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« Un million de Tunisiens sous le seuil de pauvreté et la famine touchera Béja et Jendouba », annonce Khalil Zaouia

La pauvreté en Tunisie, la stratégie du ministère des Affaires sociales en matière de lutte contre la pauvreté, ainsi que le modèle brésilien que  la Tunisie souhaite adopter pour faire face à ce fléau ont fait l’objet d’une Interview accordée par Khalil Zaouia, ministre des Affaires sociales à Africanmanager.

Quel est l’état  des lieux de la pauvreté en Tunisie ? Qu’est ce qui a changé réellement après la chute du régime de Ben Ali ?

La pauvreté est un phénomène dissimulé par l’ancien système, puisque les chiffres officiels publiés, en 2005, ont estimé le taux de pauvreté à seulement -2,4%. Mais l’actualisation a montré qu’on a dépassé de loin les 11,5%. Ce chiffre qui est basé sur un regroupement, a montré que plus que 200 000 familles sont prises en charge dans le cadre de l’aide aux familles nécessiteuses, avec une moyenne de 4 personne par famille, donc un million de personnes vivent  déjà sous le seuil de pauvreté extrême puisqu’ils ont besoin d’avoir d’une aide. A cela s’ajoute la précarité, c’est-à-dire le nombre des carnets de soins à tarifs réduits qui sont aux alentours de 470 000 carnets.

En effet, les chiffres officiels de la pauvreté ont été mis sous le boisseau pour des motifs politiques, notamment à des fins de propagande à l’échelle internationale.

Or, la lutte contre la pauvreté est quasiment une urgence, puisque ce phénomène commence à toucher la sécurité alimentaire, au point que certaines régions vivant de  l’agriculture telles que Béja et Jendouba peuvent avoir faim. Ces régions-là rencontreront des difficultés certaines et réelles.

Y a-t-il un programme à mettre en place pour limiter aux moins la propagation de ce fléau ?

Ce qui a existé avant la Révolution, c’étaient  des programmes séparés les uns des autres. Ils sont élaborés  en l’absence d’une vision globale ou d’intégration dans une politique générale. Tous les systèmes, à savoir le fonds 21/21, les mécanismes de l’emploi, les ouvriers des chantiers, l’aide ou familles nécessiteuses ont été utilisés politiquement et ont fait parfois l’objet d’une malversation financière, tels que le fonds 26/26.  Il n’y avait  pas de coordination ou de vision globale d’intégration. On aide les familles nécessiteuses mais elles restaient tout de même dans le besoin. Parce que la prime ou l’indemnité allouée ne suffisent t pas pour vivre correctement. L’essentiel, ce n’est pas de fournir une aide, mais plutôt de permettre à ces familles d’avoir un moyen de subsistance, par exemple un travail rémunéré. Or, sur ce plan-là, aucune vision n’était présente.

Plusieurs catégories de personnes ont été en effet victimes de ces fonds ; citons, à titre d’exemple, les handicapés qui sont jusqu’aujourd’hui marginalisés. Ainsi, les femmes sont les plus touchées par la pauvreté et le chômage. Deux chômeurs sur 3 sont des femmes aujourd’hui.

Quels sont les objectifs fixés par le ministère ?

L’objectif aujourd’hui est de construire une vision globale qui ne concerne pas seulement le ministère des Affaires sociales, mais aussi les autres ministères tels que celui de l’Emploi. Il s’agit aussi d’établir un système intégrant tous les programmes sociaux, touchant même  la caisse de compensation qui est en train d’accorder des subventions qui bénéficient aux groupes sociaux les plus aisés puisqu’ils sont les plus gros consommateurs. On est en train de soutenir les gens les plus aisés sans cibler la précarité et la pauvreté.

Quel est le budget conçu  pour atteindre ses objectifs ?

Un effort budgétaire énorme a été alloué pour ces fins. L’enveloppe des transferts sociaux de l’Etat tunisien pour l’année 2012 a été fixée à 3500 millions de dinars, soit le tiers du budget de l’Etat. Ce qui n’est pas négligeable. Toutefois, sur le terrain il n’ya pas vraiment une efficacité perçue. On aide toujours les gens, et ces derniers restent encore dans la précarité et les taux de chômage restent les mêmes.

D’où la nécessité d’avoir une vision claire et de réorienter cette aide et les objectifs d’intégration sociale vers les personnes les plus touchés par la pauvreté. Cette vision doit être basée sur un système d’information plus efficace et plus ouvert pour la gestion des données à toutes les données de l’ensemble du système.

La Tunisie veut imiter le modèle brésilien en matière de lutte contre la pauvreté ? Pourquoi ce choix ?

Le modèle brésilien est précurseur en la matière. C’est l’un des premiers modèles au monde qui ont montré leur efficacité en termes de lutte contre la pauvreté. En effet, le système brésilien gère plus de 50 millions de personnes et 13,5 millions de familles pauvres. C’est un programme très large. Les Brésiliens ont eu recours à des mécanismes et un appareil de gestion qui est totalement décentralisé. Les 50 millions de personnes sont réparties sur environ 15 Etat fédérés dans ce pays.

Le modèle brésilien est basé sur un système intégré et centralisé avec des modalités d’informations intégrant tous les transferts sociaux. L’idée principale de ce système est de ne pas donner une aide mais plutôt un soutien financier en contrepartie d’une activité. C’est une aide conditionnelle qui vise à intégrer socialement cette population.

Quel taux de chômage prévu ?

Aujourd’hui, on est dans une période de transition politique. Plus encore, aucun parti politique du gouvernement n’a présenté un programme en la matière, sur quelques années. Mais, nous nous attendons à ce que la pauvreté baisse autour de 4%. C’est un objectif à moyen terme. Toutefois, 4 besoins fondamentaux devraient être satisfaits par l’Etat, à savoir le droit à la santé, à ne pas avoir faim, au logement et le droit à un emploi. Ce sont les ressorts et les responsabilités de l’Etat, et c’est notre programme à court terme.

Pensez-Vous que la hausse des prix des carburants pourrait pénaliser le pouvoir d’achat des familles pauvres ?

Pour les pauvres, la hausse des prix des carburants a moins d’impact, parce qu’ils n’ont pas de voitures. Par contre, cela va avoir des répercussions sur le coût des produits finis qui se vendent. Mais nous ne pensons pas que cette hausse doive avoir des répercussions plus ou moins importantes.

On a été obligé d’augmenter les prix des carburants parce qu’il n’y avait pas d’autres solutions. Si non on continue à prélever  et  encore de l’argent du budget de l’Etat de la caisse de compensation, on reviendra au système qui favorise les plus riches. Aujourd’hui, on est en train de récompenser l’essence  au profit de la classe moyenne mais aussi des catégories les plus riches qui consomment plus d’essence que la classe moyenne.

Donc cette vision doit changerafin de ne pas favoriser les plus riches. Il faut cibler l’aide sociale et la compensation.

Khadija Taboubi

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