AccueilLa UNE«Bigame» depuis samedi soir, Youssef Chahed s’est offert un «deuxième bureau»

«Bigame» depuis samedi soir, Youssef Chahed s’est offert un «deuxième bureau»

Il y a quelques jours seulement (26.5.2019), Salim Azzabi disait de Youssef Chahed à «Jeune Afrique» que «aujourd’hui, il est engagé dans un processus de réformes gouvernementales et n’a donc pas de temps à consacrer à Tahia Tounes». Aurait-il terminé, en une semaine, son travail de réformes au gouvernement, pour décider de se tourner désormais vers son propre parti ? Il semblerait que oui !

  • Risque flagrant de conflit d’intérêts politiques et peut-être même d’abus de pouvoir !

Le conseil national du parti Tahia Tounes a en effet fini, samedi soir et une semaine après les déclarations de son SG, par élire Youssef Chahed au fauteuil de président du mouvement. Un fauteuil qui, certes, a moins de poids que celui de Chef gouvernement. Rien ne l’y empêche, ni dans la constitution, ni dans la loi électorale, mais être président de Tahia Tounes et chef du gouvernement en même temps, est-ce compatible ?

En tant que chef de gouvernement, il est en effet censé diriger tout un pays. Dans le poste de chef de parti politique, il ne dirigera qu’un parti qui ne représente qu’une partie (petite ou grande, selon les sondages) du pays. Dans le premier fauteuil, il dirige tout un Etat et le représente. Dans le second poste, il est censé veiller aux intérêts de son parti et les défendre bec et ongles. Dans le second, il a vocation à défendre les intérêts de tous, y compris ceux de ses concurrents et ennemis politiques. On est presqu’à deux doigts du conflit d’intérêts politiques. Il faudra désormais aussi que Chahed, chef de gouvernement, dise et précise à quel titre il s’adresse au peuple, s’il venait à le faire ; et que Youssef fasse attention à ne pas mélanger les genres et les chapeaux.

Désormais président d’un des partis, actuellement au pouvoir et qui entrera en compétition pour le reconquérir, il est aisément susceptible d’être accusé de délit d’initié et de divulgation de secrets d’État. Chef de gouvernement, il a en effet théoriquement accès à beaucoup d’informations sensibles, touchant à des intérêts publics et des intérêts privés. Il pourrait certes toujours se prévaloir de l’obligation de réserve et scrupuleusement la respecter. Il n’en demeurera pas moins facilement passible d’utilisation de ces informations pour le compte de son parti. Ce dernier se mettra, dans tous les cas, dans une situation de concurrence déloyale par rapport au reste de ses concurrents pour les prochaines élections.

Il avait, par exemple, essayé de changer la loi électorale en interdisant aux présidents d’associations et aux propriétaires de médias de candidater. Il ne pourra plus le faire, au risque d’être accusé, à juste titre, d’exclure des concurrents et de favoriser son propre parti. Il avait été déjà accusé d’user des moyens de l’Etat pour faire sa propagande et il s’en était justement défendu. Désormais, il sera difficilement défendable face à une telle accusation.

  • Deux bigames dans un seul gouvernement 

La situation n’est pas contraire à la loi, mais elle est inédite dans le petit laps de vie de la 2ème République. Une situation qui fera, à coup sûr, le jeu de Tahia Tounes et l’enjeu de Youssef Chahed. Toutes les réalisations de Chahed chef de gouvernement, seront désormais ceux de Chahed président de Tahia Tounes. Cela, d’autant plus que certains indicateurs de la vie économique commencent déjà à s’améliorer et que certaines réformes, sociales notamment, commencent à être concrétisées. Une image d’un Chahed bâtisseur et soucieux des catégories les plus vulnérables, qui fera certainement l’affaire de Tahia Tounes.

Jusque-là aussi, une situation qui pourrait rester tenable, car non interdite par la Constitution et le code électoral, par le reste des partis politiques en place. Mais une situation qui pourrait devenir intenable, si le chef du gouvernement venait à se déclarer candidat pour les prochaines présidentielles. Réagissant à cette perspective, Rached Ghannouchi a dès aujourd’hui dimanche 2 juin 2019, menacé de réviser la position d’Ennahdha vis-à-vis de Youssef Chahed.

Nous pensons, cependant, que Youssef Chahed ne s’aventurera pas à candidater pour les présidentielles. Il sait très bien, pour l’avoir expérimenté auprès de Béji Caïed Essebssi, que ce n’est pas à Carthage que se trouve le véritable pouvoir. Son parti, Tahia Tounes, tiendrait par ailleurs en réserve déjà un candidat qui a la tête de l’emploi. Interrogé par JA s’il excluait de faire de Kamel Morjane le candidat de Tahia Tounes aux présidentielles, le SG de Tahia Tounes a indiqué que «tout est possible. Kamel Morjane est une personnalité nationale avec une forte compétence et aujourd’hui un leader de Tahia Tounes». Le scénario serait ainsi que Morjane, une fois au Palais, reconduira Youssef Chahed à La Kasbah.

Pour l’instant, la Tunisie avait jusque-là un ministre du gouvernement Chahed, secrétaire général d’Ennahdha (Zied Laadhari qui est ainsi la deuxième personnalité du parti islamiste au pouvoir). Elle a, depuis samedi dernier, un chef de gouvernement chef de parti politique. Reste à savoir s’ils finiront par faire harem, encore commun !

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