AccueilLa UNETunisie : Apprenti-politicien deviendra Maître !

Tunisie : Apprenti-politicien deviendra Maître !

Illustre inconnu politique avant la révolution de 2011, Youssef Chahed était pourtant l’un des membres fondateurs, en avril 2012, du parti Al Joumhouri dont il ne gardera qu’Iyed Dahmani. Il adhère ensuite à Nidaa Tounes, en tant que membre du bureau exécutif et n’y sera jamais le bienvenu depuis le congrès de Sousse.

Le 6 février 2015, il est nommé secrétaire d’État chargé de la Pêche, dans le gouvernement Essid. Presqu’une année après, à la faveur d’un remaniement du même gouvernement, il devient en janvier 2016, ministre des Affaires locales. A ce poste et bien avant les élections municipales, il présentait déjà un projet de généralisation des municipalités, qui prévoyait la création de 61 nouvelles municipalités.

Le 1er août, il est proposé par le président Béji Caïd Essebssi pour succéder à Habib Essid à la tête d’un gouvernement d’union nationale. Vingt jours plus tard, il forme son gouvernement et le 26 août au soir, l’ARP lui accorde sa confiance avec 167 voix pour, 22 contre et cinq abstentions, sur 194 députés présents, devenant ainsi le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire moderne de la Tunisie. Une sorte de Trudeau à la tunisienne, estimait-on alors, avant que ses ennemis ne commencent à avoir peur qu’il ne se prenne carrément pour un Macron. A la fin de sa dernière visite en Tunisie, ce dernier lui aurait tapoté sur l’épaule en lui glissant un «je veux que tu réussisses». Il n’y aurait manifestement pas que Chahed qui ait entendu ces mots.

En août 2017 déjà, lors d’une émission télévisée, le président du parti islamiste tunisien Rached Ghannouchi annonce qu’il ne souhaite pas que Chahed se porte candidat à l’élection présidentielle de 2019. La peur d’un Chahed président n’est cependant pas uniquement celle d’Ennahdha. Nida Tounes et son secrétaire exécutif et fils de son fondateur, l’ont aussi.

  • Chahed et l’amer apprentissage de la politique

Août 2016, c’était en fait un chef de gouvernement, presque néophyte en politique, qui prenait alors les rênes d’un pays devenu pratiquement ingouvernable, dans un système de gouvernance où personne n’avait toutes latitudes de gouverner et tout le monde pouvait aussi le faire. Le tout, dans une sorte de «je te tiens par la barbichette…», entre un chef d’Etat aux pouvoirs constitutionnellement limités, un chef de gouvernement balisé et bridé par le document de Carthage 1, et une ARP qui considère le chef de gouvernement comme son supplétif de service. Une ARP capable de passer à la casse des projets de loi pour des crédits BAD (190 MDT remboursables sur 19 ans dont 7 années de grâce et un taux d’intérêt des plus faibles), ou d’en reporter un autre (71 M€ pour le projet de la Tunisie Numérique), car présentés par des ministres d’Ennahdha.

Poussé, comme un apprenti nageur dans la mer houleuse des 290 partis politiques, Youssef Chahed avait passé sa première année à essayer d’éviter les écueils de chacun, à gérer les crises et les crisettes, d’El Kamour à Kerkennah, entre celles provoquées par les déboutés des législatives de 2014 et celles des partis amis et alliés et entre sociales et politico-sociales.

Entouré de Conseillers qui sont loin de faire l’unanimité ou même simplement d’être aimés ou même encore d’avoir les compétences politiques et politiciennes, Chahed ne réussissait pas toujours à devenir le maître-nageur qu’il lui fallait être pour accomplir son mandat de chef de gouvernement. Et vogue la galère !

C’est alors que commencent les pressions, notamment sur le chef de l’Etat pour se débarrasser d’un chef de gouvernement qui comprenait finalement que la politique du consensus, prônée par le chef de l’Etat et le chef du parti islamiste, et la forte mainmise de la puissante centrale syndicale sur le document de Carthage, ne laisseront jamais se mettre en place les réformes, économiques et financières devenues nécessaire dans un pays dont les ressources propres rétrécissent comme une peau de chagrin.

Un Chahed, sans appui politique de la part du groupe parlementaire de son propre parti qui était fissuré entre anti et pro Hafedh Caïed Essebssi. Un chef de gouvernement qui s’était alors essayé à l’appui sur le principal partenaire social qu’est l’UGTT jusqu’à découvrir que les habitant de la place mohamed Ali (siège de l’UGTT) ne défendent que le droit à de nouvelles augmentations salariales. Et un Chahed qui finit par faire copain-copain avec Ennahdha malgré ses desseins socio-politiques dont il est conscient. On suppose qu’il avait alors finit par comprendre que la vraie crise en Tunisie est politique, son point focal était Nida Tounes qui se prépare à une passation.

