisien, n’était pas en reste. Le tout Tunis connaissait l’histoire de la Carthage International School, du don du gouvernement de 1,8 million de dinars (1,5 million de dollars), des routes et feux tricolores installés pour faciliter l’accès à l’école». La Tunisie se rendra par la suite compte que cela n’était qu’une goutte dans la rivière des terrains qu’elle s’était fait donner par l’AFH, l’Office des logements des militaires et différents autres promoteurs publics et privés. Connu, en 2006, par l’affaire du Yacht, Imed Trabelsi, aura été le plus en vue et le plus actif de la famille en matière de Fassed. En véritable «bon père» d’une famille qui était fusionnée à l’Etat, Ben Ali distribuait les privilèges et donnait les instructions pour faciliter l’accès aux richesses, surtout pour les Trabelsi.

Les pratiques mafieuses de Ben Ali s’étaient nettement accentuées, depuis son second mariage et avaient englobé alors tous les secteurs de l’activité économique. Tout y passait, de grè à gré ou par le biais de la privatisation, de l’industrie au commerce en passant par les banques où certains membres de la famille de Leila Trabelsi avaient tellement emprunté des banques, qu’il finissent par posséder des banques ou postuler pour en avoir. Le tout était fait sur instructions, écrites ou verbales. Avec Imed, c’était la force de l’extorsion, les menaces et même la violence jamais punies et toujours couvertes, même par le plus haut sommet de l’Etat, comme pour le cas du Yacht. Tout se passait cependant en famille, de façon solidaire, bien répartie entre ses membres et sans recours aux armes.

– 2ème phase : ذراعك يا علاف, en véritables guérilléros.

Avec l’arrivée de la Révolution, les passe-droits se sont certes arrêtés. Mais pas dans tous les secteurs. La révolution, il faut le dire, n’avait pas, de surcroît, tout éradiqué et même oublié le semis laissé notamment par les Ben Ali. Une partie de l’activité reposait sur l’importation, légale et surtout illégale. Nous l’écrivions, depuis 2008, la famille n’était qu’un prête-nom et l’action se limitait à assurer la sortie des conteneurs des ports et à en assurer parfois le convoi. Le tout moyennant des sommes qui pouvaient dépasser 20 mille DT pour le seul container. Pour des raisons, dites sociales, plus de cinq cent conteneurs, que les familles, prises par le temps, n’avaient pu sortir du port de Rades, ont été libérés depuis 2011. Depuis, ce genre de commerce avait repris de plus belle, mais avec de nouvelles familles et de nouveaux passe-droits. La dernière alerte de l’Organisation de Défense du Consommateur (ODC) sur les chaussures chinoises, en est la plus belle des preuves, lorsqu’on se demande, comme l’ODC ne l’a pas fait, sur la manière avec laquelle ces marchandises interdites étaient entrées en Tunisie.

Profitant ensuite de la Révolution, quelques nouvelles fortunes tunisiennes s’étaient faites, d’abord par le passage des voitures, clandestinement entre les frontières tuniso-libyennes. Après la libération de la Libye, le trafic s’était élargi à toutes les marchandises, industrielles, agroalimentaires et alimentaires tout court. Convois de produits phosphatés, convois de pâtes alimentaires, d’eau, de lait, de légumes et de fruits. Arrêtés quelques premières fois, car ne bénéficiant pas, comme du temps de Ben Ali, d’appuis politiques familiaux, ces contrebandiers changent de tactique. Ils utilisent désormais les armes pour convoyer leurs camions de marchandises exportées illégalement vers la Libye notamment.

Le Fassed a ainsi changé de méthode. Passé des mains de familles mafieuses, le Fassed passe en effet entre celles de bandes, organisées et armées. Un genre de «guérilla économique», nettement moins glorieuse, arrachant le pain des bouches des Tunisiens, faisant contrebande sans vergogne de la nourriture des Tunisiens.

On remarquera aussi que, tout comme les gouvernements de Ben Ali par rapport au commerce parallèle et à l’importation illégale, l’actuel gouvernement Jbali se limite pour l’instant à gérer sans pouvoir sévir. Le chef du Gouvernement tunisien, vient dernièrement d’avouer son impuissance à faire face à la contrebande, organisée et désormais armée.

Khaled Boumiza.

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