La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est souvent définie en termes dualistes dans le discours politique mondial : États riches en pétrole ou touchés par des conflits. Cette tendance occulte une réalité essentielle, à savoir que la région MENA est l’une des régions les plus diversifiées au monde sur le plan économique. Cependant, le fait de considérer la région à travers un prisme tronqué fausse la compréhension de ses défis économiques et conduit à des recommandations politiques erronées qui ne tiennent pas compte de cette hétérogénéité interne. Pour dépasser ce cadre myope, le besoin s’est fait sentir de cartographier le type d’économies de la région en proposant une classification en quatre parties des économies de la région MENA sur la base des niveaux de revenus et de la situation de conflit. L’ORF (Observer Research Foundation) s’y est livrée avec la typologie que voici : (A) économies à revenu élevé, (B) économies à revenu moyen, (C) économies à revenu moyen touchées par un conflit, (D) économies à faible revenu touchées par un conflit – fournit une base plus précise pour comparer les trajectoires et les perspectives de développement dans la région.
Plus particulièrement, et sur le registre qui concerne la Tunisie, les économies à revenu intermédiaire de la région MENA – Algérie, Iran, Jordanie, Égypte, Tunisie, Maroc et Djibouti – représentent des pays divers qui empruntent des voies complexes vers le développement sous l’effet de pressions structurelles et géopolitiques. Ce groupe se caractérise par un RNB moyen par habitant de 4 123 USD et un écart-type relativement faible de 557 USD. La plupart des pays sont regroupés vers l’extrémité inférieure du seuil de revenu, ce qui reflète une contrainte commune en matière de mobilisation des ressources. Bien que toutes ces économies soient fortement axées sur les services, il existe des différences notables. L’Iran et l’Algérie sont des pays producteurs d’hydrocarbures, et 85 % du produit intérieur brut (PIB) de Djibouti provient de services tels que les ports et la logistique. L’Égypte, le Maroc, la Jordanie et la Tunisie ont des économies relativement diversifiées, mêlant services, industrie manufacturière et ressources naturelles, telles que les phosphates, en particulier en Tunisie et en Jordanie.
Accès à des corridors stratégiques
Ces économies ont en commun une main-d’œuvre jeune et l’accès à des corridors commerciaux stratégiques, notamment le canal de Suez pour l’Égypte, la mer Rouge et le golfe d’Aden pour Djibouti, et l’accès à la Méditerranée pour la Tunisie et l’Algérie. Pourtant, les défis communs sont importants. Les marchés du travail informels dominent l’emploi, sapant les recettes fiscales et les systèmes de protection sociale. Le chômage des jeunes est très répandu, avec 76,3 % de la population active jeune à Djibouti sans emploi.
Les institutions politiques sont confrontées à des problèmes de légitimité en raison des cycles répétés de protestation, du blocage des réformes et de l’augmentation de l’inflation. En conséquence, les économies à revenu intermédiaire de la région MENA sont prises dans un goulot d’étranglement en matière de développement. Leur mobilité ascendante dépend de la croissance de l’emploi par la modernisation de la gouvernance et l’attraction d’investissements soutenus.
Le recadrage des économies de la région MENA au-delà du schéma binaire des pays riches en pétrole et des pays en proie à des conflits, révèle une diversité économique frappante. Cette classification offre une base plus claire pour l’élaboration de politiques adaptées et un engagement international plus efficace. Elle met également en évidence la nécessité d’investissements plus ciblés et d’une aide plus intelligente. La reconnaissance de cette complexité interne est essentielle pour concevoir des stratégies efficaces et réactives pour les différentes voies de développement de la région.