Les pressions pour déloger Youssef Chahed de La Kasbah, deviennent plus lancinantes, lorsqu’il entreprend, pour les besoins de ces réformes, de tenir tête à une Centrale syndicale devenue véritable Etat dans l’Etat. Faisant preuve d’une résilience inattendue, tant de l’UGTT que de son propre parti politique qui lui en voulait d’une mauvaise distribution, selon Nidaa Tounes, des sièges dans le gouvernement et dans tout l’appareil de l’Etat. Une résilience qu’il puise, d’abord dans le contact direct avec une population avide de solutions pratiques pour ses problèmes personnels et qui se rendait de plus en plus compte que ce n’est pas Béji Caïed Essebssi qui gouverne, mais réellement le chef du gouvernement.

Une résilience qu’il renforce, lorsqu’en mai 2017, il donne le coup d’envoi d’une grande opération anti-corruption en débutant avec l’arrestation de Chafik Jarraya suivie de celles de plusieurs autres hommes d’affaires tels que Yassine Channoufi et autres. Cette initiative, préparée dans le secret depuis plusieurs mois, provoque une vague de soutien public et d’opinions favorables de la part des Tunisiens. L’idée de Youssef Chahed et de son entourage, était en fait d’arriver à se confectionner, à défaut d’appuis politiques, une ceinture de sécurité populaire qui le rendrait, même temporairement, indéboulonnable et au moins victime de la lutte anticorruption, si son mentor se décidait malgré tout à le chasser de la Kasbah.

Entretemps, les couloirs bruissent de plus en plus des relents, inodores, incolores et invisibles dans les vidéos de leurs rencontres, de relations tendues entre un chef de l’Etat soudé à sa famille et un chef du gouvernement tancé par ses adversaires de tous bords. Fortement irrité, comme lors des fuites de réunions de Nida où il était vilipendé en présence du secrétaire exécutif de son propre parti, Youssef Chahed commençait à se méfier de ses «amis» jusqu’à découvrir que ces «amis» avaient même pénétré certains cercles de pouvoir et arrivaient, selon nos sources, à prendre connaissance de certaines informations confidentielles dites dans des réunions à portes closes. L’homme apprenait assez vite et commençait à réagir, mais résistait.

  • La tentative de «coup d’Etat» politique au sérail BCE et la réplique 

Ses détracteurs passent alors au «Plan B». Naissance est ainsi donnée, au «Document de Carthage 2». Ce dernier devait dessiner une nouvelle feuille de route, économique et politique. Sur les 96 points dudit Document, les parties prenantes buttent sur le 64ème, un point relatif à la gouvernance de cette nouvelle feuille de route et où la tête de Youssef Chahed était demandée sans détour. Les premiers à la revendiquer sont l’UGTT et le Nida Tounes du fils du chef de l’Etat Hafedh Caïed Essebssi. Ce dernier poussera le bouchon jusqu’à le revendiquer dans deux Posts sur sa page fb.

Désormais assez bien formé par la pratique quotidienne du pouvoir où il passait plus de temps à parer aux coups qu’à travailler, selon nos sources, il aurait manifestement décidé de défendre ses chances. Youssef Chahed se refuse ainsi à faire le Jésus et sort le 29 mai 2018 sur les écrans pour accuser le fils du président d’avoir détruit Nida et d’être la cause principale de la crise politique en Tunisie. La guerre est ainsi déclarée entre les deux hommes, même si, aguerri et encouragé par le sentiment général qu’il n’a fait que dire tout haut ce que toute la Tunisie pensait tout bas, il entame ensuite de retourner Nida Tounes contre son destructeur. Il commence ainsi par réunir à Dar Dhiafa, le 13 juin 2018, un certain nombre de députés de Nida, dont le chef du groupe parlementaire Soufiene Toubel. Il finira par les retourner, lorsque ce même groupe se réunit en bureau politique, et publie un communiqué de presse en date du 11 juillet 2018, où il se proclame comité exécutif seul responsable de la direction du parti. Exit ainsi, selon le même communiqué, Hafedh Caïed Essebssi. On devra attendre le congrès de Nida Tounes, prévu pour le 29 septembre 2018, pour voir si le «coup d’Etat politique» de Youssef Chahed a réussi. S’il va l’être , Chahed assurera ainsi le retour entre ses mains du parti et s’assurera l’appui inconditionnel au gouvernement du bloc parlementaire de nida Tounes. Entretemps, l’apprenti politicien qu’il était en 2016, sera devenu Maître de son domaine et pourrait ainsi s’assurer l’appui nécessaire à son programme économique et financier.

Tenant toujours bon, il préparerait la réplique qui prendrait la forme d’un remaniement qui pourrait apaiser certains de ses adversaires et lui donner le temps de terminer les réformes économiques qui donneraient une bouffée d’air frais à ses soutiens. Ce remaniement, selon nos sources, devrait d’abord concerner son propre cabinet d’où certains postes devraient disparaître, en plus de la disparition des postes de secrétaires d’Etat, et restructurerait le gouvernement sous forme de pôles, éco-financier et social notamment.

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