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Tunisie : Le Président de l’INT pointe les mauvaises pratiques des opérateurs téléphoniques

L’Instance Nationale des Télécommunications (INT) est un organisme spécialisé, créé en janvier 2001. Elle  a pour mission de participer à la promotion du développement du secteur des télécommunications. Elle garantit un environnement propice à l’investissement en instaurant une concurrence saine et loyale. C’est aussi ’’INT qui examine les litiges relatifs à l’installation, au fonctionnement et à l’exploitation des réseaux et qui sont afférents à l’interconnexion, au dégroupage de la boucle locale, à la colocalisation physique, à l’utilisation commune des infrastructures et à tout autre service de télécommunications.

Du fait de plusieurs défaillances structurelles, cette instance n’arrive pas, depuis quelques années, à jouer pleinement son rôle de régulateur d’un domaine des télécommunications où règne un peu n’importe quoi. Non respect des engagements donnés, des offres commerciales pas toujours transparentes, des prix et des tarifs  qui ne respectent pas les règles, sans compter l’existence du double contrôle du Conseil de la Concurrence. Depuis sa nomination, il  y a dix  mois, à la tête de l’INT, Kamel Saadaoui essaie d’y apporter une nouvelle rigueur et de l’ordre.  Pour Africanmanager, le président de l’INT fait le point et pointe du doigt les mauvaises pratiques du secteur. Interview.

Quel regard porte le président de l’Instance tunisienne de régulation sur le secteur des télécommunications en Tunisie, surtout en termes de qualité de service et en termes de tarifs ?

Aujourd’hui, nous constatons  un écart remarquable entre les tarifs des appels « on-net » (appelant et appelé chez un même opérateur) comparé à un appel « off-net » (appelant et appelé chez deux opérateurs différents). Ce phénomène favorise « l’effet Club », et cela ne  favorise pas la concurrence entre opérateurs « dominants » et opérateurs « nouveaux entrants ».

D’autre part, les terminaisons d’appels (TA : coûts payés par un opérateur A à un opérateur B relatifs à l’appel de son client vers le réseau de B), ces TA ne sont pas toujours en cohérence avec les tarifs de détail.

En ce qui concerne les services de la téléphonie fixe (y compris les accès Internet de type xDSL), l’opérateur historique propose à ses concurrents des tarifs de gros supérieurs aux tarifs de détail. Il a peut-être raison, puisque son projet de rééquilibrage tarifaire (révision à la hausse de ses tarifs pour éviter la vente à perte) n’a pas été achevé.

Face à ce constat, l’INT a engagé un grand chantier dont l’objectif est de vérifier les coûts réels des prestations de gros et d’interconnexion pour chaque opérateur. Notre objectif est d’apporter, progressivement,  les corrections nécessaires à notre marché des télécoms.

Il est évident que  maîtriser ce volet économique constitue un aspect important et fondamental pour la régulation.

En ce qui concerne la qualité de service (QoS), l’INT a engagé deux bureaux spécialisés pour assurer le contrôle de la QoS de chaque opérateur, selon des indicateurs standards, et ce pour les réseaux mobile (2G/3G) et les accès Internet de type xDSL.

Les rapports seront publiés régulièrement au niveau du site de l’INT  (http://www.intt.tn/). Nous pensons que cette approche mettra plus de pression sur les opérateurs concernant la qualité de service.

 L’INT dispose-t-elle actuellement des moyens, juridiques et financiers, pour jouer pleinement son rôle de régulateur ?

L’INT dispose de moyens financiers lui permettant de jouer pleinement son rôle de régulateur à travers l’engagement des projets d’études et d’assistance participant ainsi au développement des compétences de ses cadres et la dotant d’outils fiables de décision.

Quant aux moyens juridiques, il est à noter que plusieurs lacunes ont été décelées lors d’une étude critique du cadre juridique et réglementaire de domaine des télécommunications en Tunisie. A titre indicatif nous citons ce qui suit :

La relation entre l’INT et les différentes institutions intervenant dans le secteur, notamment le Conseil de la Concurrence n’est pas claire.

Le code des télécommunications n’a pas prévu des procédures de recours en appel spécifique pour les décisions de l’INT. Cette situation a conduit à l’application des procédures générales de recours en appel devant les tribunaux ordinaires, qui prévoient entre autres la suspension des décisions attaquées en appel conforment au principe : le recours en appel suspend l’exécution de la décision.  L’INT s’est trouvée ainsi dans la difficulté d’exiger l’application de plusieurs de ses décisions mises en cause par les opérateurs à travers un recours en appel devant la  cour d’appel de Tunis.

Le pouvoir de l’INT en matière de sanction reste limité. En effet, le montant de l’amende qui peut être infligée n’est pas dissuasif (1% comme plafond).

L’INT est jusqu’ici une instance dont le président et les membres sont nommés par le ministère, notamment. L’INT s’estime-t-elle pour autant assez indépendante pour poser  un diagnostic, serein et réel, de l’état de la concurrence dans le secteur ?

Durant l’année 2011, le ministère chargé des technologies n’a jamais essayé d’intervenir au niveau des décisions de l’INT, ni au niveau des études lancées par l’instance dans le cadre de ses prérogatives, notamment l’étude sur l’état de la concurrence et l’étude sur les offres de gros dans le secteur télécoms.
Toutefois, il serait important que cette indépendance se confirme d’une manière définitive. Cela pourra impliquer aussi une autre façon de choisir le président et les membres du collège de l’INT.

 L’INT n’est pas la seule à juger la concurrence dans son secteur. Il y a aussi le Conseil de la Concurrence. Qui doit-on croire ?

En effet, l’INT n’est pas dotée d’un pouvoir exclusif en matière de concurrence dans le secteur des télécoms. D’après les textes réglementaires en vigueur, le Conseil de la Concurrence partage avec l’INT  les mêmes prérogatives et compétences. Une situation qui était à l’origine d’une source de conflits des compétences (exemple : les opérateurs peuvent porter une plainte devant l’INT et le conseil sur une même affaire de même objet, le conseil peut s’autosaisir dans des sujets relatifs au domaine des télécoms).  Dans un  domaine régulé tel que les télécoms, il  n’est pas normal de faire intervenir le Conseil de la Concurrence, sinon pourquoi créer une instance spécialisée.

Nous pensons qu’il est raisonnable de permettre aux opérateurs d’avoir un autre recours, au cas où ils ne seraient  pas d’accord avec les décisions de l’INT. Le tribunal administratif pourra jouer ce rôle, et cela doit être précisé au niveau du code des télécoms et de ses textes d’application afin d’éviter cette situation confuse.

Un nouveau code des télécommunications serait en préparation, croit-on savoir. Quelles en seront les priorités ?

Nous avons lancé un appel d’offres afin de choisir un bureau capable de nous proposer un nouveau code des télécoms, en tenant compte des meilleures pratiques internationales.  Mais il revient au ministère des Communications de décider s’il est nécessaire de changer le code des télécom actuel et ses textes d’application.

Les priorités de l’instance sont :

Renforcer et clarifier davantage le rôle du régulateur des télécoms.
Alléger les procédures et faciliter l’investissement dans le secteur, y compris dans le domaine des opérateurs virtuels.

Clarifier les textes qui régissent l’activité FSI (Fournisseur de Services Internet).

Introduire la notion d’Internet Exchange (IXP).

Redéfinir la notion de service universel.

Faciliter le déploiement des services de la VoIP

Renforcer le principe de la neutralité technologique.

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