AccueilLa UNETunisie-Chedly Ayari : Cassandre ou sérieux lanceur d’alerte ?

Tunisie-Chedly Ayari : Cassandre ou sérieux lanceur d’alerte ?

«L’année 2015 aura été pour l’économie tunisienne, à bien des égards, une année difficile, dans un contexte global largement défavorable», disait Chedly Ayari dans la présentation du rapport de la BCT pour l’exercice 2015. L’alerte cède  cependant vite le pas, chez un Gouverneur de la BCT résolument optimiste malgré le tableau noir qu’il y a brossé, à l’optimisme lorsqu’il se fait fort de «constater que l’économie tunisienne a réussi à préserver un degré de résilience à même de résister à tant de facteurs déstabilisants, réalisant une croissance positive, et même bien au-delà des prévisions qui tablaient, en majorité, sur une stagnation, voire une récession».

  • Une liste de performances de 193 mots

La liste des «performances» de l’économie tunisienne en 2015, ne dépassant pas les 193 mots, le Gouverneur retrouve ses vrais réflexes d’économiste alerte, même au risque de passer pour un Cassandre, pour attirer l’attention «sur le fait que ce potentiel et cette résilience, largement entamés tout au long de la période transitoire, risquent d’être encore plus fragilisés à court terme au regard des menaces qui pèsent sur la croissance économique et les équilibres financiers, notamment celui du secteur extérieur dont les statistiques disponibles depuis le début de l’année en cours reflètent des risques réels de dérapages porteurs de menaces sur les réserves en devises et la stabilité du taux de change du dinar». Il ne se prive pas, non plus, de rappeler à ceux qui lui opposeraient les quelques petites réussites de l’économie tunisienne que, «l’amélioration, relative, des indicateurs macroéconomiques, a bénéficié de la baisse sensible des prix du pétrole sur le marché international et a été appuyée par la mobilisation de ressources financières extérieures conséquentes ».Et de rappeler, en appui à ce clin d’œil que sans ces ressources extérieures, «la situation de la liquidité de l’économie aurait été sérieusement menacée». Et Chedly Ayari de conclure que «la détérioration des équilibres fondamentaux et son corollaire la hausse accélérée du recours aux financements extérieurs [qui se sont traduits par une ] hausse de 13 points de pourcentage du PIB de la dette publique et de 12 points de la dette extérieure en cinq ans et consacrés, en partie, aux dépenses courantes du budget, traduit la dérive d’une société qui vit largement au-dessus de ses moyens, et dont le train de vie insoutenable, dérogeant à toute logique économique, ne saurait être maintenu plus longtemps». La phrase est longue et détaillée, mais elle est à l’image des dangers réels que dépeint le gardien du temple des finances tunisiennes et le premier responsable de l’autorité de régulation financière.

  • Redonner à l’économie ses capacités de rétablissement

Chedly Ayari passe ensuite aux remèdes qu’il propose. D’abord, «redonner à l’économie ses pleines capacités de rétablissement sur le chemin d’une croissance forte, soutenue et inclusive, à même de relever le défi de la lutte contre le chômage, par l’assainissement du climat des affaires et la levée des obstacles et freins structurels à la reprise de l’investissement, ce qui requiert le renforcement et l’accélération du programme, en cours, des réformes fondamentales adoptées par les autorités et soutenues par les partenaires financiers internationaux de la Tunisie».

Selon le Gouverneur de la BCT, «l’action des autorités doit être focalisée sur la consolidation de la stabilité macroéconomique, la mise à niveau de la qualité des services rendus par l’administration et les institutions publiques, l’instauration d’une meilleure discipline budgétaire et la poursuite de la réforme du secteur bancaire pour renforcer la fonction d’intermédiation financière».

Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même en matière de communication autour du boulot fait par sa BCT, Ayari rappelle la «panoplie de mesures ciblées axées sur la modernisation du cadre analytique et opérationnel de la politique monétaire en vue d’en promouvoir la transmission à l’économie réelle et l’ancrage des anticipations des agents économiques, le renforcement des assises financières et de la gouvernance des banques, notamment publiques, et la supervision bancaire basée sur les risques (…), la règlementation des changes [qui] a été profondément revue dans le sens de plus de libéralisation, appuyée par une politique de change plus flexible, avec comme objectif ultime, la convertibilité totale du dinar, une fois réunis les prérequis nécessaires», dit-il avec en mesurant bien ses mots à la fin.

  • Tout cela n’est rien sans la Com, point faible d’Essid

Conscient des enjeux, politiciens aussi, de ce qu’il propose, Chedly Ayari appelle «les autorités publiques à œuvrer de manière pragmatique et concertée avec les différentes parties prenantes à asseoir une démarche consensuelle ayant pour objectifs de dégager une marge de manœuvre budgétaire et extérieure». Et c’est là qu’il est le plus clair, lorsqu’il met l’accent sur «l’optimisation des recettes et une meilleure allocation des dépenses, promouvoir l’attractivité du pays pour les investissements étrangers nécessaires pour combler ses besoins de financements, mettre en place les structures et mécanismes idoines de gestion active de la dette publique, contenir les vulnérabilités du secteur financier et réduire les rigidités structurelles du marché du travail, consolider la transparence et la lutte contre la corruption, tout en doublant d’effort afin de circonscrire l’économie informelle et l’intégrer de manière efficace au circuit organisé».

Le mot de Chedly Ayari en présentation du rapport BCT 2015, met encore le doigt sur la plaie, après avoir ressenti à juste titre une «incompréhension probable de l’opinion publique et des partenaires sociaux face aux exigences de la discipline budgétaire et aux réformes », sur la nécessaire «adoption d’une politique de communication cohérente et efficace, essentielle au succès de l’action publique pour assurer la conviction des citoyens et de toutes les parties prenantes du bien-fondé et de la nécessité desdites réformes et, à terme, de leurs dividendes». Et c’est précisément là le point faible et le vrai talon d’Achille du gouvernement Habib Essid et du chef du gouvernement lui-même en premier lieu.

 

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