AccueilLa UNETunisie-Pouvoir local : Des embûches et beaucoup de temps !

Tunisie-Pouvoir local : Des embûches et beaucoup de temps !

Les Tunisiens tiennent désormais leur Code des collectivités locales, pièce maîtresse d’une décentralisation déclinée dans un pouvoir local que tout le monde appelait de ses vœux, et d’abord la Constitution de 2014 qui dans son article 12 dispose que « l’État agit en vue d’assurer la justice sociale, le développement durable et l’équilibre entre les régions, en tenant compte des indicateurs de développement et du principe de l’inégalité compensatrice ».

Cette législation fondatrice d’un pouvoir autrement conçu mais encore d’une démocratie aussi partagée que possible au niveau des régions, surtout de l’arrière-pays, n’a pu être livrée qu’à une dizaine de jours du 6 mai, date de la tenue des élections municipales, les premières, libres et transparentes, que s’offre la Tunisie. Certes, avec ses 402 articles, elle pouvait emprunter quelque chose d’une œuvre « pharaonique », mais en jouant les dilettantes, les députés y ont dressé des obstacles qui auraient pu être enjambés en beaucoup moins de temps. Faudrait-il y voir l’effet d’une volonté délibérée de certains groupes parlementaires de ne pas se désister du pouvoir au profit des édiles municipaux ou même de temporiser avant de s’instruire de l’issue du scrutin avant de décider de l’étendue de la décentralisation ?

Un Code vite             et mal fait !

Elaboré dans l’urgence, le Code se prête forcément à une multitude de « tares rédhibitoires » dont on devra s’apercevoir en chemin et à l’exercice, ce qui ne manquera pas de dicter des changements et des amendements, voire une refonte totale à l’instar de celle à laquelle il est appelé actuellement avec insistance s’agissant de la Constitution et de la loi électorale, faites elles aussi, dans des conditions voisines, voire similaires.

Les lois ne valant que par l’usage qui en est fait, il importera de voir comment ceux qui détiennent désormais le pouvoir local vont devoir l’exercer. Sans qu’il soit question de démembrement de l’Etat, par essence jacobin et tentaculaire étendant la compétence de ses fonctionnaires à tous les échelons géographiques et à tous les domaines de la vie sociale afin de les rendre uniformes, les craintes ne sont pas écartées de voir édiles et échevins céder à la tentation de s’arroger des périmètres qu’ils voudraient totalement autonomes où les expressions et clivages tribaux et communautaristes auront pleinement droit de cité. Une dérive dont on trouve déjà trace dans maintes régions qui disposent de ressources et richesses nationales mais où la propension est souvent forte de vouloir les mobiliser en premier lieu au service des besoins locaux que ce soit en termes de développement ou d’emplois.

C’est le fonds qui manquera le moins

Sur cette perspective, devrait se greffer inéluctablement la difficulté de contrôler l’action des pouvoirs locaux avec des mécanismes qu’il va falloir inventer, sans parler du risque, déjà patent au niveau national, de voir la corruption gangrener encore plus les régions, et les intérêts particuliers ruiner l’intérêt général. Mention doit être faite de la tentation qui habiterait les notables locaux d’avoir la mainmise sur les régions où déjà elles ont pignon sur rue. Sans parler bien sûr des partis politiques qui chercheraient à s’arroger d’autres territoires.

Il y a une autre tare rédhibitoire, elle tient aux moyens financiers dont disposeront les pouvoirs locaux. Alors que le pays racle constamment les fonds de tiroirs, se plaçant par moments à la périphérie de la cessation de paiement, il est inimaginable que les régions ne soient pas vouées aux mêmes gémonies. Le legs que leur laissent les funestes Délégations spéciales, pourtant mises sous la tutelle de l’Etat, sera un handicap central dont on peine à voir comment il sera géré ou liquidé. S’agissant surtout de régions défavorisées et mal loties, comme celles de l’intérieur, le problème sera d’autant plus insurmontable.

Tout cela pour dire que les régions ne sont pas suffisamment outillées pour se prendre en charge elles-mêmes de leur destin. Certes, un pouvoir local tel qu’il doit être normalement et commodément exercé est entreprise longue et éprouvante, mais il doit avoir besoin de décennies pour répondre à la vocation qui est la sienne. Celui préconisé par le Code des collectivités locales est visiblement dans cette configuration et dans cette logique.

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