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Tunisie-Dépréciation du dinar : Ce que Kamel Nabli en pense et comment y remédier !

Alors que le dinar tunisien n’a de cesse de plonger, se dépréciant d’environ 64% en comparaison avec l’année 2010, la nécessité se fait de plus en plus impérieuse d’arrêter cette descente aux enfers. Forcément, la communauté des experts s’est saisie de la question pour dresser l’état des lieux et faire des préconisations. Mustapha Kamel Nabli, clerc en la matière pour avoir été surtout gouverneur de la Banque centrale a livré les siennes assorties d’un diagnostic qu’il a posé lors d’une rencontre organisée, récemment, par l’association DREAM (Dynamique de Réflexions Economiques à Mahdia).

L’interrogation centrale à laquelle il a fallu répondre était de savoir si la fixité du taux de change par rapport aux monnaies étrangères pourrait être la solution à la dépréciation accélérée du dinar. Tout en se ralliant à l’idée que les autorités de change peuvent décider de fixer le taux de change d’une monnaie, vis-à-vis d’une monnaie donnée, d’un panier de monnaies ou des droits de tirage spéciaux, l’ex patron de l’Institut d’émission a jugé qu’il encore beaucoup plus important de savoir si les collatéraux de la fixation du taux de change, sont défendables et soutenables dans le temps.

Il a d’abord fait remarquer que « le taux de change n’est pas une variable indépendante étant intimement lié à l’ensemble de la politique macroéconomique du pays ». Et ceci implique que si les conditions de stabilité macroéconomique ne sont pas suffisamment solides en termes d’inflation, de déficit budgétaire, de déficit de la balance de paiement, « le taux de change ne peut pas être fixé et les autorités seront tôt ou tard obligées de le changer ».

Moins généralement et s’agissant précisément du dinar tunisien, il a rappelé que le taux de change du dinar s’est déprécié, en deux phases. La première s’étale sur les 5 premières années 2010-2015, où la dépréciation en moyenne a été de 30%, soit une dépréciation moyenne annuelle de 6%. La deuxième phase, à partir de la fin 2016, jusqu’à aujourd’hui, la dépréciation moyenne a été de 28%, soit un rythme 3 fois plus rapide que celui des 5 premières années. « Et c’est la raison pour laquelle l’opinion publique est devenue plus sensible à cette question de dépréciation », a-t-il expliqué.

« Non seulement l’inflation a augmenté, mais les déficits jumeaux et l’endettement intérieur et extérieur aussi, sapant ainsi toutes les conditions de maintien de la stabilité du taux de change. Ce qui veut dire que la Tunisie n’a pas les moyens de maintenir la stabilité du taux de change  » a-t-il affirmé.

Les options ou scenarii possibles

Nabli estime que trois options sont possibles. La première consiste à  » fixer le taux de change et à forcer la stabilité du dinar. Cette option a d’ailleurs, été retenue il y a quatre mois. Le taux de change n’a pas beaucoup bougé depuis. Mais est-ce soutenable à long terme », s’est-il interrogé.

La deuxième, possible mais difficile à faire passer, consiste à  » fixer le taux de change, mais tout en mettant en place les politiques appropriées pour le soutenir. Pour ce faire, il faut que la politique monétaire soit plus restrictive pour baisser l’inflation, c’est-à-dire qu’il faut augmenter les taux d’intérêt de façon significative. Il va falloir aussi, réduire le déficit budgétaire. C’est la seule manière de maîtriser le déficit de la balance de paiement et de protéger ainsi, les réserves en devises et donc défendre le taux de change. Ce sont des mesures qui ne sont pas faciles à faire passer mais possibles » ».

La troisième option c’est de se retrouver « dans l’incapacité de maîtriser le déficit budgétaire et l’inflation parce qu’on ne peut pas poursuivre une politique monétaire très restrictive et augmenter fortement les taux d’intérêt. On sera, ainsi obligé d’accepter un déficit budgétaire important et de faire avec une politique monétaire laxiste. Dans ce cas là, on n’aura plus d’autres choix que de laisser le taux de change se déprécier pour ajuster la balance de paiement. Des politiques monétaire et budgétaire laxistes ne peuvent pas défendre un taux de change fixe » a-t-il regretté.

Une telle option ne peut, selon Nabli, que pousser l’économie tunisienne dans un cercle vicieux où la dépréciation accélérée du dinar génère une inflation accélérée qui alimente de nouveau la dépréciation.

De fausses solutions souvent proposées

Nabli a critiqué les fausses solutions souvent proposées pour résorber ce problème de dépréciation.  » La première fausse solution consiste à ouvrir des bureaux de change pour intégrer dans le circuit organisé les devises circulant dans le marché parallèle. On oublie là que le marché parallèle obéit à un taux déprécié par rapport au taux officiel. Supposons qu’on va réussir à canaliser tous les flux de devises vers le circuit officiel. Si l’Etat va le faire en fonction du taux de change officiel, il risque d’aggraver le déficit commercial du pays parce qu’il va vendre des devises à un taux plus intéressant pour le marché parallèle « .

La deuxième fausse solution consiste, selon lui,  » à imposer des limitations aux importations qui ne sont pas nécessaires. Cette solution a été essayée partout dans le monde mais elle n’a jamais marché parce que les causes fondamentales de la dépréciation ne sont pas résolues. Si la demande sur les importations est forte, imposer des restrictions par les voies officielles, revient à favoriser les importations par les voies parallèles, favorisant ainsi, le commerce parallèle et la corruption. Les mécanismes de contrôle quantitatifs ne marchent, généralement, pas « 

La troisième solution  » c’est de décider une amnistie de change pour pouvoir augmenter les réserves de change. Supposons que cette amnistie va drainer des flux de devises vers le pays, ce qui n’est pas évident. Le niveau de devises va croître, provisoirement, et très vite l’Etat va se retrouver dans la même situation. On ne résout jamais, un problème de flux par un phénomène de stock. L’amnistie change le stock de devises mais pas les flux. Les causes fondamentales de la dépréciation restent inchangées et donc le problème n’est pas résolu « , a-t-il estimé.

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