AccueilLa UNEAhmed Mestiri : Un va-t-en guerre ou un faire-valoir?

Ahmed Mestiri : Un va-t-en guerre ou un faire-valoir?

L’opinion publique a pensé un moment que la candidature d’Ahmed Mestiri au poste de chef du gouvernement a été définitivement abandonnée, lorsque l’ex-ministre de Bourguiba a déclaré à l’Agence TAP, jeudi 31octobre, qu’il n’était plus candidat et qu’il soutenait l’initiative de l’UGTT et répondait positivement à l’invitation du Quartet pour participer au Dialogue national à titre personnel.

Le parti Ennahdha qui a appuyé en sous-main cette malheureuse candidature et a tenu à la coller au parti Attakattol , a annoncé , le même jour , par la voix de responsables de premier plan , que le candidat à la Primature peut être recherché au-delà de la liste proposée et qui était en train de se rétrécir après le retrait d’Ahmed Mestiri .Tout le monde avait cru que le consensus était proche pour le choix du chef du gouvernement .Mais vendredi , deux évènements simultanés ont renversé la donne en quelques heures : Ahmed Mestiri revient sur sa décision et Ennahdha annonce qu’elle mise désormais sur lui , et uniquement sur lui .

Le parti islamiste a-t-il été surpris par l’évolution du dialogue national, et compris que la désignation d’un chef de gouvernement parmi les 3 restants en lice (Mohamed Ennaceur , Jalloul Ayed et Mustapha Kamel Nabli ) , sera de mauvais augure ? Ou bien les luttes internes au sein du parti islamiste se sont de nouveau exacerbées pour bloquer toute évolution consensuelle?

Le dialogue qui a mal démarré, et dont quelques volets piétinent encore (la composition de l’ISIE et l’amendement du règlement intérieur de l’ANC) , donne , cette fois ,l’image d’une machine grippée . Et des gens de bonne foi comme Boussairi Bouabdelli se sont hâtés pour se porter volontaires dans le but de persuader l’ancien président du Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS) de quitter la compétition , sans résultat .

Tout portait à croire , ces derniers temps ,qu’Ennahdha ne portait plus Ahmed Mestiri dans son cœur . Car l’ancien ministre de Bourguiba , qui était l’inspirateur de la troïka , et celui qui a scellé le lien entre le parti islamiste et ses deux alliés (Attakattol et le CPR) bien avant les élections d’octobre 2011, s’en est éloigné, depuis fin 2012 . Les observateurs n’ont pas été surpris par le cri de détresse lancé par Ahmed Mestiri, le 16 octobre 2012, aux assises du Dialogue national, initié par l’UGTT, à cette époque : »je suffoque mais ma langue reste bloquée  » ou lorsqu’il a exprimé à la chaîne Russya Alyaoum , le 28 octobre 2012 ses craintes de la recrudescence du salafisme dans le pays . Il ira , dans la même déclaration , jusqu’à accuser à demi-mot , Rached Ghannouchi de duplicité et de machiavélisme , en assurant : « quand Rached Ghannouchi m’a rendu visite, je lui ai dit des choses essentielles: le double langage, l’ambiguïté et les tergiversations , lorsqu’il s’agit de prendre une bonne décision et au bon moment, pourraient porter préjudice à tout le monde ,à la Tunisie dans son ensemble , à la pérennité de la révolution, et même au parti majoritaire  » , ajoutant à son hôte (Ghannouchi ) que l’attaque de l’ambassade des Etats-Unis Tunis (septembre 2012) pouvait être évitée . Il finit par avertir son interlocuteur du danger du maintien de rapports équivoques avec les salafistes .

Ahmed Mestiri donnant l’image de quelqu’un qui a réalisé l’échec de son projet politique post – révolution (la troïka), s’est éloigné ,à petits pas ,il est vrai , mais de manière irréversible , de cette entreprise hasardeuse qui consiste à miser sur le respect par l’islamisme politique des normes de la démocratie , et à croire à la sincérité de ce que disent ses dirigeants . Mais on découvre que les liens entre Ennahdha et le vieux routier de la politique sont toujours solides.

