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Tunisie : Lotfi Zitoun, héros presque martyr, à Dieu ne plaise, de la lutte anti-corruption !

Dans une interview à Express FM, le Conseiller politique du chef du Gouvernement tunisien, appelle à une manifestation de soutien, une première, le 31 août 2012, à la Kasbah. La manifestation était destinée à soutenir le gouvernement de Hammadi Jbali. L’appel avait été lancé au plus fort de l’affaire «Zitoun-Businessnews » et sur fond de l’affaire de Sami Fehri. Cette conjoncture est manifestement indissociable d’une campagne dont les prémices remontent, en effet, à la diffusion du programme des Guignols par la chaîne TV Attounissya, puis le lancement d’un mandat de dépôt Sami Fehri. Bien avant, c’étaient  d’autres ministres qui commençaient  à manifester l’exaspération  du gouvernement et même du chef du Gouvernement, lors de sa réunion avec les médias, des effets des guignols.

La conjoncture est cependant, à notre sens, plus large. Il est vrai que la lutte contre la corruption faisait partie du programme d’Ennahdha, lors des élections d’octobre 2011. Cette campagne avait cependant été quelque peu mise en veilleuse, le gouvernement Jbali étant pris dans la tourmente des difficultés économiques du pays et dans la préparation et la mise en place de la politique de développement régional. Un plan d’action qui devait calmer les esprits et remettre la Tunisie au travail. Le chômage allant crescendo, les programmes d’emploi dans le secteur public prenant du plomb dans l’aile du fait des contestations de tous genres et les programmes d’investissements régionaux étant mis en panne par les régions elles-mêmes, cette stratégie démontre ainsi ses limites et les derniers évènements de Sidi Bouzid le rappellent amèrement aux des gouvernants tunisiens. On se poserait ainsi la question de savoir si le retour à la lutte contre la corruption n’était pas simplement la stratégie de diversion de rechange du gouvernement pour concrétiser enfin une de ses promesses avant les prochaines élections. Lotfi Zitoun le promet en tout cas devant les manifestants de la  Kasbah. «Ennahdha ne quittera pas le pouvoir avant de finir la lutte contre la corruption », dira-t-il en substance.

-Une affaire personnelle tournée en affaire nationale.

Zitoun demandait donc manifestement soutien dans ces deux affaires, et plus largement, dans la campagne anti-corruption dans les rangs des médias, déclenchée depuis l’éclatement de l’affaire des guignols. Une organisation de jeunesse d’Ennahdha qui répond au nom d’Ikbis, répond à l’appel en y mettant la condition de publier la liste noire des journalistes corrompus dans les 24 heures qui suivent ou de s’engager à le faire. Lotfi Zitoun qui parlait alors depuis quelques jours de publier cette liste, donne un premier gage. Il publie, sur sa page Facebook, une première liste de ce qu’il appelle ses ennemis dans les rangs des médias. La manifestation eut ainsi lieu, à La Kasbah. Lotfi Zitoun y faisait figure de proue, un mégaphone rouge à la main, haranguant les foules en les ameutant  contre les médias.

A retenir que cette manifestation qui, plus est, conduite par un membre du gouvernement, était manifestement hors-la loi. En effet, une journée avant la manifestation de La Kasbah, le ministère de l’intérieur que conduit Ali Larayedh, l’avait ainsi qualifiée. On  ne sait pas si depuis, le ministère de l’intérieur avait finalement autorisé cette manifestation. On n’en  retrouvera, cependant, aucune trace sur la page officielle du ministère. Le ministre de l’Intérieur, ses forces de l’ordre, feront, en tout cas, l’objet d’éloges fortement applaudis par la foule présente devant le conseiller politique de Hammadi Jbali. «Notre programme n’est pas nouveau. Mais alors qu’il commence à toucher des secteurs sensibles », dira-t-il sans pouvoir terminer, interrompu par les  «Allahou Akbar» (Dieu est grand). Et d’ajouter que «nous n’intervenons pas dans le secteur indépendant de l’information (…). Nous les appelons à ne pas se mélanger aux corrompus (…). Nous les appelons à rejoindre et à ne donner aucun crédit aux… », … sans terminer toujours interrompus par la foule qui revendique l’épuration du secteur des médias. Lotfi Zitoun ne dira rien, lors de ce meeting populaire illégal, ni aucun mot sur son affaire de Zitouna TV. Cette affaire est déjà jetée aux oubliettes. Il a déjà réussi à renverser la vapeur et mis le secteur de l’information dans l’œil du cyclone de la rage populaire, comme le voulait «Ikbis».

-Zitoun, désormais héros de la lutte anti-corruption.

Porté par son élan, le conseiller politique de Hammadi Jbali qui ne dit mot (et celui qui ne dit mot consent, dit le proverbe !), se déplace alors à Sfax où il choisit justement la place située juste devant la Radio de Sfax. Le choix, manifestement délibéré, lui permet de répéter presque le même discours sur la corruption, les listes noires des médias et de lancer les mêmes appels.

Cette réunion prendra cependant un autre tournant, lorsqu’une «voiture de location, de type Kia roulant à grande vitesse, a foncé, samedi 1er septembre 2011, dans la foule d’environ 2.000 personnes, lors d’une manifestation organisée par le comité local de protection de la révolution à Menzel Chaker (Sfax), présidée par Lotfi Zitoun, causant 2 blessés, selon une déclaration de Mohamed Ali Aroui», précisera un porte-parole de la direction générale de la sûreté nationale. Des journaux de la place iront jusqu’à annoncer une tentative d’assassinat contre Lotfi Zitoun. Le héros de la lutte contre la corruption est ainsi né. Etait-ce prémédité ? Etait-ce fortuit ? La question vaut d’être posée.

Zitoun, pour sa part, accusera, dans une déclaration à Mosaïque Fm, certains médias d’être les instigateurs de cet acte, en ces sens que ces médias accusent le gouvernement de menacer la liberté d’expression. Il a exhorté, dans ce contexte, «les journalistes honnêtes» à appeler à l’arrêt de cette «campagne de dénigrement» et à se distinguer des «journalistes corrompus qui mettent les vies des citoyens et des dirigeants en danger».  Intervenant ensuite sur Express FM, il liera directement ce qui s’est passé devant Radio Sfax, à son intention d’assainir les médias et accuse même Express FM, de participer à ce qui se passe en ouvrant son antenne à tous ceux qui ont donné leur avis sur la question.

Force est, à la fin, de poser quelques questions, auxquels Lotfi Zitoun ne nous répondra certainement jamais. Qu’a fait, réellement, la presse tunisienne, pour que sa liste noire soit prioritaire sur toutes celles des journalistes  qui caftaient à la police politique de Ben Ali ? Qu’a fait la presse locale ce que ne ferait pas toute presse libre et indépendante ? Que devrait faire cette presse pour mériter les éloges du Gouvernement et d’Ennahdha ? Redevenir à ce qu’elle était et pour lequel elle avait été honnie par tout le monde et Ennahdha en particulier lorsqu’elle était en France et en Angleterre ? Lotfi Zitoun jouerait-il cette sérénade de la corruption contre des médias qui ne se mettent pas au pas ? Pourquoi le chef du Gouvernement ne pipe-il pas mot ? A-t-il, lui aussi une dent contre cette presse qui ne le porte pas aux nues, qui ne le déifie pas et n’arrive pas à en faire le sauveur de la Tunisie qu’il se croit être ?

Khaled Boumiza 

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