AccueilLa UNETunisie : Les doigts dans le nez !

Tunisie : Les doigts dans le nez !

Après plus de six heures d’un débat, tantôt enflammé, tantôt hors sujet, et 52 interventions de députés, l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) a fini par donner son accord à la nomination de Hichem Fourati au poste de nouveau ministre de l’Intérieur (MI) en remplacement de Lotfi Brahem.

La plénière avait été retardée de plus de 2 heures pour cause de tractations de dernière minute. Il se raconte que Hafedh Caïed Essebssi serait venu sermonner les députés de son parti et menacer de mettre la clé sous la porte si les députés de Nida Tounes votaient en faveur du candidat de Youssef Chahed. Ces derniers tiendront réunion et se soustrairont à ses directives. Le passage en force du nouveau ministre de l’intérieur ne requérait pas plus de 109 voix, ce seront 148 députés qui donneront leurs suffrages à Hichem Fourati. On aurait pourtant cru, à entendre la députée Samah Bouhaouala qui avait ouvert le «bal des vampires» avides de «bouffer du Chahed» lorsqu’elle lui disait en face que «je n’ai pas confiance en vous pour vous l’accorder», que le vote sera à tout le moins serré. Il n’en fut rien. Rien que 20 députés avaient pris le risque de défier le MI.

  • Youssef s’était bien préparé pour le purgatoire

Seul avec son candidat et son chef de cabinet face à 186 députés de tous bords, Youssef Chahed cadrait maîtrisait ainsi le débat. Nul doute que l’absence du reste de ses ministres, signifiait son refus d’une séance de vote de confiance à l’ensemble du gouvernement.

Médiatiquement, tout avait été arrangé pour faire passer le mot d’ordre qu’il s’agissait juste de pourvoir à la vacance du poste après le départ de Lotfi Brahem, et Youssef Chahed tenait à le faire savoir au travers d’une présence réduite à sa simple expression au «banc des accusés». Certains députés ont exercé des pressions jumelées à une campagne de lobbying forcée jusqu’à heure tardive du vendredi 28 juillet 2018. L’importance du ministère, la délicate conjoncture de la relève et le risque de déstabiliser tout l’appareil sécuritaire par un vote négatif à Fourati, avaient fini par peser sur les consciences et faire pencher la balance en faveur du candidat de Chahed.

Le chef du gouvernement avait ample conscience du risque que la plénière de l’ARP ne se retourne contre lui et ne se transforme en véritable procès de son mandat. Le choix d’un mini-remaniement après la démission de Mehdi Ben Gharbia, n’était certainement pas fortuit. C’était, en miniature, le remaniement avec passage par la case ARP qu’attendaient tous ses ennemis, à l’intérieur comme à l’extérieur de Nidaa Tounes. Cela le dispensait, au moins pour un temps, de solliciter un vote de confiance et cela s’accordait parfaitement avec sa stratégie de gain de temps. Un temps précieux pour la Tunisie avec la prochaine arrivée en août d’une nouvelle équipe du FMI pour débloquer la 4ème tranche du prêt et l’approche des échéances du budget et de la loi de finance 2019.

  • Bonne gestion du timing et de la manière et même un «Plan B»

Le choix du timing de ce vote de confiance n’est pas non plus fortuit. Le passage par l’ARP s’est fait à l’avant-veille des vacances parlementaires et cadrait très bien avec sa stratégie de gain de temps. Chahed serait même allé jusqu’à échafauder un «plan B» qui consisterait, selon nos informations, à s’adjoindre lui-même le portefeuille de l’intérieur, en plus de la présidence du gouvernement. Et manifestement, Youssef Chahed qui apprend vite, a bien su gérer tout cela.

Un fait indéniable est que le chef du gouvernement aura finalement su gérer le stress des attaques frontales de certains députés, dont la plus virulente aura été celle de Fadhel Ben Omrane, bras droit de Hafedh Caïed Essebssi, lorsqu’il se retrouve obligé d’accuser publiquement le coup de la révolte d’une majorité du groupe parlementaire de Nidaa Tounes contre la volonté du fils du chef de l’Etat qui escomptait faire tomber son rival en recalant son candidat au MI devant l’ARP.

Impassible face aux acerbes critiques sur son mandat, détaché par rapport aux diverses tentatives de certains députés de transmuer la plénière en un vote de confiance à sa propre personne, Youssef Chahed répondait aux questions qu’il voulait et bottait en touche lorsqu’il le voulait (le cas des questions sur les raisons du limogeage de Lotfi Brahem), mettant toujours en exergue les indices d’amélioration de la situation macroéconomique, malgré une perception microéconomique négative par la population.

  • Un combat de coqs et une issue en mondovision

L’autre fait indéniable qui ressort de la plénière du samedi 28 juillet, est que Youssef Chahed aura réussi deux choses. D’abord rendre publique, à la manière d’une affaire qu’on internationaliserait, la crise politique que vit tout le pays à travers celle qui agitait Nidaa Tounes. La guerre entre les deux têtes de l’Exécutif n’est désormais plus larvée et ses coups ne sont plus bas. Ses faits et gestes se font désormais en plein jour, au vu et au su de tout le monde. Une guerre qui en deviendrait presque sainte, au profit du chef du gouvernement, tant elle prend chaque jour un peu plus les allures d’une lutte contre un phénomène qui ne laisse aucun ami de la Tunisie insensible. Une lutte, politique et même démocratiquement soutenable, contre l’héritage.

Youssef Chahed aura ensuite réussi, à travers le vote de confiance au MI, à médiatiser sa victoire contre le fils du chef de l’Etat, et à lui donner une résonance plus forte qu’à travers le meilleur des shows télévisés. Samedi 28 juillet 2018, Youssef Chahed battait ainsi son principal ennemi politique Hafedh Caïed Essebsi qui lui offrait sur un plateau d’argent , sans le vouloir, le vote de confiance que Chahed évitait de revendiquer lui-même. Au final, c’était comme les doigts dans le nez. Peut-être aussi par ignorance et idiotie de son adversaire !

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -