La Tunisie est un pays qui s’endette. Sa dette représente désormais 56 % de son PIB. La Tunisie est aussi un pays qui connait «une aggravation du déficit budgétaire au cours des cinq premiers mois de l’année 2016, par rapport à la même période de l’année précédente (1.823 MDT contre 126 MDT), à cause de l’accélération des dépenses hors principal de la dette à un rythme plus élevé que celui des recettes propres». Les connaisseurs diront que le problème n’est pas dans la dette en elle-même, mais dans le fait que c’est une dette sans croissance suffisante du PIB. Or la croissance ne dépassera pas les 1,8 % cette année, selon les dernières prévisions de la BCT.
La Tunisie est enfin, pour l’instant, un pays qui a besoin de devises pour continuer à fonctionner (importer pour exporter, payer les salaires et combler le déficit de son budget). La BCT s’en inquiète et dit dans une note récente que «la détérioration du solde général de la balance des paiements s’est traduite par une baisse des réserves de change qui se sont établies à 12.076,2 MDT à fin juin, soit l’équivalent de 110 jours d’importations, contre 14.102 MDT et 128 jours, respectivement, à fin 2015». Et pourtant, les devises existent, dormant dans les coffres forts ou dans les comptes bancaires, à l’intérieur même de la Tunisie qui s’endette toujours plus à la recherche de devises !
En effet, selon les informations officielles dont nous avons pu disposer, il y aurait en théorie un cumul, l’équivalent en dinars tunisiens, de plus de 10 milliards DT, en Tunisie, mais en dehors des circuits légaux.
Il n’est un secret pour personne que les différents services de la douane tunisienne reçoivent chaque année des déclarations d’entrée (importation) et de sortie (exportation) en devises. Selon les chiffres de la douane, rien que pour les 6 premiers mois de cette année 2016 et après soustraction des importations des exportations, il est resté en Tunisie l’équivalent de presque 2,5 milliards DT. Une somme, toute en devises, mais qu’on ne retrouve pas dans les circuits officiels.
| Année | Devise importée | Devise exportée | Devise restée en Tunisie | Taux d’exportation |
| 2012 | 5.345.960.795 | 2.042.473.445 | 3.303.487.350 | 38,21 % |
| 2013 | 1.728.542.467 | 109.797.314 | 1.618.745.153 | 6,35 % |
| 2014 | 2.647.467.045 | 771.559.595 | 1.875.907.451 | 29,14 % |
| 2015 | 2.209.699.467 | 343.951.461 | 1.865.748.006 | 15,57 % |
| Juin 2016 | 2.546.232.609 | 59.646.609 | 2.486.586.322 | 2,34 % |
Il faut préciser ici que ce montant n’inclue que les déclarations, faites de plein gré, par les opérateurs et les particuliers. En 6 mois, par exemple, les différents postes frontaliers tunisiens ont enregistré l’entrée de 447.544.670 euros, 679.439.716 dollars américains, 59.238.506 Dirham Emirati, 22.620.168 Rial Qatari. Rien que pour le premier semestre de cette année, seuls 2,34 % des 2,546 milliards DT importés ont été réexportés. Tout au long des cinq dernières années, le taux de sortie ou d’exportation des devises, déclarées en billets, n’a pas dépassé les 38,21 % pour l’exercice 2012.
- 15.000 CPD et 2 Milliards en devise, dont beaucoup font du sur-place !
Des devises, il y en a aussi dans les comptes bancaires, en effet depuis qu’il est permis il y a quelques années aux hommes d’affaires tunisiens de garder la totalité des devises étrangères importées en contre partie de leurs exportations, dans des CPD (Comptes professionnels en Devises).
La BCT (Banque Centrale de Tunisie) en recense 15.000 ouverts auprès des différentes banques du pays. Selon la BCT toujours, le solde de ces quinze mille CPD était de 2,9 Milliards DT en billets étrangers à fin juillet 2016. Beaucoup de ces CPD enregistrent, toujours selon la BCT, peu de mouvements, ce qui laisserait à penser que les devises qui y dorment sont peu utilisées pour les importations d’équipements ou de biens par les propriétaires des CPD.
Certains sont même utilisés comme garantie pour l’achat de devises sur le marché local ou comme des dépôts de sécurité pour leurs propriétaires, en connivence avec certains banquiers qui se servent en commissions au passage.
La BCT le sait et se retrouve obligée, en 2012 comme en 2013, d’adresser une circulaire aux intermédiaires agréés (les banques de la place), leur demandant de puiser essentiellement les devises pour les opérateurs économiques dans leurs CPD et de ne le faire qu’à concurrence des besoins de règlement non couverts par lesdits fonds.
- Presque 305 kilos d’or saisis par la douane
| Quantités d’or saisies durant les cinq dernières années | ||
| Année | Quantité en gramme | Valeur en DT |
| 2011 | 107.113,870 | 5.311.197,160 |
| 2012 | 9.096 | 607.194,4 |
| 2013 | 69.333,2 | 4.759.212,183 |
| 2014 | 39.120 | 2.373.544,7 |
| 2015 | 80.186,8 | 5.243.370,4 |
| Total cinq années | 304.849,87 | 18.294.518,843 |
Les services de la douane tunisienne ne font par ailleurs pas que compter les devises déclarées, ils le font quelques fois, mais pas que. La douane a en effet saisi au cours des cinq dernières années pas moins de presque 405 kilos d’or, soit en lingots ou en bijoux divers. Une quantité qui représente un montant de plus de 18 MDT.
La Tunisie est un pays qui n’a officiellement pas les moyens de sa politique. Mais la Tunisie est aussi un pays qui théorise beaucoup et dont la population, une certaine catégorie faut-il le préciser, a les moyens du niveau de vie qu’elle mène et qui parait officiellement au-dessus des moyens de l’Etat. Nous avions, dans un précédent article intitulé «L’or de la Nation : 6,7 tonnes à la BCT et 30 tonnes chez les particuliers», donné les chiffres officiels qui le prouvent. Avec les 4 milliards DT en devises, dans les coffres et les comptes, elle pourrait presque résoudre tous ses problèmes sans dette.