Où devrait-on chercher, au juste, la plateforme qui rapproche Ahmed Mestiri et Ennahdha ?

Cette plateforme, on la retrouve dans le rejet partagé des deux parties des acquis de la Tunisie . Ahmed Mestiri n’a été associé à aucun acquis réalisé depuis 1971, et il était témoin d’un pays qui ne cesse d’avancer et d’enregistrer des acquis réels même s’ils sont incomplets et imparfaits du fait du climat antidémocratique qui régnait, et que lui-même n’avait de cesse de dénoncer . Mais les avancées enregistrées étaient notoires au regard des moyens limités dont dispose le pays , et des acquis peuvent être réalisés , même dans un climat de contrainte et de répression .Cette vérité première a échappé à Mestiri et il a l’air de regretter de ne pas l’avoir découverte auparavant . Et il a l’air d’en vouloir à ceux qui étaient associés à la vie publique depuis son départ du gouvernement, même s’ils n’ont pas trempé dans la corruption et la répression. De l’autre côté , la vision négative du parti islamiste relevait d’un tout autre registre , car elle partait du fait que tout ce qui a été réalisé en Tunisie était bâti sur la base de choix qui ont occidentalisé le pays et perverti la société .

A sa sortie du pouvoir, Ahmed Mestiri avait misé sur un bouleversement de la vie politique et surtout de la règle du jeu qui régit la sphère publique, mais cela a mis du temps pour arriver. Et même après la révolution et l’accès d’Ennahdha au pouvoir, en décembre 2011 , la vielle règle du jeu semble ressuscitée et le plus souvent goujatement , ce qui nous étonne quant à la motivation réelle de l’alignement de Ahmed Mestiri sur les positions d’Ennahdha .

Lorsqu’il a été proposé à la Primature , des observateurs y avaient vu une manœuvre de la part d’Ennahdha pour utiliser la notoriété du vieux routier de la politique en vue de faire monter les enchères et soutirer quelques acquis politiques ,pour enfin le laisser tomber .Mais lorsque les dirigeants nahdhaouis se sont accrochés à cette candidature , les desseins du parti islamiste seraient passés de l’opportunisme compréhensible , au cynisme intolérable .

Théoriquement , il est du droit d’Ennahdha d’utiliser tous les moyens pour maximiser ses atouts et faire valoir ses intérêts , en proposant n’importe qui à n’importe quel poste , mais l’image d’Ahmed Mestiri est déjà sortie entachée du jeu politique postrévolutionnaire . Il n’est pas étonnant de le voir embourbé dans ces méandres marécageux : n’a-t-il pas annoncé, le 16 février 2011, que le militantisme du MDS est désormais incarné par Ettakattol .Or, tout le monde sait où en est ce parti aujourd’hui. Le même Mestiri a œuvré à la mise en place de la troïka qui s’est révélée un fiasco politique , et a stigmatisé, à partir de fin 2012, les menées d’Ennahdha en rapport avec le terrorisme pour finir en un de ses alliés indéfectibles au moment fort de la recrudescence des attentats djihadistes contre l’armée et les forces de l’ordre , et il admet qu’il soit le candidat du parti islamiste à la Primature dans ce lourd climat de poudre et de soufre .Ce n’est toujours pas étonnant , car on a déjà vu l’illustre opposant qui a osé dire non à Bourguiba , et refuser d’envoyer des policiers pour encadrer le congrès de l’UGET de Korba en août 1971 , siéger , les 12 et 13 janvier 2013, au Palais des congrès de Tunis, aux côtés de Raouf Ayadi, des responsables du Hizb ut-Tahrir, et de Iman Triqi, présidente de l’association Liberté et Equité , dans le cadre du congrès national pour la reddition des comptes et la poursuite en justice des corrompus et des personnes compromises avec l’ancien régime (Mouhassaba ) .

Aboussaoud Hmidi

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