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Tunisie : « L’arrivée de Ben Ali au pouvoir a été saluée par les islamistes », dixit Mezri Haddad

« Même si certains jouent l’amnésie, il ne faut pas oublier que l’arrivée de Ben Ali au pouvoir a été saluée par toute la classe politique du pays, y compris les islamistes, comme un acte salvateur », indique Mezri Haddad, ancien ambassadeur de la Tunisie à l’UNESCO dans une interview accordée à Africanmanager. « Même si cet unanimisme m’inquiétait à l’époque, je pense qu’il était justifié. De l’unanimisme à la servilité et au culte de la personnalité, il n’y avait qu’un pas », a-t-il ajouté.

En effet, selon lui, Ben Ali a hérité d’un pays en faillite économique et sur le point de basculer dans l’islamisme. Il a remarquablement bien relevé ces deux défis. La phase des désillusions démocratiques commence au début des années 2000, lorsque le régime a définitivement perdu ses alliés de gauche et de la société civile, qui ont rejoint les islamistes.

Il a ajouté que Ben Ali n’aurait jamais dû se présenter aux élections de 2004, encore moins vouloir se maintenir au-delà de 2009. Il a commis la même erreur que Bourguiba. Il aurait pu se retirer avec un bilan nettement honorable, y compris sur le plan économique. « Je persiste à croire, en effet, que les événements de janvier 2011 n’étaient pas une Révolution de la misère et de la pauvreté comme on l’a fait croire, mais une révolution de la prospérité et de la croissance mal réparties entres les différentes couches sociales et entre les différentes régions du pays.

Au demeurant, Mezri Haddad a indiqué que c’est la génération de Ben Ali (18 à 30 ans) qui a déclenchée la Révolution. Il a souligné, cependant, que la Tunisie n’était pas la cible prioritaire mais la mèche pour allumer la poudrière arabe. Ce qu’on présentait comme le régime le plus dictatorial dans le monde était en réalité le plus fragile parce que le plus libéral du monde arabe : par son taux de connexion sur le réseau internet, par son taux d’analphabétisme, le plus faible dans le monde arabo-musulman et africain, par sa croissance économique ». Selon lui, en 2010, sur une population de 10,3 millions, il y avait 2 millions de comptes facebook, dont les abonnés sont, pour la plupart, des jeunes de 18 à 30 ans. Selon une étude de l’IPEMED en juillet 2011, la Tunisie et l’Egypte font partie des pays sud-méditerranéens où le poids du secteur des TIC est parmi les plus avancés du monde arabe.

Mezri Hddad a également rappelé qu’en mai 2010, l’Etat tunisien a autorisé la puce 3G, qui permet notamment de se connecter sur Internet à partir d’un téléphone portable. Pour un régime « totalitaire », c’était plutôt curieux ! Dans l’exaltation et l’excitation d’une jeunesse tunisienne pas du tout politisée et résolument globalisée, des ONG américaines, soucieuses beaucoup plus des intérêts de leur pays que du respect des droits de l’homme dans le monde, ont joué un rôle déterminant. Cela ne fait plus l’ombre d’un doute, puisque ces ONG agissent aujourd’hui à visage découvert et que des études sérieuses ont dévoilé leur rôle dans la préparation, depuis 2004, des révolutions.

Sur le rôle du Qatar, Haddad a indiqué qu’il s’agit d’un secret de polichinelle. Selon lui, Al-Jazeera s’est occupée de l’autre frange de la société qui n’était pas sur facebook et sur twitter. Des plus modestes aux plus aisés, il n’y a pas un seul foyer en Tunisie qui ne fût pas sous l’emprise de cette « chaîne islamo-sioniste ». Son pouvoir sur les Tunisiens n’était pas médiatique mais carrément hypnotique.

« J’avais en effet mis en garde contre cet anarchisme en marche, parce que j’en devinais les origines et prévoyais les conséquences. Je n’analysais pas ces événements comme un amateur en politique, encore moins comme un acteur sous l’emprise de cette hystérie collective. Je scrutais ces événements tragiques avec la rationalité d’un philosophe qui sait par quel caprice de l’histoire les nations peuvent s’autodétruire. Plutôt que la guerre civile, j’avais d’abord annoncé la victoire des islamistes, à l’inverse des analystes tunisiens et des « spécialistes » occidentaux, qui ne pouvaient pas croire qu’un peuple si civilisé, si éduqué, si sécularisé, si attaché aux acquis du bourguibisme, pouvait porter au pouvoir les ennemis de la liberté, de la modernité et du bourguibisme. Si une telle abjection a pu se produire, alors pourquoi pas une guerre civile ? », a-t-il indiqué

Il a ajouté que toutes les conditions sont réunies pour qu’un tel cataclysme se réalise : une société divisée par les égoïsmes individuels et corporatistes, une classe politique que seul le pouvoir intéresse, des centaines et des milliers de loubards et de criminels en liberté, une autorité publique qui n’est plus respectée, des extrémistes qui appellent au djihad en toute impunité, des armes cachées dans les quatre coins de la république, des terroristes prêts au martyre pour la gloire de l’islam dont ils sont les pires fossoyeurs, des Etats étrangers qui agissent en territoire conquis et dont les intérêts sont antagoniques.

Khadija Taboubi

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