AccueilLa UNETunisie : L’injuste justice du ministre Lamine Chakhari.

Tunisie : L’injuste justice du ministre Lamine Chakhari.

L’homme est impulsif. Il interrompt une réunion et va prendre le téléphone dans son bureau. Au bout du fil, la radio Shems où Hassan Amaïdia, directeur général du Groupe américain d’investissement «Troïka Global » en Tunisie, l’accusait de donner des autorisations pour des projets au bénéfice de proches d’autres ministres.

Mohamed Lamine Chakhari, ministre de l’Industrie, s’était déjà expliqué, le lundi 24 septembre 2012, sur les ondes de Radio Express Fm, sur l’octroi par son département d’une autorisation habilitant un proche de Riadh Bettaieb, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale à créer une cimenterie. Selon lui, il s’agit tout juste d’un accord de principe qui permet au bénéficiaire, un Tunisien de droit comme tous les autres tunisiens, en l’occurrence, le promoteur Lassaad Bettaieb, d’effectuer les études de faisabilité technico-économiques nécessaires pour la création d’une cimenterie dont la production sera dédiée à l’exportation. Plus d’un mois plus tard, il revient sur le sujet.

Le ministre de l’Industrie confirme, pour la seconde fois, l’autorisation au neveu de Riadh Bettaieb.

«Nous avons une stratégie claire en matière de ciment. Pour le marché local, nous disposons de l’autosuffisance et même d’un surplus de 2 millions de tonnes par jour. Nous ne voulons pas porter atteinte à ceux des industriels du ciment qui travaillent actuellement en Tunisie. L’autorisation n’est pas l’apanage du neveu du ministre ni du ministre lui-même. L’autorisation peut être accordée à tous ceux qui veulent investir (…). Les autorisations qui ont été données l’ont été, en grande majorité, pour l’exportation et non pour le marché local. Pour Gafsa, nous avons déjà un projet pour la région d’El Guettar. On ne peut donc pas faire dix cimenteries à Gafsa, ce n’est pas notre stratégie. Nous n’avons rien contre quiconque. Reste cette question du fils, du frère ou du neveu du ministre. Nous ne regardons pas les personnes, car le projet est celui d’investisseurs et au nom d’une région. Il n’est pas interdit, ni au frère ni au neveu du ministre, ni à quiconque de bénéficier d’un tel projet. Il est d’abord un investisseur et s’il ne répond pas aux conditions de l’investissement, il ne l’aura pas, fut-il le ministre lui-même». Ainsi parlait le ministre, qui criait, jusqu’à sortir presque du combiné.

Ce que dit le ministre Chakhari, est pourtant tellement sensé qu’il en deviendrait même une Lapalissade. Légalement, en effet, toute personne, qu’elle soit proche ou même de la famille directe des dirigeants, a le droit de monter des projets, de contracter des crédits pour les financer et de chercher des partenaires étrangers pour participer à leur financement.

Pourquoi ne dirait-il pas cela à R. Ghannouchi, à H. Jbali, à S. Dilou et son collègue de la justice ?

Il serait, en effet, indécent et presque hérétique de refuser d’accorder l’autorisation d’ouvrir un projet dans les secteurs encore sous contrôle de l’Etat comme le ciment, pour la simple raison que son père ou son oncle est ministre, chef de gouvernement, chef de l’Etat ou président de l’ANC.

Tout cela est bon. Sauf que c’est au nom de ce même genre de lien de parenté, que des dizaines de parents, directs et indirects de l’ancien Président de la République tunisienne et de sa femme, ont été confisqués, sur la seule suspicion qu’ils auraient pu profiter du pouvoir de leurs parents et alliés pour accéder à de tels projets. La dernière liste des 33 nouveaux confisqués, envoyée par la Commission de confiscation à toutes les banques du pays, contient les noms de toute une seule famille d’un ancien ministre dans son acception la plus large. Le fils d’un autre ancien ministre fait toujours l’objet de poursuites judicaires sur la simple suspicion qu’il aurait pu profiter des supposés pouvoirs que son parent direct aurait détenus. Sans aucune intention de remettre en cause le processus de justice transitionnelle, il est important pour l’exemple de remarquer qu’un projet, comme celui de «Carthage Cement» a été confisqué et sera bientôt revendu, sur la simple accusation du lien de parenté direct entre Ben Ali et Belhassen Trabelsi. Dans la première liste des 121 confisqués, 119 ont été confisqués, seulement parce qu’ils sont parents ou alliés de Ben Ali et de sa femme.

A entendre les déclarations du ministre de l’Industrie, Lamine Chakhari, toute la confiscation n’aurai nullement lieu d’exister. Si on ne peut, maintenant et après la Révolution, empêcher le parent d’un ministre nahdhaoui du gouvernement de Hammadi Jbali, d’obtenir l’autorisation d’un projet de cimenterie, comment pourrait-on expliquer que le même genre de lien de parenté soit jugé comme ne pouvant pas empêcher d’accéder à un tel privilège. On parle ici de privilège, car ce genre de projet nécessite toujours l’autorisation de l’Etat. Cela aurait été, en effet, correct, si le processus de confiscation s’était, au départ, appuyé sur des décisions de justice irrévocables et prononcées suite à des enquêtes impartiales !

On s’étonne aussi que le ministre Chakhari justifie, dans son interview à Shems FM, que l’autorisation donnée au neveu du ministre Bettaieb, concerne une usine de ciment à Tataouine destinée à l’export. Notre étonnement provient de deux éléments. D’abord par le fait le ciment est fabriqué grâce à une électricité dont le prix est fortement compensé par l’Etat, donc un prix fortement entaché de dumping. L’exportation du ciment est aussi, jusqu’ici, soumise à autorisation. Spécialiser de nouvelles cimenterie dans l’export, serait pratiquer le «deux poids deux mesures », alors que ce même ministère empêche d’autres cimentiers tunisien d’exporter. Sinon, le ministre Chakhari affirme lui-même que la Tunisie a des surplus de production !

Khaled Boumiza.

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