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Tunisie : Déprécier le dinar, c’est le pire du pire, selon des experts

Il est devenu un poncif d’une triste banalité de dire que le dinar tunisien poursuit sa descente aux enfers. Seulement quand le Fonds monétaire international décrète que ce n’est pas assez et qu’il faudra déprécier encore plus la monnaie nationale, on est dans l’imprécation et des pires. Alors que le dinar s’enfonce dans la mélasse et qu’il en faut plus de trois pour un euro, une parité qui ne semble pas près de se résorber, l’inflation, largement importée, rejaillit sur quasiment tout le monde et d’abord l’écrasante majorité des Tunisiens qui voient leur pouvoir d’achat s’évaporer à coups d’interminables valses des étiquettes. Le mois de Ramadan est à nos portes, et il est fort à parier que la spirale va littéralement exploser malgré les assurances du gouvernement s’agissant la constitution           de stocks de victuailles et mobilisation des services de contrôle.

Indubitablement, le dinar y est pour beaucoup, ayant perdu plus de 15% de sa valeur par rapport au dollar et plus de 23% par rapport à l’euro alors que l’inflation a atteint un sommet de 7,6% en mars. Lorsque la Tunisie avait conclu voici deux ans un prêt de 2,9 milliards de dollars sur quatre ans avec le FMI, l’institution de Bretton Woods soulignait déjà que le dinar était surévalué et devait être affaibli pour stimuler les exportations et dynamiser l’économie du pays. Tout en avouant que la dépréciation pourrait être douloureuse, le Fonds arguait qu’il s’agit d’une démarche indispensable pour la stabilité à long terme du pays. Mais de nombreux économistes tunisiens tirent la sonnette d’alarme estimant que cette préconisation fait plus de mal au pays que de l’aider.

L’un d’eux, Aram Belhadj, professeur assistant d’économie à l’Université de Carthage, cité par Middle East Eye (MEE), affirme que « ni la dépréciation, ni l’augmentation des taux d’intérêt n’aidera l’économie tunisienne », enjoignant au FMI de «  comprendre que certaines recommandations n’aideront pas le peuple tunisien à sortir de cette situation difficile », lui qui pense qu’un «taux de change plus flexible … contribuerait à stimuler la création d’emplois et à soutenir le secteur des exportations de la Tunisie, qui s’est déjà amélioré au cours des trois premiers mois de cette année». « La principale cause de l’inflation en Tunisie est la dépréciation de la monnaie », a fait remarquer l’économiste qui ajoute que « le FMI considère que le taux de change du dinar est surévalué et nous devons laisser la monnaie flotter. Cet argument est bancal car la Tunisie est une économie très ouverte, donc un surcroît de dépréciation du dinar entraînera des prix d’importation très élevés, et la Tunisie importe beaucoup, donc la balance commerciale sera aggravée ».

Une machine à décréter

« Au lieu d’alléger les déficits commerciaux attendus par le FMI, la dépréciation du dinar les a, au contraire, accentués », estime, pour sa part, Chafik Ben Rouine, co-fondateur et président de l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE), qui explique comment les « recommandations » du FMI en elles-mêmes ont fait baisser la valeur du dinar. « Revue après revue, le FMI estime avec une remarquable constance que le dinar est surévalué de 10%. Cette estimation a été utilisée pour mettre plus de pression sur la Banque centrale de Tunisie afin de la pousser à consentir à la baisse de la valeur du dinar », souligne-t-il. Et « lorsque le dinar atteint la valeur souhaitée par le FMI, celui-ci se fend d’une nouvelle prévision à travers laquelle il estime que le dinar doit encore baisser de 10%, et ainsi de suite ».

MEE cite le cas d’une entreprise tunisienne, le groupe Toupack , une société d’emballage qui importe des machines et des matières premières et les revend sur le marché intérieur, et qui a sérieusement pâti de la dépréciation du dinar. Son directeur financier Mokhtar M’Hiri, a indiqué que la société avait été forcée de tripler ses prix dans certains cas à cause précisément de la dépréciation. Un élément qui a été particulièrement coûteux tient aux boîtes pour un fabricant de croustilles (chips de pomme de terre). Nous avons commencé il y a deux ans à vendre les boîtes. Elles coûtaient 0,6 dinars l’unité et aujourd’hui le prix est passé du simple au triple, soit autant pour le client ».

La chose et son contraire

Certains observateurs cités par MEE affirment que la situation actuelle en Tunisie montre que les décideurs sont pris entre des politiques commerciales et de développement contradictoires et antinomiques. «  D’une part, pour les produits de base, céréales, huile, lait, sucre, ils protègent les prix pour les consommateurs tunisiens. D’un autre côté, ils croient en une croissance tirée par les exportations », a déclaré l’un d’eux, Max Ajl, chercheur à l’Université Cornell, spécialiste de l’économie politique tunisienne.

«  En troisième lieu, ils croient en la dépréciation … et ce faisant ils croient en toutes ces choses simultanément ». « Le résultat est une politique qui fait supporter aux salariés les effets de la dépréciation du dinar », a-t-il dit. « Donc, ce qui se passe, c’est que … sous l’effet de la dépréciation, toutes sortes de biens d’achat deviendront plus chers compte tenu du fait que la Tunisie dépend des importations pour une grande partie du panier du consommateur », a-t-il conclu.

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