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Tunisie : Les forces de sécurité sont infiltrées. Comment et par qui ?

Le site électronique Akher Khabar avait rapporté le 27 Juin que le ministère tunisien de la Défense avait révoqué quatre soldats accusés d’extrémisme religieux, affirmant qu’il avait  « obtenu les documents sur leur révocation par le tribunal administratif. »

Ce  n’est pas la première fois que des fonctionnaires des institutions  militaire et  sécuritaire en Tunisie ont été renvoyés pour des accusations d’extrémisme religieux et de connivence avec les organisations djihadistes actifs dans le pays, note  à ce propos le site « Al-Monitor ». Il rappelle qu’en  septembre 2015, le ministère  tunisien de l’Intérieur en avait fait autant pour 110 membres de l’appareil de la sécurité soupçonnés d’avoir des liens avec des organisations terroristes. Le ministère avait  affirmé que les suspects étaient affiliés à «divers corps, y compris la police, la Garde nationale, l’armée et la Douane. »

L’inspecteur général de la sûreté nationale, Taoufik Bouaoun,  l’a confirmé dans une interview à une station de radio locale,  le 14 septembre 2015, en soulignant que « cinq ou six de ces [suspects] ont été déférés en justice pour leur collaboration directe avec les réseaux de contrebande ou certains terroristes. », ajoutant que certains des suspects « ont révélé aux terroristes des informations sur les   patrouilles et les positions des [forces de sécurité ] moyennant des pots-de-vin. »

L’annonce du ministère de l’Intérieur a  mis fin à la controverse de savoir si les djihadistes avaient effectivement infiltré l’institution sécuritaire tunisienne. La confrontation avec ces groupes avait commencé en 2012, alors que le mouvement islamiste Ennahdha était au pouvoir.

Néanmoins, l’institution militaire semble plus discrète en ce qui concerne l’infiltration de l’Armée par des extrémistes. En juillet 2015, 33 jeunes ont été portés disparus de Remada, une ville de l’extrême Sud du pays, dont trois soldats, dont un  pilote de l’armée de l’air. Suite au  raid américain sur  Sabratha en Libye, les jeunes ont été retrouvés dans un camp de Daech.

La Sécurité davantage que l’Armée

Les organisations djihadistes ont axé  leurs efforts sur l’infiltration des forces de sécurité plutôt que sur l’armée, eu égard aux  importantes missions de lutte contre le terrorisme confiées à ces forces. En outre, les modes d’infiltration varient en fonction de la nature des objectifs de ces organisations.

Certains groupes  djihadistes, par exemple, sont impliqués dans le recrutement d’agents de la sécurité à la frontière pour faciliter le passage  dans les deux  sens  de leurs membres en Libye, comme ce fut le cas pour avec le chef d’Ansar al-Charia Seif Abdullah bin Hussein (Abou Ayad). En mai 2014, les autorités tunisiennes ont arrêté un  garde-frontière pour avoir aidé  Abou Ayad à gagner la Libye.

Les organisations djihadistes jettent  également leur dévolu sur les membres de la sécurité qu’elles recrutent pour se faire communiquer des rapports sur les enquêtes contre les leurs, détenus en prison, comme cela est arrivé en 2013, lorsque les rapports de l’enquête sur l’assassinat de  Chokri Belaid et Mohamed Brahmi ont été éventés. Le procureur général en Tunisie avait alors  ouvert une enquête à l’époque, après que les procès-verbaux de l’enquête sont tombés dans les mains d’Ansar al-Charia.

Selon Bouaoun, ces organisations utilisent également les membres de la sécurité  pour les informer des mouvements des forces de sécurité et des patrouilles de police ainsi que de leurs positions lors des opérations contre les organisations  djihadistes.

Les méthodes utilisées par les organisations djihadistes pour recruter des soldats et des policiers incluent la radicalisation idéologique, la corruption et les liens de parenté.

