AccueilLa UNETunisie-Santé : L’activité privée complémentaire, un moindre mal!!!

Tunisie-Santé : L’activité privée complémentaire, un moindre mal!!!

L’activité privée complémentaire (APC) est une activée privée permise pour les professeurs hospitalo-universitaires travaillant dans les hôpitaux publics et organisée par le décret de 1995. Selon ce décret, les professeurs agrégés ayant justifié 5 ans d’ancienneté peuvent exercer 2 après midi par semaine une activité privée, les consultations se font obligatoirement dans les hôpitaux publics, en revanche les actes chirurgicaux se font dans les cliniques privées. Cette activité a été récemment le sujet de controverses dans le corps médical suite à l’intervention du secrétaire général du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), le Dr Nazih Zghal,  sur les ondes d’une chaine radio critiquant les abus de certains médecins dans le cadre de cette activité et appelant la tutelle à revoir les clauses de cette activité.

L’APC : Une ancienne tradition

Les médecins tunisiens – à l’instar de leurs collègues en France – ont souvent exercé de façon concomitante dans le secteur public et dans le secteur libéral. Ce mode d’exercice s’appelait  à l’époque le plein temps aménagé. Avec l’arrivée de Ben Ali au pouvoir et face aux critiques que suscitaient cette activité, le professeur Saadeddine Zmerli, à l’époque ministre de la Santé publique et sous l’impulsion de Ben Ali, a aboli ce système et a exigé des médecins de choisir entre le secteur public et le secteur libéral. Il s’est ensuit un départ massif de plusieurs professeurs hospitalo-universitaires vers le secteur libéral. Mais la « prohibition » n’était que temporaire. Car 6 ans après et après d’âpres tractations, il a été instauré en 1995 un nouveau mode d’exercice médical  original et inédit qui est l’activité privée complémentaire (APC). Pour restreindre au maximum les possibilités d’exercice en dehors de l’hôpital, le salaire des médecins pratiquant l’APC a été amputé de la moitié !!! C’est pour cela que seulement un nombre limité des professeurs (autour de 1 à 2%) et particulièrement des spécialités chirurgicales ont adhéré à ce mode d’activité.

Il faut attendre 2006 pour que le ministre de la Santé de l’époque, le Docteur Ridha Kchrid et suite à de multiples réclamations, constituât  une commission multipartite (dont je faisais partie en tant que représentant du syndicat) et engageât  une réflexion sur l’APC qui a duré quelques mois. Cette réflexion a abouti au maintien de ce mode d’exercice, à une définition plus précise de ses modalités et surtout à l’élargissement de ce mode puisque le salaire n’est plus amputé que de presque 10%  (au lieu de 50% dans la formule de  1995). Ces nouvelles modalités ont encouragé les hospitalo-universitaires et notamment les spécialités médicales à adhérer à ce mode d’exercice. Actuellement, environ 200 médecins hospitalo-universitaires pratiquent l’APC, soit 10%. L’amputation du salaire est actuellement autour de 25.

Les gardiens du temple

L’objectif principal de l’APC, selon ses concepteurs, est d’encourager les professeurs hospitalo-universitaires à rester dans l’hôpital public et se consacrer davantage aux soins des patients et à la formation des étudiants et l’encadrement des futurs médecins. Car depuis la fin des années 90, nous avons observé un essor considérable du secteur médical libéral en Tunisie avec l’éclosion de nombreuses cliniques privées. La réforme de la CNAM a donné un coup de fouet à cet essor en permettent aux patients de se faire traiter dans une clinique privée aux frais de la CNAM, surtout en cardiologie et chirurgie cardio-vasculaire. Ainsi nous avons assisté à un appel d’air et à un engouement de la part des médecins pour quitter le secteur public et rejoindre le secteur libéral où le gain est plus important et n’a rien à avoir avec les petits salaires du public, et où les conditions de travail sont nettement meilleures.

En effet, les médecins hospitalo-universitaires assument un rôle important dans les soins des patients provenant des couches les plus démunies (80% des hospitalisations sont assurées par le secteur public), dans le transfert de la technologie médicale moderne et la réalisation de soins médicaux de haut niveau. Par ailleurs, la formation médicale assurée dans les hôpitaux publics constitue un enjeu stratégique important pour notre pays. Et ce n’est pas par hasard si les médecins tunisiens ont une bonne formation reconnue à travers le monde, ils font les beaux jours des meilleurs hôpitaux français et sont très respectés et sollicités dans les pays du golfe.

Si on souhaite que l’hôpital publique garde son statut de locomotive de santé publique et que la formation médicale garde son niveau bien apprécié, et pourquoi pas l’améliorer, il faut continuer à encourager inlassablement la médecine hospitalo-universitaire. L’augmentation salariale et l’amélioration des conditions de travail sont certes les meilleurs moyens. L’APC qui ne concerne que 20% du corps hospitalo-universitaires constitue à notre avis un moyen, malgré ses limites, pour  les encourager à rester dans l’hôpital public et continuer à assumer leur rôle avant-gardiste et de gardiens du temple.

Des reproches justifiés

Pour plusieurs citoyens, l’APC peut détourner les médecins hospitalo-universitaires de leurs tâches nobles représentées par les soins prodigués aux malades, la formation et l’encadrement des futurs médecins. Pour d’autres, ce mode d’activité peut créer une sorte de ségrégation entre les patients soignés en privé qui sont examinés par des professeurs et les autres patients qui sont examinés par des médecins débutants.

Les médecins libéraux sont foncièrement contre ce mode d’exercice. Le syndicat des médecins libéraux a publié un communiqué condamnant ce mode d’exercice et explicitant ses aspects négatifs. Le syndicat considère que c’est de la concurrence déloyale et pointe du doigt les dépassements et les abus, particulièrement l’activité libérale de certains confrères  en dehors des horaires réglementaires.

Les abus et le dépassement dans le cadre de l’APC sont une réalité mais nullement une fatalité. Le ministère de la Santé est accusé de laxisme et de complaisance vis-à-vis des abus. Il est impératif d’appliquer la loi de façon rigoureuse et de sanctionner les abus et les dépassements. Les cliniques privées impliquées et engagées de par la loi doivent assumer leurs responsabilités et interdire les pratiques irrégulières.

En réalité il n’y a pas de remède miracle ou de solution parfaite pour résoudre cette équation : encourager les médecins hospitalo-universitaires à rester dans l’hôpital dans les conditions actuelles de l’hôpital et des finances publiques. L’APC en est une petite solution, à condition de respecter ses clauses. La politique n’est en fin de compte que l’art du possible !!!!

Dr Abdelmajid Mselmi

Chirurgien libéral et ancien syndicaliste

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