Les infiltrations ont été révélées suite à la chute de Zine El Abidine Ben Ali en 2011, alors que le mouvement salafiste djihadiste proliférait à travers tout le pays. Dans ce contexte, Bouaoun  a affirmé que «  les nominations au sein de l’appareil de sécurité  après la chute de Ben Ali, de 2011 à  2013,  n’étaient pas  conformes aux réglementations relatives à la sécurité et ceux qui ont été nommés ne faisaient pas l’objet d’une enquête sur leurs antécédents aux niveaux judiciaire, pénal et politique », ajoutant que «  ceux qui ont été révoqués étaient peu formés pour leurs missions au sein de l’institution sécuritaire et peu  immunisés contre la radicalisation idéologique. »

Auto-réforme

En 2011, les corps relevant du  ministère de l’Intérieur ont fait l’objet d’une restructuration aux termes de laquelle a été dissous l’appareil du renseignement et révoqués un certain nombre de responsables de la sécurité ayant une vaste expérience dans la lutte contre le terrorisme, dans le cadre de la chasse aux  symboles de l’ancien régime.

Un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, parlant à Al-Monitor sous le couvert de l’anonymat, a déclaré que «  depuis fin 2015, nous avons révisé les critères des nominations au sein de l’appareil de la sécurité, devenus strictes, et décidées suite à des  enquêtes et des contrôles nécessaires préalables à toute  nomination aux postes sécuritaires. « 

Il a ajouté que «  de telles infiltrations ont toujours eu lieu à l’échelle mondiale. Il existe au sein de l’institution sécuritaire tunisienne un système d’auto-réforme qui permet de se passer des services de ceux  qui ne respectent  pas les règlements internes ou dont il a été prouvé qu’ils ont des liens avec l’extrémisme, la contrebande ou les réseaux criminels. Les structures de réglementation au sein de l’institution  sécuritaire sont celles qui assurent le suivi de la  question et prennent  toutes les sanctions requises contre les contrevenants, en commençant par un avertissement suivi de la révocation et de l’emprisonnement. »

Historiquement, les services de sécurité et l’Armée en  Tunisie n’ont pas été à l’abri des tentatives d’infiltration par des groupes islamistes. En décembre 1987, les autorités ont démantelé un groupe affilié au mouvement Tendance islamique, devenu plus tard le mouvement Ennahda, actif au sein des institutions militaire et sécuritaire. Le groupe avait fomenté  un coup d’Etat militaire pour renverser Habib Bourguiba, mais Ben Ali est arrivé au pouvoir. Moncef Ben Salem, le défunt dirigeant à Ennahda, a révélé en 2003 le plan du coup d’État et l’infiltration de l’institution militaire.

Après la chute du régime de Ben Ali et l’avènement d’Ennahda, plusieurs sources ont indiqué que le mouvement avait tenté de mettre la main sur le ministère de l’Intérieur et d’infiltrer les forces de  sécurité.

Dans le monde arabe, divers mouvements islamistes ont réussi à infiltrer l’armée, dont certains ont accédé au pouvoir. En Egypte, par exemple, une cellule djihadiste au sein de l’armée a réussi à assassiner le président Anouar el-Sadate en 1981. En 1989, le Front national islamique soudanais, dirigé par Hassan al-Turabi et l’officier de l’armée Omar al-Bashir, a renversé le gouvernement de Sadok al-Mahdi élu démocratiquement.

Les forces de sécurité tunisiennes continuent d’être engagées dans la guerre du renseignement contre les groupes djihadistes. La partie qui est en mesure d’infiltrer avec succès son adversaire et obtenir des informations le concernant et sur ses mouvements pourrait gagner la bataille. La question de l’infiltration du renseignement a également relancé le débat sur  réforme des institutions de sécurité en fonction des changements politiques du pays intervenus après le départ de Ben Ali. Depuis que la réforme a commencé, sa cadence a été très lente.

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